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Longtemps tue, honteuse et persécutée, la revendication homosexuelle se proclame désormais ouvertement dans le monde arabo-musulman, et particulièrement au Maghreb. Elle passe de la clandestinité douloureuse à l’affichage militant. Avec le soutien de la communauté gay internationale…


Cela s’est passé jeudi 4 novembre, au célèbre café du Flore, au quartier Saint-Germain à Paris. L’écrivain marocain Abdellah Taïa, qui venait recevoir le prix de Flore pour son roman ‘‘Le Jour du Roi’’ (éd. Seuil, Paris, 2010), n’a pas laissé passer l’occasion pour plaider la cause de ses semblables. «Je suis homosexuel. Arabe et homosexuel. Je voudrais associer ce prix à ceux qui sont dans ma situation, au Maroc et ailleurs», a-t-il lancé à l’assistance, constituée essentiellement d’Européens.

«Je suis homosexuel. Arabe et homosexuel»
Un silence a parcouru la salle. «Je suis homosexuel. Arabe et homosexuel» deviendra presque un slogan de ralliement révolutionnaire. Il sera repris en titres par certains médias français. On présente désormais Abdellah Taïa comme «un courageux auteur marocain, maudit par tous les bigots de son pays pour avoir osé confesser son homosexualité».
La légende de l’écrivain de 37 ans est donc déjà faite. Après avoir passé sa jeunesse à Salé, près de Rabat, Abdellah Taïa s’est établi à Paris. C’est l’un des premiers Marocains à s’être proclamé homosexuel. Le ‘‘Nouvel Obs’’ rapporte même que cela «lui a valu les injures et menaces de mort d’une partie de la presse marocaine, mais n’a pas suffi à l’intimider». Est-ce possible? Les confrères marocains auteurs de ces menaces, si tant est qu’ils aient bien existé, auraient peut-être mieux fait de regarder ailleurs…   
Le militantisme gay de Abdellah Taïa s’inscrit dans un mouvement de fond qui a commencé en Egypte, il y a quelques années, avec les fameux procès des homosexuels, largement médiatisé en Occident.
Ce mouvement s’est poursuivi avec la publication, le 1er avril dernier, de ‘‘Mithly’’ (homosexuel, en arabe), le premier magazine gay dans un pays arabo-musulman, le Maroc en l’occurrence, à l’initiative de Samir Bargachi, le président de l’association marocaine Kif Kif.
Il y a eu ensuite l’assemblée, le 9 octobre à Paris, des militants homos arabes et musulmans venus du monde entier, et notamment du Maghreb.
Dans ce même chapitre des revendications homosexuelles, Nessma, une lesbienne libyenne de 25 ans réfugiée en France, a obtenu, le 25 octobre, le droit de demander l’asile dans ce pays. Une première qui ne restera pas sans suite…
En passant ainsi à l’offensive et en prenant la parole, les homosexuels maghrébins, arabes et musulmans veulent passer le message qu’être homo et musulman n’est pas incompatible. Ils veulent aussi revendiquer leur droit à la différence.

Un "combat" encore minoritaire
Leur combat, certes encore minoritaire, trouve un large écho en Occident, et notamment en Europe, où ils bénéficient d'un soutien fort parmi la communauté Lgbt (lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels). Car, comme dirait l’autre, les droits de l’homme sont indivisibles…
Pour revenir au roman ‘‘Le Jour du Roi’’, Abdellah Taïa y raconte l’idylle de deux gosses de Salé, Omar et Khalid, amis-amants à la vie et jusqu’à la mort. Avec ce roman noir, d’une veine onirique, qui présente un Maroc très peu fashion, l’auteur marocain a gagné un chèque de 6.150 euros et… un bon pour un verre de Pouilly fumé par jour et pendant un an à la terrasse du café le mieux fréquenté du VIe arrondissement parisien.
Seul problème: Taïa, tout homosexuel qu’il est, respecte les préceptes de l’Islam, puisqu’il ne boit pas. Il n'a pas ce vice là...

Y. M.

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