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Une jeune universitaire franco tunisienne, Itidel Fadhloun Barboura, chargée du Haut conseil des Tunisiens à l'étranger (HCTE) devient le 3e œil du dossier. Avant de jeter l'éponge...

Propos recueillis à Paris par S. W.

Avant d démissionner, le 9 août, du poste de déléguée, chargée du projet de Haut Conseil des Tunisiens à l'Etranger (HCTE) au sein de l'Office des Tunisiens à l'étranger (OTE), auquel elle avait été nommée le 1er juin dernier, la Franco-tunisienne Itidel Fadhloun Barboura, était animée des meilleurs volontés pour servir la communauté des Tunisiens à l'étranger. Les calculs politiques du secrétaire d'Etat à l'Emigration et les rigidités administratives n'ont pas tardé à avoir raison de son enthousiasme.

Recrutée le 1er juin par le gouvernement provisoire tunisien pour assurer la mise en place et la supervision du Haut Conseil des Tunisiens à l'Etranger (HCTE), Itidel Fadhloun Barboura, est une Franco-tunisienne qui suit de près le dossier fragile de la diaspora tunisienne.

«Ce projet m'intéresse et me concerne parce qu'il constitue une occasion de donner une considération, un sens, dit-elle à l'histoire et à la mémoire des émigrés et binationaux comme moi», disait-elle.

A travers le soutien et l'approbation de nombreux députés, de compétences et d'associations de Tunisiens à l'étranger, cette citoyenne libre de toute attache politique pensait trouver dans sa mission une garantie de sérieux, de rassemblement et de réussite. «J'ai accepté, par pure soucis citoyen et d'engagement militant, d'accompagner ce processus déjà existant au stade d'idée depuis 1988, et ce, afin de participer à sa mise en place dans un cadre strictement technique et éloigné de toute sorte de tiraillement politique.»

Tout en constatant des anomalies et un dysfonctionnement criant dans la gestion du dossier, elle a décidé de poursuivre sa mission pour préserver le projet contre les jeux de pouvoirs et les instrumentalisations politiques et partisanes d'où qu'elles viennent.

Sur le plan méthodologique, elle a constaté l'absence d'un plan d'action et de communication, le manque d'information et de coordination entre divers acteurs gravitant autour du projet et qui n'auraient pas assuré de suivi sérieux, tel le chargé de mission sortant, Karim Azouz, ancien directeur de la campagne électoral d'Ennahdha en France, nommé depuis 2012 Consul général de Tunisie à Paris.

Itidel Barboura a déploré également une négligence à l'égard du champ social, constituant le cœur de la dynamique qu'elle voulait instaurer.

Fort de ces constats, elle a décidé de revoir le projet et d'en faire une étude sérieuse. Elle a ainsi mis en place un site internet qu'elle a nommé Majlesna  dans lequel elle diffusait l'ensemble de son travail, ses comptes rendus, de l'avant projet de loi ainsi qu'une première enquête traduite en 4 langues et un plan d'action qu'elle a proposé avec une vision plus transversale, plus consensuelle et plus élaborée dans le temps. «En tant que citoyenne indépendante et fille d'immigrée et mère d'enfant de 3e génération, il est de mon devoir de ne pas abandonner ce dossier et de lui trouver une issue raisonnable», justifiait-elle.

Entre les enjeux de l'Office des Tunisiens à l'Etranger (OTE) consistant à s'accrocher coûte-que- coûte à un pré carré occupé officiellement depuis 1981 et ceux du secrétaire d'Etat à l'Emigration et aux Tunisiens à l'étranger, qui défend son agenda politique, Itidel Barboura a essayé d'incarner l'œil de la société civile des Tunisiens à l'étranger en initiant un travail sérieux, transparent et empreint de vérité. Sa détermination et sa prise de position étaient d'ailleurs sans faille: «Les attentes et les problématiques auxquelles sont confrontés les membres de la société civile des Tunisien(ne)s résidant(e)s à l'étranger, doivent être écoutées avec autant de sérieux que de rigueur. Les objectifs doivent être clairs et l'organisation fluide, sans contrainte de temps, d'échéance estivale, ou électorale», disait-elle.

Le forum annoncé à Hammamet pour le 19, 20 et 21 août prendra-t-il en compte l'ensemble des revendications de la société civile tunisienne à l'étranger? Elle l'espère, mais elle s'empresse d'expliquer: «Mon regard fait parti de celui de la société civile. J'estime qu'il est antidémocratique de s'obstiner à maintenir de tels évènements en l'absence de la prise en compte des attentes et des aspirations des citoyens expatriés».

Mme Barboura, qui vient de présenter sa démission de son poste, souligne, par ailleurs, l'urgence d'ouvrir un dialogue avec cette communauté qui compte des anciens militants maitrisant parfaitement la problématique, des opposants exilés depuis plusieurs années, des intellectuels et des compétences susceptible jouer un rôle majeur dans l'invention du projet de Haut Conseil des Tunisiens à l'Etranger. «Sans leur présence et sans leurs voix, ce projet ne sera qu'une mise en scène ne profitant qu'aux organes assoiffés de pouvoir qui protègent leur intérêt à défaut de protéger l'intérêt général», prévient-elle, déjà désenchantée.