slim riahi
Le tout Tunis journalistique (ou presque) a répondu lundi à l’invitation de Slim Riahi, fondateur de l’Union patriotique libre (Upl). Mais voilà, ce dernier était aux abonnés absents. Le mystère continue.
Par Zohra Abid


Slim Riahi, que tout le monde attendait, dans tous les sens du terme, n’était pas le seul absent. Son bras droit (et vice-président de l’Upl), Nejib Derouiche n’a pas, non plus, daigné venir. C’est donc finalement à Mohsen Hassen – à la fois universitaire, Pdg de plusieurs entreprises et membre du ce parti né le 19 juin dernier –, qu’a échu la mission d’animer cette première rencontre avec les médias.

Un Opni dans le ciel de la transition tunisienne
L’absence du chef du parti a suscité mille et une interrogations dans la salle archi-comble. Pourquoi ce jeu de cache-cache ? L’entretien du mystère autour de la personne de M. Riahi fait-il partie d’une stratégie de communication politique? Slim Riahi a des engagements à l’intérieur du pays, s’est contenté d’expliquer M. Hassen, promettant de répondre à toutes les questions avec transparence requise. Mais la déception des confrères fut grande de ne pouvoir parler de vive voix avec Slim Riahi, cet Opni (Objet politique non identifié) qui est entré par effraction, et à coup de matraquage publicitaire, dans le ciel de la transition tunisienne. Ce sera donc pour une autre fois. Inchallah!


Hassen Ben Othman en pamoison devant Slim Riahi (sur NessmaTV)

Question transparence, l’interview accordée dimanche soir par Slim Riahi à la chaîne de télévision maghrébine Nessma TV a laissé les téléspectateurs sur leur faim. Il faut dire que l’interviewer, Hassen Ben Othman, très admiratif du jeune homme d’affaires fraichement entré en politique, n’a pas su poser les bonnes questions. Il parlait d’ailleurs plus que son invité, qui s’est contenté parfois de réponses de style télégraphique.

Biographie officielle de Slim Riahi
Avant deux mois, les Tunisiens n’avaient jamais entendu parler de Slim Riahi. Mais la pub, énormément de pub et partout sur l’Upl a retenu, bon gré mal gré, leur attention. Qui est cet homme qui claque 5 millions de dinars dans une campagne de publicité pour un parti qui se résume, pour le moment encore, à un nom et un sigle? Quelques photos de Slim Riahi (et beaucoup de rumeurs très fantaisistes à son sujet) ont circulé sur les réseaux sociaux, mais l’homme est resté entouré d’une aura énigmatique.
«C’est un homme de 39 ans. Il vient d’un village modeste, d’ailleurs toute l’équipe qui l’entoure vient de l’intérieur du pays et non des quartiers huppés. Tous ceux qui sont dans le bureau exécutif ont fait les grandes écoles et réussi dans leur vie», a dit M. Hassen. Et d’ajouter que Slim Riahi est l’enfant d’un juge qui s’est souvent opposé à Bourguiba, premier président de la Tunisie. «Dans les années 1980, le juge Riahi a été contraint de quitter le pays. Direction: la Libye. Ses enfants ont fini tout naturellement par le suivre. Et c’est dans ce pays voisin, où Slim a fait ses études secondaires et supérieures avant de partir en Angleterre pour se spécialiser en sciences de gestion. Slim a fait une carrière dans les affaires et s’est construit», a ajouté M. Hassen.

mohsen-hassen
Mohsen Hassen

L’histoire (et la montée en puissance) de M. Riahi, ressemble, certes, à une success story à l’américaine. Mais une success story qui suscite encore, chez certains adeptes de la théorie du complot, beaucoup d’interrogations. Que cherche cet homme? Pourquoi dépense-t-il tant d’argent? Ne craint-il pas d’être bouffé par ses illustres aînés qui se bousculent dans le marigot politique tunisien? D’où vient sa fortune? Est-il l’ami de Seif El Islam Kadhafi, comme on le colporte dans les réseaux sociaux? Et s’il n’était qu’un prête-nom ou un homme de main des Kadhafi? On l'a même soupçonné d'être un agent des services britanniques et états-unisiens (pas moins!), et quoi encore? M. Hassen balaie toutes ces supputations d’un revers de la main. «M. Riahi a réussi à la tête de son groupe, Capital Gate. Ses partenaires sont Européens et Arabes du Golfe avec lesquels il réalise 70% de son chiffre d’affaires. Les 30% restants, il les doit à ses activités en Libye», a dit M. Hassen, sur son collègue et ami, qui a fait fortune dans les services pétroliers et l’immobilier.

Un homme d’affaires avant tout
Selon M. Hassen, le chef de l’Upl a de l’argent et tout son souhait est d’aider son pays qui passe par un moment critique. Il sent le besoin et le devoir de rentrer au pays avec de l’argent et de nouvelles idées. La politique, qui n’a pas beaucoup réussi à son père, l’attire comme un aimant. Mais cet homme aussi discret que pressé sait-il vraiment où il va et où il va amener ses compatriotes. «L’économie tunisienne est en état d’alerte. Par amour à la patrie et au lieu d’aller à Singapour, en Asie centrale ou dans des paradis fiscaux, Slim Riahi s’est dépêché pour injecter de l’argent dans la Bourse de Tunis [en acquérant 5% du capital de Carthage Cement, Ndlr], préférant ainsi investir dans son pays», a plaidé M. Hassen, avant d’entrer au vif du sujet.
Tout en soulignant qu’il n’y a aucun doute sur l’origine propre et la transparence de la fortune de Slim Riahi, M. Hassen s’inscrit en faux contre ceux qui racontent que ce dernier a des relations directes ou indirectes avec le régime de Kadhafi. «Slim Riahi n’a jamais eu des transactions ni avec Kadhafi ni avec son fils Seïf El Islam, ni toute autre personne et l’argent qu’il a ramené pour booster la Bourse est passé sous le contrôle avant d’être transféré au pays», a-t-il précisé.  
Interrogé sur les actions que Slim Riahi a achetées dans Carthage Cement et le groupe de presse Dar Assabah, le responsable de l’Upl s’est contenté de confirmer ces informations. En effet, le chef de l’Upl détient actuellement 5% de la première entreprise. Concernant les négociations de parts dans Dar Assabah, les choses restent peu claires. Certains parlent de 20%, d’autres de 5%.
On en connaît un peu plus sur les fondateurs du parti. Quid alors de son programme? «Il est prêt. Nous allons l’annoncer très prochainement lors d’un point de presse», a répondu M. Hassen. Et d’ajouter que l’Upl est bien représenté dans les régions avec pas moins de 120 bureaux. Déjà? «Nous avons des milliers de demandes d’adhésion. Les ont viennent à l’Upl parce qu’on leur explique qu’il est indispensable de rompre définitivement avec le passé. Qu’il n’est plus question de laisser les régions livrées à elles-mêmes. Qu’il est du devoir de l’Upl de réunir toutes les sensibilités du pays et de travailler la main dans la main (exceptés les corrompus) pour redresser la situation dans le pays», insiste-t-il.
M. Hassen sait très bien que la scène politique tunisienne grouille de partis. Il sait aussi que tant que ces partis se chamaillent entre eux et ne mettent pas en première ligne l’intérêt du peuple, le pays reste en danger. Le patron de l’Upl a montré hier une certaine agressivité envers le mouvement Ennahdha, l’accusant de vouloir réinstaurer une dictature. Est-ce une position partagée par tous les membres de l’Upl? «Nous n’écartons aucun parti. Ennahdha a le droit d’exister. Nous ne pouvons pas oublier son combat pendant les années Bourguiba et Ben Ali et son existence sur l’échiquier est naturelle. Mais ce que nous refusons, c’est le style dictatorial de Rached Ghannouchi. Nous respectons, certes, l’homme, mais il se comporte comme s’il était déjà président en rappelant que son parti compte un million de membres», a essayé de rectifier M. Hassen.
Les Uplistes, quant à eux, promettent monts et merveilles aux Tunisiens: «Les banques seront citoyennes et investiront davantage dans les régions. Nous avons invité des experts qui ont fait des études et localisé les failles de notre système économique et social. Vous allez être surpris de notre programme économique!», promet l’homme d’affaires.

Loin des idéologies et proche des gens
A l’évidence, l’Upl et son fondateur n’entendent pas se contenter du matraquage publicitaire (à la radio, à la télé, sur les journaux et autres affiches urbaines). Ils s’apprêtent à entrer en force dans l’arène politique. Et à croiser les armes avec les autres partis. «Cette publicité, c’est pour que les gens nous identifient. C’est loin d’être une campagne électorale. Nous essayons d’incarner les principes des jeunes de la révolution qui a fait trembler le monde», a dit M. Hassen non sans quelque fierté. Et d’ajouter que les aides allouées par Slim Riahi aux populations démunies dans les régions sont un geste strictement personnel et que le Tunisien ne se vend pas pour un kg de sucre ou de pâtes.
Et d’insister sur le positionnement de l’Upl, qui n’est ni de gauche ni de droite, mais un parti réaliste, pragmatique, loin des idéologies et proche des gens. Il voit l’avenir de la Tunisie dans un régime républicain avec une stricte séparation des pouvoirs. Le parti préconise aussi un mandat présidentiel de 5 ans renouvelable une seule fois, ainsi que la séparation entre des élections présidentielle et législatives. Ce ne sont là que quelques grandes lignes, la suite sera révélée  prochainement. Sans doute par Slim Riahi en chair et en os, qui ne pourra pas poser de nouveau un lapin aux journalistes...