Le pèlerinage juif à la Ghriba, la plus ancienne synagogue d'Afrique sur l'île de Djerba dans le sud-est tunisien, s'est déroulé, samedi et dimanche, sans problème, mais avec une faible participation et un important dispositif de sécurité.

 

Le pèlerinage, marqué par deux processions, l'une samedi après-midi et l'autre dimanche, a été placé sous haute sécurité par le gouvernement dirigé par les islamistes d'Ennahdha, afin de prévenir tout débordement, le pays ayant connu des troubles orchestrés par des groupuscules extrémistes ces deux dernières années.

Véhicules de l'armée et barrages de la police

La Ghriba, elle-même endeuillée par un attentat d'Al-Qaïda en avril 2002 qui a fait une quinzaine de morts, en majorité des touristes allemands, était protégée par une quinzaine de véhicules de l'armée et des barrages de la police surveillent les quartiers juifs alentour ainsi que la route reliant l'aéroport à la zone touristique.

Cet important dispositif tout en étant relativement discret a satisfait les pèlerins comme les organisateurs, qui se félicitent d'avoir accueilli plus de 1.000, dont 500 étrangers et, notamment, pour la première fois depuis 2010, quelque dizaines d'Israéliens.

Avant la procession, les fidèles se couvrent la tête et se déchaussent pour défiler dans la synagogue, y allument un cierge et avalent une gorgée de Boukha (alcool de figue local) en recevant la bénédiction des rabbins.

«Grâce à Dieu, cette année tout est comme il faut, pas comme les deux précédentes. J'étais venu mais par solidarité et il n'y avait pas vraiment de festivités», a raconté à l'agence Afp Meyer Sabbagh, 63 ans, promoteur immobilier à Paris qui a quitté Djerba en 1973 après la guerre israélo-arabe.

«Il y a des policiers cette année comme il faut, c'est magnifique. Il y en a une bonne douzaine à l'entrée du quartier. Mon cousin est même venu d'Israël et ma mère aurait bien voulu aussi mais elle est fatiguée», poursuit-il.

Le nombre des pèlerins de 2013 reste loin des quelque 8.000 personnes venant avant l'attentat de 2002 et des 3.000 visiteurs participant aux festivités avant la révolution ayant renversé Ben Ali en janvier 2011.

Friza Haddad, dit «Micha», chanteur aux cérémonies à la Ghriba, veut aussi croire en l'avenir du pèlerinage, d'autant que juifs et musulmans ont toujours vécu en harmonie sur cette île méditerranéenne.

«Ici il n'y a pas de problème, on vit en communauté. Là, il y a des juifs, là des musulmans, il n'y a jamais de problèmes. Mais c'est seulement à Djerba que ça se passe bien, et les deux dernières années ont été difficiles ailleurs», explique le vieil homme.

Manifestations salafistes et appels antisémites

En effet, les slogans antisémites lors de manifestations salafistes en 2011 et 2012 à Tunis ont choqué la petite communauté, tandis qu'un imam ayant appelé ouvertement à un «génocide divin» des juifs n'a jamais été sanctionné.

Michel Zucchero, un chrétien venu avec des amis juifs et musulmans, explique cette démarche par le souhait de voir la Tunisie se stabiliser, loin des batailles politiques, des conflits religieux et sociaux qui agitent le pays.

«Nous sommes de confessions juive, chrétienne et musulmane et nous sommes venus dans le même but: effectuer le pèlerinage, faire des vœux dans le contexte difficile actuel car il est indispensable que toutes les religions du livre se respectent», dit-il.

Le pèlerinage avait été suspendu en 2011 en raison des troubles que connaissait la Tunisie dans la foulée de la révolution. Il a timidement repris en 2012 et aucun incident n'y a été enregistré.

Organisé chaque année au 33e jour de la Pâque juive, ce rituel est au cœur des traditions des juifs de Tunisie, une communauté qui s'est réduite à environ 1.500 âmes, contre 100.000 en 1956 avant l'indépendance.

Une des légendes fait remonter l'origine de la Ghriba à la destruction du temple de Salomon à Jérusalem, lorsque, fuyant la Palestine, des juifs se réfugièrent à Djerba et y établirent une synagogue en 586 avant J.-C.

Source : Afp.