Le Collectif tunisien au Canada (Ctc) s’est associé à Nsitni pour lever des fonds pour les blessés de la révolution tunisienne. C’était samedi dernier à Montréal.

Par Sarra Guerchani, correspondante au Canada


 

Plus de 150 personnes ont participé à l’évènement ‘‘Ne les oublions pas !’’. Le but était de récolter des dons afin de financer les besoins urgents des blessés de la révolution tunisienne.


Karim Jabbari en plein travail sur sa calligraphie à mettre aux enchères. Ph.Bochra Manai

«Il y a beaucoup de blessés qui n’ont pas les moyens de s’acheter des couches et des médicaments ou encore de payer leurs examens médicaux. Certains blessés ne peuvent plus attendre d’être soignés. Ils sont entre la vie et la mort», explique Khaoula Zoghlami, organisatrice de l’évènement.

Ce petit bout de femme de 24 ans étudie la psychologie à l’université de Montréal. Elle fait également partie du Ctc. Quand elle est de passage en Tunisie, elle est bloggeuse sur le site de Nawaat, très impliquée dans la cause des blessés de la révolution. Suite à son dernier séjour dans son pays d’origine, durant le mois de juillet dernier, elle a rendu visite à quelques blessés. La vue des souffrances de ces êtres abandonnés à leur sort l’a fortement marquée. Elle est rentrée au Canada avec une seule idée en tête : sensibiliser la communauté et les amis de la Tunisie à ce problème.

«À chaque fois que je rencontrais un blessé, l’aider devenait une évidence, surtout lorsqu’on entend toute leur amertume et désespoir», témoigne l’organisatrice de l’évènement. «Tu ne peux tout simplement pas les laisser comme ça», ajoute-t-elle. C’est ainsi qu’elle a réuni quelques membres de la communauté à Montréal pour leur parler de ces blessés oubliés.


Khaoula Zoghlami, présente l'initiative Nsitni. Ph.Bochra Manai

Une diaspora solidaire

Un buffet sucré et salé a été mis à la disposition des invités. Toutes les demi-heures, la présidente du Collectif tunisien, Sonia Djelidi et Khaoula rappelaient aux personnes présentes d’aller manger ; car c’était l’un des moyens d’augmenter les dons puisque la totalité des recettes revient aux blessés.

Tout le buffet a été préparé par des citoyens de la diaspora qui se sont portés volontaires aux fourneaux pour la bonne cause.


L'équipe du buffet. Ph.Bochra Manai

La communauté s’est montrée généreuse. «Une femme a acheté un thé à 2 dollars, elle m’a tendu un billet de 100$ et m’a demandé de garder la monnaie», raconte l’une des bénévoles au buffet à ses collègues. En effet, vers la fin de la soirée, le buffet gastronomique aurait rapporté plus de 2000 dollars.

Pendant que les invités dévoraient leurs plats, une vente aux enchères a été organisée par le collectif.

Un tableau peint par le calligraphe tunisien Karime Jabbari, fait pendant l’évènement, a été vendu, ainsi que quelques lots offerts par une épicerie tunisienne partenaire de cette levée de fond.


Marc André Fabien Ph.Bochra Manai

Ils sont si jeunes…  

La partie la plus troublante de la soirée a été le moment où le collectif a diffusé une vidéo de quelques blessés témoignant du jour où ils ont été attaqués par balle ou bombes lacrymogènes par les forces de l’ordre. Durant la projection, les visages des présents étaient figés et dans les yeux, on pouvait lire une douloureuse compassion pour tous ces jeunes innocents broyés par la machine de la répression : «Les témoignages sont insoutenables. Ça me rend si triste de les écouter. Ils sont si jeunes», révèle Monia, venue assister à l’évènement. Mohamed qui l’accompagne, ajoute : «C’est important d’avoir permis au public de mettre un visage sur quelques-uns des 2000 blessés de la révolution tunisienne. C’est sûr qu’on verra différemment les choses à partir de maintenant. Nous devons en parler autour de nous, afin de mobiliser un maximum de personnes pour cette cause».


Plus de 150 personnes présentes à l'évènement. Ph.Bochra Manai

L’élocution du vice-président de la Fédération des jeux paralympiques du Canada, Marc-Antoine Fabien, a également beaucoup touché les hôtes : «Dans quelques semaines, l’un de ces blessés sera là pour partager avec vous et face à face, sa situation», déclare M. Fabien. En effet, il y a quelques mois, ce dernier est tombé, par hasard, sur la vidéo de Wael Karrafi, un jeune de 20 ans qui a été frappé par deux balles. Il en a d’ailleurs perdu sa jambe droite. Il a alors pris contact avec l’activiste qui a filmé ce témoignage… quelques jours après il entra en contact avec Khaoula Zoghlami et lui annonça qu’il souhaitait prendre en charge Wael au Canada. Il souhaite lui faire rencontrer des athlètes amputés afin que le jeune tunisien s’y identifie. Il veut également couvrir les frais de son suivi psychologique : «Je voulais l’encourager et lui faire comprendre que sa vie ne s’est pas arrêtée le jour où il a perdu sa jambe, mais qu’un avenir gratifiant l’attendait», annonce Marc-Antoine Fabien. Puis il ajoute : «Wael est déprimé ; il faut qu’il sorte de son environnement pendant une petite période. Il faut lui changer les idées.»


Vente au enchere du tableau de Karim Jabbari. Ph.Bochra Manai

Plus de 5.500 dollars dans la cagnotte

Le public était généralement ému de cet évènement qui s’est passé dans une ambiance solidaire, d’échange, de don et de partage. «Ne les oublions pas !» a permis de récolter, au 26 novembre, 5580 dollars canadiens, soit près de 8.000 dinars. A la fin de la soirée, Sonia Djelidi était très contente du déroulement de l’évènement. «Nous sommes très satisfait du résultat. Les invités ont eu l’air d’apprécier et ont été très généreux. Nous étions loin de penser qu’on arriverait à récolter cette somme. Ça fait plaisir de voir que la communauté est sensible à la cause des blessés.»

D’ici la fin de semaine des promesses de dons devraient rentrer dans la caisse du collectif pour l’initiative Nsitni. Quelques jours après, le montant sera envoyé à l’association Tunaide en Tunisie, qui se chargera d’acheter le matériel médical nécessaire aux blessés. Elle prendra aussi en charge les soins médicaux.

Le collectif tunisien garantit la transparence de toutes ces opérations aux donateurs et compte bien les tenir au courant de l’évolution de ce dossier par voie électronique.