Jeudi, premier jour des élections de la Constituante tunisienne à Genève. Beaucoup d’émotions, quelques regrets et des couacs à la pelle ! Dur, dur l’apprentissage de la démocratie.

Par Haykel Ezzeddine, Genève


 

Pour les observateurs, les places sont chères... Je n’ai pu obtenir mon sésame d’entrée au temple qui abrite l’urne qu’avec peine et attention pour seulement une seule après-midi. Plusieurs volontaires se bousculent au portillon pour avoir l’honneur de participer à la première élection libre du pays.


Les bébés étaient aussi au rendez-vous (Photo Haykel)

Après une longue dictature, les Tunisiens se réveillent et découvrent avec bonheur des gestes simples mais symboliques : voter en toute liberté, choisir sans contrainte, sans trucage, sans entrave et en toute transparence. Pour la première fois, ils sont maîtres de leur destin... Ils ont le pouvoir de changer le cours des choses... Certes le pouvoir des urnes est implacable... mais il a un goût particulier chez les Tunisiens. Il attire tel un aimant tous ceux qui ont été exclus d’exercer ce droit le plus élémentaire en tant que citoyen.

Un engouement inédit pour l’urne


Deux observateurs de l'Atide, Hedi Seblaoui et Elyes Chafter (Photo Haykel)

Ce jeudi 20 octobre restera longtemps gravé dans la mémoire des électeurs vu la déferlante électorale qui s’est emparée des Tunisiens à l’hôtel Warwick, déjà tôt le matin, dès l’ouverture du bureau de vote. Des jeunes, des moins jeunes, des retraités, des fonctionnaires internationaux, des ex-opposants au régime déchu, des islamistes, des laïcs, des sans opinions, des sans engagements politiques, des curieux, des indécis... ont tenu à marquer en premier par leur présence ce lieu magique qui avec d’autres contribuera à changer le paysage politique du pays.


Souriez, pour l'éternité (Photo Haykel)

Cet engouement pour l’urne a donné lieu à des scènes pathétiques comme ce jeune étudiant en pharmacie qui a tenu à se faire photographier avec le drapeau tunisien à côté de l’urne et cette famille qui s’est également drapée avec les couleurs tunisiennes. Certains ont exercé ce droit civique pour la première fois de leur vie ! Un homme d’un certain âge visiblement malade se déplaçant difficilement avec deux béquilles a déclaré que maintenant qu’il a voté pour la première fois de sa vie, il peut mourir tranquille avec la fierté d’avoir connu ce moment historique !

Quelques ratés… compréhensibles


Elections Genève (Photo Haykel)

Des lacunes, il y en a eu et la liste est longue. Les Tunisiens ont voulu coûte que coute appliquer leur propre système électoral qui s’inspire là ou là des expériences des autres sans toutefois s’imprégner d’un système par rapport à un autre et c’est là où cela a engendré un certain nombre d’imperfections.


Elections Genève (Photo Haykel)

Tous les votants doivent tremper l’index droit dans de l’encre sensée être indélébile pour quelques jours... afin d’empêcher d’éventuelles voix malveillantes d’atteindre l’urne d’une autre ville en Suisse, mais en fait, après un seul passage sous un robinet d’eau tout disparait.

La liste électorale comporte 19 partis et indépendants alors qu’en réalité il faut voter pour seulement 17 d’entre eux. Aucun électeur n’est au courant du forfait de deux listes. Pire, des électeurs sortent de l’isoloir pour demander des renseignements sur tel ou tel parti ou pour connaître les modalités du vote. Des observateurs de partis outrepassent leur rôle en signalant publiquement tout ce qui selon eux ne fonctionne pas, alors que normalement ils n’ont aucun droit à la parole !


Les élections, une affaire de famille (Photo Haykel)

Il est vrai qu’aucune séance d’information n’a été organisée avec la communauté tunisienne sur le sol helvétique pour leur expliquer les démarches à suivre pendant le processus électoral. La liste des 17 partis et indépendants n’est affichée nulle part ! L’électeur découvre dans l’isoloir les noms des partis et des indépendants qui représenteront les 2 candidats pour les 2 Amériques et l’Europe à l’exception de la France, de l’Allemagne et de l’Italie. Trop tard pour voter utile comme on dit !


L'instant décisif de l'acte citoyen (Photo Haykel)

De nombreux Tunisiens votent pour voter, une façon comme une autre de rompre avec les anciens réflexes qui ont marqué plusieurs générations.