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Une enquête de l'Observatoire national de l'emploi et des qualifications a révélé que plus de 18% des jeunes sont complètement oisifs. Un chiffre inquiétant...

Par Aref Slama

Notre jeunesse vit un chômage endémique, qui concerne un jeune sur sept. Le taux de la chronicité avoisine les 38%. Quant aux jeunes diplômés, l'enquête a montré que plus de 50% sont placés hors leur branche d'activité et répartis entre agents et personnel non qualifié (26,8%), artisans (14,8%) et ouvriers et vendeurs (16,3%).

Jeunesse rime avec précarité et vulnérabilité

Est considéré comme jeune en Tunisie, toute personne âgée de 18 à 29 ans. Cette vision est moins limitative que celle adoptée par les organismes internationaux qui optent pour l'âge maximum de 24 ans.

En Tunisie, plusieurs contraintes pèsent sur les parcours des jeunes et reportent leur accès à l'emploi tels que l'allongement de la durée de la formation et l'arrivée tardive au stade actif ce qui engendre une certaine confusion de la dynamique de l'édification personnelle.

En moins de soixante ans, la Tunisie a achevé sa transition démographique, alors que les pays européens y ont mis entre 100 et 150 ans. L'indice synthétique de fécondité (enfants par femme) est passé de 7,2 en 1966 à 2,05 en 2009 et le taux d'accroissement de la population a diminué de 2,9% en 1966 à 1,2%. Néanmoins, la population tunisienne estimée à 10.883.000 habitants est encore relativement jeune.

Au niveau économique, se rapprocher du plein-emploi dans notre pays est considéré aujourd'hui – et certes pour longtemps – comme un objectif impossible à atteindre. Le taux de chômage, estimé à 17,6% fin juin 2012, est caractérisé par une expansion inquiétante, le fléau touche de plein fouet les jeunes provoquant précarité et vulnérabilité. Les troubles politiques actuels impactent l'autonomisation des individus en chômage et ainsi la jeunesse a du mal à se prendre en charge.

De nombreux jeunes survivent avec des revenus insignifiants et travaillent dans des situations difficiles, fréquemment dans le secteur informel, qui attire depuis 2011 une part de 53,5% de la population active, et rencontrent, de ce fait, d'énormes difficultés pour accéder aux ressources et pour maîtriser surtout les compétences, les connaissances et le capital.

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Sit-in de jeunes diplomés chômeurs à Gafsa.

Un risque stratégique majeur

Détruits, marginalisés et vivants au gré des chocs socio-économiques, de plus en plus de jeunes, qui perçoivent leur image comme étant négative dans leur environnement, basculent dans des comportements à risque tels que la violence, l'extrémisme religieux, l'alcoolisme, la toxicomanie, l'émigration clandestine et les trafics illicites de toute sorte.

Le passage au pouvoir de la Troïka, la coalition gouvernementale dominée par le parti islamiste Ennahdha, qui a transformé la Tunisie en un «Etat mendiant» et en faillite, et la chute brutale du taux de décaissement des investissements publics ont provoqué une véritable paralysie sociale et économique du pays.

L'ardoise laissée par les islamistes, qui s'est chiffrée à 11,8 milliards de dinars en terme de déficit de trésorerie et 16,8 milliards de dinars de dettes uniquement pour les années 2012 et 2013, sans compter les effets sur les années ultérieures, ne pourrait être soldée que dans des décennies durant lesquelles des générations de jeunes souffriront de malheurs économiques, sociaux et budgétaires.

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Les extrémistes religieux tentent d'imposer leur loi à l'université.

En Tunisie, comme dans la région des pays du «printemps arabe», les jeunes sont montés au créneau, au cours des dernières années, à un point tel qu'on a appelé cet évènement «révolution» de la jeunesse. Aujourd'hui, ce rôle considéré comme pionnier semble avoir été laminé par plusieurs obstacles liés au vieillissement des classes politiques, au chômage, et particulièrement à la montée du fondamentalisme islamiste qui a divergé des revendications de la jeunesse désormais dans le désarroi.

Impliquer les jeunes davantage dans la détermination, la mise en place et l'évaluation des politiques est un préalable appuyant l'édification d'un présent et d'un avenir qui tient compte des besoins et des espoirs de chacun.

Cependant et même si le niveau d'instruction de cette population ne cesse de s'améliorer, l'absence de perspectives claires et de dispositifs de mobilisation et d'encadrement ne favorise pas le développement de la perception d'appartenance citoyenne. Cet état de fait constitue un risque stratégique majeur pour la stabilité du pays pour les années à venir.

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