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On célèbre aujourd'hui la journée mondiale de l'hémophilie, une maladie rare et grave. C'est une bonne raison pour que les 380 Tunisiens qui en sont atteints aient droit à un traitement et un accompagnement conséquents, partout dans le pays.

Par Yüsra N. M'hiri

L'Association tunisienne des hémophiles (ATH), en association avec l'entreprise de santé Novo Nordisk, a organisé, mardi, une conférence de presse pour présenter son association, mais aussi sensibiliser les Tunisiens à cette maladie.

L'ATH rappelle aussi la célébration, mercredi 17 avril, journée mondiale de l'hémophilie, qui coïncide, cette année, avec le 50e anniversaire de la Fédération mondiale de l'hémophilie (FMH).

Une maladie héréditaire, grave et rare

L'hémophilie est une maladie du sang d'origine génétique. Elle héréditaire, non contagieuse, car non virale. Portée par un chromosome sexuel (le chromosome X), elle touche quasi-exclusivement les hommes. Cette pathologie se caractérise par une difficulté de coagulation du sang, due à l'absence d'une protéine sanguine, ce qui favorise l'hémorragie.

«Les femmes sont porteuses mais surtout conductrices de cette maladie. Elles ont 50% de risque de transmettre le gène atteint à leurs enfants. Elles peuvent elles-aussi être atteintes d'hémophilie, mais cela est très rare», explique professeur Khellif, chef de service d'hématologie à Sousse.

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Taoufik Raies, président de l'ATH.

En général, la maladie est décelée à l'âge où l'enfant commence à apprendre à marcher. Les premiers pas incertains et déséquilibrés de l'enfant grandissant, provoque des chutes. Ces chutes provoquent chez les hémophiles, hématome et/ou hémarthrose, de grande ampleur.

Les hémorragies surviennent souvent à l'intérieur des articulations (hémarthroses): genoux, coudes, chevilles... Une fois l'articulation atteinte, elle devient très chaude, gonflée, douloureuse et immobilise le malade.

L'hémophilie touche un nouveau-né sur 10.000, ce qui fait d'elle une maladie assez peu connue et, en conséquence, une source de discrimination sociale.

En Tunisie nous comptons 380 personnes atteintes de cette maladie. Ils s'agit de personnes enregistrées, parce que déclarées.

Dans le monde et aussi en Tunisie, les traitements ont fait d'importants progrès mais les difficultés d'intégration des malades persistent au quotidien, notamment en milieu scolaire.

«Tous unis pour combler l'écart»

Les produits anti hémophiliques sont encore très onéreux, mais totalement à disposition des patients en Tunisie. De plus la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) en assure la prise en charge.

Ce qui reste, en revanche, à améliorer c'est la prise en charge médicale sur tout le territoire tunisien, car celle-ci reste inégale selon les régions. Taoufik Raies, président de l'ATH, explique, à ce propos, que les hémophiles dans les régions reculées ont besoin d'intervention, de trouver sur place des médecins spécialisés et des kinésithérapeutes pour les soulager.

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Le professeur Khellif.

L'ATH œuvre, justement, pour que chaque Tunisien, d'où qu'il vienne, puisse trouver les soins qui lui sont nécessaires et la prise en charge pouvant l'aider à améliorer sa vie au quotidien, non pas en se déplaçant vers les grandes villes, mais au plus proche de chez lui.

La seconde bataille de l'ATH réside dans l'insertion du malade dans la vie quotidienne, et ce dès la vie scolaire. Pour cela, il s'agit de sensibiliser l'administration scolaire, qui pourrait aménager une classe au rez-de-chaussée pour l'élève malade, lui permettre de ne pas faire la queue et lui proscrire la pratique sport collectif ou de combat (comme les arts martiaux) ou encore le limiter à pratiquer la natation (si celle-ci est au programme de l'école). L'administration scolaire doit aussi connaître les premiers gestes de secours en cas d'accident ou de malaise du patient. Des flyers sont distribués dans les écoles à cet effet.

L'ATH a programmé des actions de sensibilisation et d'information sur le plan national. Des rencontres pour des séances d'apprentissage pour que le traitement soit administré à domicile par les patients eux-mêmes ou par leurs parents pour les jeunes enfants. Cela facilitera la vie du patient et le rendra autonome. Cette autonomie a un impact positif sur son moral.

Les membres de l'association se veulent également proches des patients et de leurs familles. Ils songent à mettre en place des comités, qui sont des lieux de rencontre et d'échange qui invitent à rompre avec l'isolement. D'ailleurs, le premier comité de Tunis aura lieu ce dimanche, à l'hôtel Concorde, aux Berges du Lac, accueillant des hémophiles, leurs familles, et les professionnels de la santé. Cette rencontre, qui se tiendra de 10 à 14 heures, sera un échange ouvert avec les malades afin de mieux les comprendre, mais aussi pour les rassurer sur leur avenir.

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Un demi-siècle contre la douleur

La Fédération mondiale de l'hémophilie (FMH), dont le président Mark W. Skinner est lui-même un hémophile, a déjà passé un demi-siècle à œuvrer à l'amélioration du traitement et à assurer la prise en charge à tous les patients. Car, en l'absence de traitement, de suivi et d'accompagnement tout au long de leur vie, les malades peuvent, au-delà de l'isolement et des douleurs atroces, connaître des séquelles articulaires importantes, entraînant des handicaps irréversibles.

«Le traitement pour tous, partout dans le monde», tel est le souhait de FMH, et l'ATH, qui en est le prolongement en Tunisie, se bat pour faire en sorte que cette maladie ne soit pas mise de côté à cause de sa rareté, et que le traitement parvienne dans toutes les régions du pays, sans en oublier aucune, «car chaque cas est spécifique et chaque être humain compte dans sa spécificité», conclut le professeur Khellif.