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Le corps de la collégienne Eya, brûlée vive le 28 mai par son père, a été inhumé aujourd'hui après la prière d'Al Asr au cimetière de Sidi Yahia à Tunis.

Par Zohra Abid

Lundi à 15H00, une chaleur torride et une ambiance lourdaude. Au bout de la petite ruelle au croisement de la rue El-Fahs et celle de Ben Guerdane, à la Cité Ibn Khaldoun, à l'ouest de Tunis, une tente est implantée. C'est là où la famille de Eya (13 ans), fille de Laâroussi, reçoit les condoléances.

Le silence des ténèbres

Ici, on préfère ne pas rester trop longtemps. L'ambiance est de plus en plus lourde et on n'a même pas le temps pour consoler les proches et surtout la maman. Celle-ci, le regard perdu, est presque absente.

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Une enfant martyrisée... jusqu'à la mort.

«La gamine a dû trop souffrir. Ma pauvre. Bon maintenant elle se repose, Allah Yarhamha... (Que Dieu la prenne en sa miséricorde)», raconte une dame à une autre, debout au coin de l'impasse en face. Toutes deux étaient, il y a quelques instants, sous la tente pour présenter leurs condoléances.

A quelques pas de là, un jeune homme. C'est le voisin de Laâroussi. Selon lui, c'était une seconde de folie, sinon le père, tel qu'il le connait, n'aurait jamais commis un crime pareil. «Laâroussi a toujours été un homme sage. Bon Dieu, c'est le diable qui lui a soufflé son acte, sinon, d'habitude, l'homme est calme et réfléchi», dit le jeune homme, accablé par le sort de la fille morte et de son père en prison. Il est aussi inquiet, écrasé par l'angoisse.

«Oui, il était sage, sauf qu'il était aussi un peu difficile avec sa fille. Trop difficile», murmure une dame, presque en s'excusant, comme si elle craignait d'avoir dit un mot de trop pouvant froisser le jeune homme.

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Au bout de la ruelle, la maison de la défunte.

Au salon de coiffure d'en face, une dame, très énervée, n'est même pas choquée par la mort de la petite voisine. «Bon Allah yarhamha et c'est tout», nous lance-t-elle. Elle nous gronde, presque, avec son regard perçant.

A quelques dizaines de mètres du domicile de la défunte, se trouve le collège que fréquentait Eya. Les portes sont fermées. L'année scolaire a déjà pris fin et il n'y a plus ni élèves, ni gardien ni directeur... Tout est calme (enfin presque). En nous approchant de la grille, un chien noir se met à aboyer. Le collège porte, d'une certaine manière aussi, son deuil.

Ici, le silence est lourd et les paroles plutôt rares : tout le monde épie tout le monde. La loi de l'omerta est un refuge. On vous fait sentir que vous êtes étranger et que vous ferez mieux de vous en aller. 

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Sous la terre, le corps meurtri de Eya, ravie à la fleur de l'âge. 

Une fin d'année scolaire tragique

Nous sommes au cimetière Sidi Yahia à El Omrane (Tunis). Tout au fond à droite sur un monticule, repose désormais Eya, à côté de la tombe de sa grand-mère Fatma.

«C'est Lotfi, son oncle, qui s'est occupé des formalités de l'enterrement. C'était avant qu'on ne ramène le cercueil à la maison pour peu de temps avant l'enterrement. La petite s'est éteinte vendredi soir et on ne pouvait pas la garder plus longtemps à la morgue. Quant au père, non je ne l'ai pas vu», a précisé Soufiene, le fossoyeur. Il vient juste d'arroser la terre où le corps repose. «L'enterrement a eu lieu il y a à peine une heure. C'est un drame. C'est l'oncle qui a choisi l'emplacement. Il voulait qu'elle soit enterrée à côté de la tombe de sa mère», a ajouté Soufiène.

Laâroussi, accusé d'avoir brûlé sa fille vivante, croupit aujourd'hui en prison. Pour combien de temps encore ? On n'en sait rien. La mère d'Eya est inconsolable : elle vient de perdre un être très cher et il lui sera très dur de faire son deuil. C'est la double peine, une fille morte à l'âge des fleurs, brûlée par son propre père et un mari, le père de ses 2 autres enfants, en prison.

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Le collège d'Eya est vide, les murs pleurent...

L'année scolaire que vient de passer Eya était rythmée de bonnes notes et couronnée des félicitations des professeurs. Mais la fin à viré à la tragédie.

A la rentrée prochaine, Eya va certainement manquer à ses camarades de classe, à ses professeurs et à tous ceux qui l'ont aimée.

 

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