Lors de sa visite éclair et très chargée, jeudi, à Bruxelles, Hamadi Jebali a voulu «présenter une Tunisie nouvelle, démocratique, plurielle et ouverte, bien ancrée dans son espace stratégique, et qui entend être un partenaire privilégié de l’Europe».

Par Wajdi Khalifa, correspondant à Bruxelles


 

Le chef du gouvernement s’est rendu en visite à Bruxelles à la tête d’une forte délégation ministérielle composée de Houcine Dimassi, ministre des Finances, Elyès Fakhfakh, ministre du Tourisme, Mohamed Abbou, ministre chargé de la Réforme administrative, Alaya Bettaieb, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Investissement et de la Coopération internationale, chargé de la Coopération internationale, Touhami Abdouli, secrétaire d’Etat auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé des Affaires européennes.

Les mots ne suffisent plus

Le chef du Gouvernement a entamé sa première visite aux institutions européennes par le Parlement européen. Le nouveau président, le social-démocrate allemand Martin Schulz, a salué cet ordre de priorité car il s’agit «de la force démocratique directement élue des peuples européens».


Jebali et Herman Van Rompuy

La rencontre a été suivie d’un point presse où le président du Parlement européen a plaidé pour que le changement historique en Tunisie soit lié à «l’amélioration de vie des citoyens» à tous les niveaux. Il a par la suite reconnu que les mots ne suffisent plus et que l’institution européenne sera aux côtés du peuple tunisien de manière concrète. Il a plaidé pour une méthodologie nouvelle basée sur la compréhension et n’a pas caché que l’Europe se posait des questions à propos de l’accession d’un parti islamiste au pouvoir. Mais la réponse à cette question et aux autres ne pourra être obtenue, selon le président du Parlement européen, que via un dialogue et un respect mutuel qui seront facilités par le fait que la Tunisie et l’Europe partagent des valeurs communes. Le président Martin Schulz a conclu son intervention en affirmant que les fonds de l’ancien président Ben Ali appartiennent au peuple tunisien et que la récupération de ces fonds devraient se faire le plus tôt possible.

Hamadi Jebali a introduit son intervention (en français) en plaidant pour un Etat de droit qui respecte les libertés et encourage les acquis de la société tunisienne notamment sur le statut de la femme, le respect des libertés, la garantie des droits de l’Homme, l’ouverture économique et respect de la liberté du culte. Il a affirmé que la Tunisie souhaitait toujours être un partenaire de l’Europe, même si celle-ci est en crise actuellement. Il conclut son intervention en réaffirmant que la Tunisie a besoin de l’aide de l’Europe.

Solutions rapides aux problèmes économiques

Hamadi Jebali s’est également entretenu avec la Haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la sécurité, Catherine Ashton. L’entretien a porté sur les intérêts communs des deux parties.


Schulz et Jebali

Le chef du gouvernement a indiqué attendre de l’UE «appui et compréhension», un soutien rapide à la solution des problèmes économiques, notamment celui du chômage. Il a plaidé, aussi, pour une avancée réelle de la coopération avec l’Europe en vue d’appuyer le processus de transition en Tunisie, pays qui se trouve face à un défi majeur, à savoir «comment réussir sa révolution ?».


Hamadi Jebali et Jose Manuel Barroso

Par la suite une rencontre a été organisé avec le président du Conseil européen, le belge Herman Van Rompuy qui a précisé que l’UE appuyait pleinement le processus démocratique tunisien car il se fonde sur des valeurs communes, à savoir l’Etat de droit, le respect des libertés, les droits de l’Homme, l’égalité entre hommes et femmes. L’UE souhaite apporter son soutien à la Tunisie pour créer une dynamique de modèle pour les autres pays de la région. Il a pour cela plaidé pour des relations «partenariat d’égal à égal», tout en mettant en avant la volonté de l’UE de «construire un partenariat privilégié avec la population tunisienne». Le président du Conseil européen a ajouté que «l’UE entend impliquer les acteurs de la société civile dans son dialogue avec la Tunisie».

«La Tunisie qui se présente comme un modèle de changement dans la région, a-t-il dit, a fait un grand pas vers la démocratie. Il faut maintenant envoyer un message rassurant pour stimuler les investissements étrangers». «L’UE offre à la Tunisie la perspective de l’intégration progressive au marché européen mais les opportunités de développement de la coopération s’inscrivent surtout, dans une intégration économique entre les pays du sud», a-t-il conclu.

Le chef du gouvernement a ensuite été reçu par le président de la Commission européenne José Manuel Barroso qui s’est félicité du choix de Hamadi Jebali de faire sa première visite officielle à l’étranger aux institutions européennes. Le président de la Commission a réitéré le soutien de la Commission lors de cette étape historique et a affirmé son appui pour que la Tunisie accède au statut avancé. José Manuel Barroso a exprimé sa volonté, malgré le contexte économique actuel, de mobiliser le maximum de fonds pour soutenir le processus démocratique en Tunisie.

M. Jebali a de son côté réitéré le choix de la Tunisie d’accéder à ce statut avancé et a affirmé que la relation avec l’UE n’est pas seulement fondée sur l’aspect financier mais qu'il s’agit d’un partenariat stratégique qui englobe de nombreux domaines.


Hamadi Jebali et Catherine Ashton

Rencontre avec la colonie tunisienne

La dernière étape de la visite du chef du Gouvernement et de sa délégation a été une rencontre avec la colonie tunisienne établie en Belgique. Cette rencontre s’est déroulée au sein de l’ambassade de Tunisie à Bruxelles, avec la présence de l’ambassadeur de Tunisie en Belgique, Mohamed Ridha Farhat, du consul général de Tunisie en Belgique, Rached Baccara mais aussi d’hommes d’affaires, de membres de la société civile et des milieux associatifs établis en Belgique.

Hamadi Jebali, après avoir présenté la délégation l’accompagnant et regretté le peu de présence féminine à cette rencontre, a appelé la colonie tunisienne établie en Belgique à aider le gouvernement à relever les défis actuels de la Tunisie. Dans ce contexte, il a appelé les Tunisiens de Belgique à investir massivement en Tunisie et à contribuer à relancer le tourisme tunisien via notamment des séjours dans les hôtels du pays, qui en ont vraiment besoin.

Le chef du Gouvernement a ensuite été interpellé par plusieurs personnes sur différents sujets dont la problématique de la récupération des biens du clan Ben Ali mais aussi sur le sort des anciens corrompus au sein des ambassades et consuls. Sur ce dernier point Hamadi Jebali a voulu faire passer un message de réconciliation sauf pour les grands symboles de la corruption qui devront rendre des comptes. En ce qui concerne les biens du clan Ben Ali, le Premier ministre a reconnu la faiblesse des résultats atteints non seulement dans les pays du Golfe mais aussi dans les pays occidentaux, puisque mise à part la Suisse, tous les autres pays ne sont pas assez réactifs face aux différentes demandes du gouvernement tunisien.

Après cette rencontre qui a duré environ deux heures, et qui s’est déroulée dans une ambiance démocratique et décontractée, le Premier ministre et sa délégation ont quitté Bruxelles pour Tunis.