Nous avons hésité à publier cette lettre d’excuse envoyée par fax à des médias tunisiens, car nous n’avons pas pu l’authentifier. Nous l’avons traduite en français à partir du site ‘‘Al-Jarida’’. Nos commentaires suivront…


A tous les Tunisiens;

Je ne sais par où commencer; mais je ne pense maintenant qu’à présenter mes excuses pour tous ce que le nom que je porte a causé de mal et d’injustice, volontairement ou involontairement, parce que je suis Tunisien.

Nous commettons tous des fautes mais quand nous sommes sincères, nous devons demander pardon. Cette lettre n’est d’ailleurs qu’une tentative de ma part pour présenter des excuses, même si je sais que je suis, au regard de beaucoup de Tunisiens sinon de tous les Tunisiens, un criminel qui a volé le pays, porté préjudice à beaucoup de gens avant de s’enfuir.

La vérité est que je ne me suis pas enfui, mais face aux menaces que j’ai commencé à recevoir ainsi que mes enfants, dès la première semaine de janvier, et à l’absence de sécurité, et après plusieurs tentatives d’attaques de ma maison, puis son envahissement de manière organisée et son pillage total et le saccage de certaines de ses bâtiments puis sa mise à feu…, j’ai préféré préserver mes enfants et quitter temporairement le pays, que nous avons d’ailleurs quitté à partir d’un point frontalier, de manière tout à fait légale et après avoir effectué toutes les démarches y compris le visa sur les passeports.

Je sais que certains médias m’ont décrit sous le pire des visages, de manière délibérée ou non, et ont fait de moi le plus grand symbole de la corruption sous l’ancien régime, me prêtant ainsi les pratiques d’autres individus, alors que personne ne doit répondre pour les actes des autres, et en mon absence, on a raconté les histoires à mon propos qui dépassent l’imagination, affirmant que j’ai pillé les richesses du pays. Des procès ont ainsi été lancés contre ma personne, à tort et à raison, par certains de mes associés, malgré les bonnes relations qui nous liaient et qui étaient fondées sur la confiance et les transactions sincères comme le montreront les documents.

En vérité, je ne suis qu’un citoyen tunisien issu d’une famille modeste. J’ai étudié dans des conditions difficiles en Tunisie et en Algérie jusqu’à décrocher le grade d’ingénieur. J’ai démarré ensuite par une activité économique modeste que je me suis employé à étendre et à développer ma société qui s’est multipliée, non par le pillage des richesses du pays, mais grâce à mon labeur, à mon effort et aux investissements que j’ai consentis pour le bien de l’économie de mon pays.

Il est vrai que les portes s’ouvraient devant moi en raison de mon alliance avec le président du pays. Il est vrai aussi qu’à chaque fois que j’ai demandé un rendez-vous à l’un des responsables, ce dernier s’empressait de répondre à ma demande et que toutes les procédures s’en trouvaient facilitées, mais tous les dossiers existent et toute personne honnête et digne de confiance et juste pourra les consulter et vous dira que je n’est pris possession d’aucune société d’Etat, que je n’ai reçu aucun lot de terrain ou un bien public et que je m’acquittais de mon devoir fiscal et payais mes impôts comme tout citoyen, et plus encore, je veillais à faire respecter ces exigences et demandais à mes agents d’en faire autant.

Tout ce que je possède et l’essentiel de ma fortune pour ne pas dire sa totalité se trouvent en Tunisie, y compris les bénéfices de mes activités économiques et mes transactions à l’étranger et ce qu’elles rapportaient. Je m’employais, à travers des outils financiers internationaux, à les réinvestir en Tunisie. Je ne possède ni directement ni indirectement même pas un mètre carré de bien immobilier à l’étranger et je défie quiconque d’apporter la preuve du contraire; et je suis prêt à délivrer à l’Etat tunisien une procuration pour effectuer les recherches de ces biens et de les confisquer s’ils existent.

Tout le monde sait que j’ai fait d’importants investissements et que je faisais travailler environ 4.000 employés de façon directe et j’ai tout récemment fondé une usine de fabrication de sucre et une unité de production de ciment avec des montants énormes dans lesquels j’ai mis l’essentiel de ma fortune. J’ai fait aussi venir des investissements de l’étranger pour faire travailler des milliers d’ouvriers et servir l’économie du pays. Est-ce là le comportement de quelqu’un qui pille les richesses du pays? Quelqu’un qui pille le peuple fait transférer son argent à l’étranger et ne pense pas à le faire revenir et à le réinvestir en Tunisie.

L’exil me fait beaucoup souffrir et je voudrais revenir à mon pays quel que soit le prix à payer et tout à fait volontairement. Je suis également prêt à comparaître devant n’importe quelle instance judicaire ou de justice transitionnelle ou toute autre instance que choisira le peuple et que décidera le gouvernement pour m’interroger et me demander des comptes. Je lui donnerai tous les renseignements en ma possession et tous les détails sur mes activités et les étapes de la constitution de mes propriétés et corriger toute erreur que j’aurais commise, en assumer les conséquences et réparer tout mal que j’aurais fait à quiconque ou que j’aurais causé volontairement ou involontairement.

Je veux revenir dans mon pays pour faire face à mon destin et me soumettre à tout interrogatoire ou questionnaire et non pour faire face aux haines aveugles, aux vengeances sourdes, aux mensonges, aux fausses allégations, à la vendetta et aux intrigues.

Je ne pose pas de conditions et je n’exige rien, mais j’exprime un souhait et j’espère.

Je sais que mon nom est chargé de haine, mais quoiqu’il en soit, je suis Tunisien et tout Tunisien, quoi qu’il ait fait, est en droit de jouir de ses droits.

Je voudrais seulement expliquer que si j’ai commis des erreurs, volontairement ou  involontairement, je suis prêt à rendre compte et à comparaitre devant la justice même si je n’ai jamais eu l’intention de porter préjudice à ma patrie et à mon peuple.

Au contraire, toute ma motivation et mon ambition c’est d’être l’un des hommes d’affaires tunisiens qui s’adonnent à des activités qui bénéficient à l’économie du pays.

Je m’adresse à vous, tous mes frères Tunisiens, pour faire face au sort et au destin que Dieu m’a réservés en étant parmi vous et à travers une justice indépendante, neutre et équitable, qui ne s’attarde pas sur mon nom et sur mon alliance, mais considère mes activités, mes documents et mes dossiers… une justice qui m’écoute aussi en toute impartialité car je suis prêt à comparaître devant elle et à répondre en toute sincérité, en toute loyauté et en toute transparence; et j’accepte son verdict. J’ai espoir en cette justice comme j’ai espoir que le peuple tunisien sera juste, m’écoutera et me jugera en toute équité, et sans précipitation, loin de tout esprit de représailles, de vengeance et de haine, et loin des intrigues que certains trament contre moi.

Un peuple fidèle à sa tradition de clémence et de pardon. Et quelle que soit l’issue, la Tunisie m’est chère et son peuple plus encore, même s’ils se montraient injustes envers moi…

Je m’excuse d’avance, dans tous les cas et pour tous les actes, je demande pardon au peuple tunisien en toute sincérité et loyauté.

Tout en restant prêt à tout assumer et à faire face à la justice et aux instances de l’Etat. Et à me présenter devant elles, à me soumettre, à rendre compte et à accepter tout jugement qu’elle prononcera.

Je présente mes excuses sans dérobade en assumant ma responsabilité totale.

Vive la Tunisie libre et indépendante.

Vive son peuple et que Dieu guide son gouvernement pour le bien du pays et du peuple.

Avec toutes mes excuses, le citoyen Belhassen Trabelsi

Traduit de l'arabe par Imed Bahri

 

Articles liés :

Le Canada attend des documents tunisiens pour geler les avoirs de Belhassen Trabelsi

Tunisie. La justice canadienne s’intéresse enfin au cas Belhassen Trabelsi