Les services algériens cherchent-ils à déstabiliser la Tunisie en laissant transiter des éléments armés à travers la frontière et en distillant des informations infondées pour noircir la situation sécuritaire dans notre pays?


Depuis deux semaines, des médias algériens colportent des informations totalement infondées sur de prétendues agressions sexuelles subies par des touristes algériennes en Tunisie. On est en droit de nous interroger sur l’identité des commanditaires de ces campagnes d’intox et sur leurs desseins secrets.

Rien de vérifié, rien de précis, rien d’officiel
Sous le titre alarmiste, ‘‘Des Algériens fuient la Tunisie’’, le blog ‘‘Algérie Info’’, hébergé par le très sérieux site du ‘‘Nouvel Observateur’’, parle de «plusieurs familles algériennes [qui] ont fait l’objet d’agressions, vol d’argent et de véhicules dans la capitale et dans plusieurs autres villes tunisiennes.»
L’auteur, utilement anonyme, évoque des «informations sur des agressions sexuelles qui ont été rapportées par plusieurs personnes et relatées par divers médias». Ces «informations», dont on appréciera l’imprécision, auraient été «confirmés par des sources sécuritaires».
A la vérité, l’auteur n’avance rien de vraiment vérifié, rien de précis, rien d’officiel… Son unique source, c’est «un quotidien arabophone ‘‘Annasr’’», qui citerait, de son côté, des «sources sécuritaires». Quelles sont ces sources? Algériennes ou tunisiennes? Y a-t-il eu des communiqués officiels relatifs à des faits aussi graves (agressions, vol d’argent et de véhicules, agressions sexuelles…)?
Les lecteurs avisés n’auront pas de mal à débusquer l’approximation caractéristique de la désinformation. Mais la grande masse des lecteurs, qui n’est pas outillée intellectuellement pour faire le tri entre une bonne information et une manipulation, risque d’avaler ces contre-vérités, sans discernement, et sans soupçonner la volonté de manipulation sinon la campagne de dénigrement dont elles participent.
Le pseudo-journaliste, honnêtement et courageusement anonyme, parle non pas d’un cas isolé d’agression, ce qui aurait été plausible, mais de «plusieurs cas d’agressions sexuelles sur des femmes algériennes […] enregistrés sur le territoire tunisien». Il va jusqu’à en désigner les auteurs: «des agents de sécurité tunisiens et des groupes de malfaiteurs». Les premiers, on le sait, ont bon dos: on peut tout leur attribuer, et parfois même, n’importe quoi. Quant aux seconds, ci-devant qualifiés de «malfaiteurs», on aurait beaucoup de mal à les identifier et à les débusquer. Et pour cause: ce sont des fantômes nés de l’imagination d’un désinformateur professionnel.

La Tunisie est-elle devenue un pays dangereux pour les Algériens?
«A leur retour sur le territoire algérien, plusieurs femmes ont indiqué qu’elles avaient fait l’objet d’agressions sexuelles mais refusent de porter plaintes, craignant la réaction violente de leur époux et de leurs parents, a indiqué la source», écrit encore ‘‘Algérie Info’’. Les «femmes algériennes» (ainsi au pluriel) témoignent mais, curieusement, ne portent pas plainte! Si elles craignent vraiment «la réaction violente de leur époux et de leurs parents», pourquoi parlent-elles, et si elles ont réellement parlé, à qui ont-elles raconté leur mésaventure? Pas à leurs époux ou parents. Et encore moins à la presse. Et si elles ont confié leur mésaventure à des sources sécuritaires, algériennes dans ce cas, pourquoi ces sources gardent-elles le silence sur des abus aussi graves?
L’auteur n’indique pas, par ailleurs, si les femmes soi-disant agressées voyageaient seules en Tunisie, ce qui aurait été très étonnant, eu égard aux  habitudes de nos frères (et sœurs) algériens. Si elles étaient accompagnées de leurs maris ou parents, ce qui serait plus crédible, il aurait été difficile à des «agents de l’ordre» ou à des «malfaiteurs» tunisiens de les «agresser sexuellement», sans que cela provoque une grave crise diplomatique entre les deux pays.
Le journal ‘‘Annasr’’, cité par ‘‘Algérie Info’’, évoquait également – tant qu’on y est, pourquoi se priver? – «le cas d’une femme originaire de l’est algérien qui a été enlevée alors qu’elle était en compagnie de son mari. La jeune femme a été séquestrée pendant deux jours avant d’être jetée dans la rue.»
Dans un autre article intitulé ‘‘Une jeune mariée enlevée à Sousse’’, le même ‘‘Algérie Info’’ raconte l’aventure qu’un couple de nouveaux mariés originaires de la Wilaya de Sétif aurait vécu dans la ville balnéaire de Sousse: l’épouse S. Fatima, 26 ans, enlevée par des inconnus, et l’époux S. Chadli, 35 ans, agressé à l’arme blanche jusqu’à en perdre conscience !

Des terroristes infiltrés par la frontière algérienne
La Tunisie étant ainsi devenue un pays très dangereux, particulièrement pour les Algériens – car, à l’exception des Algériens, il n’y a pas eu de ressortissants  d’autres pays qui se seraient plaints d’avoir été agressés dans notre pays –, «le même quotidien a indiqué qu’une autre femme âgée de 37 ans originaire d’Annaba a été enlevée alors qu’elle se promenait dans la capitale tunisienne.»
Cette dernière information publié par le tabloïd algérien ‘‘Al-Khabar’’, et reprise sans vérification par des médias tunisiens, a obligé le ministère tunisien de l’Intérieur à rendre public un démenti formel. «Nous avons mené notre enquête partout et non seulement à Sousse et il n’y a eu aucun enlèvement. C’est totalement infondé. C’est une rumeur, voire une campagne orchestrée contre la Tunisie et notre tourisme», a affirmé à Kapitalis un responsable dudit ministère.
Comment expliquer cet acharnement de certains médias algériens, qui s’échinent à vouloir noircir davantage la situation sécuritaire en Tunisie? Seule explication plausible: ce sont les services de renseignement algériens qui distillent ces rumeurs infondées via les médias qui lui sont inféodés.
L’Algérie officielle, celle du gouvernement Bouteflika et des généraux de l’Armée nationale populaire, ont, il est vrai, de bonnes raisons d’appréhender tout changement démocratique en Tunisie, car cela pourrait donner de «mauvaises idées» aux Algériens. La crainte de l’effet de contagion démocratique semble avoir incité cette Algérie là, dont on soupçonne les velléités d’ouverture démocratique, à multiplier les actes inamicaux (c’est un euphémisme) en direction de la Tunisie.
Parmi ces actes, on pourrait citer l’infiltration, par la frontière algérienne, d’éléments terroristes affiliés à Al-Qaïda, dont deux ont été tués à Rouhia et  d’autres arrêtés dans d’autres régions. Une quantité d’armes a aussi transité par la frontière, que les services de sécurité tunisiens ont découverte dans des caches dans les régions frontalières du sud et du sud-ouest.
La campagne de désinformation sur la situation sécuritaire en Tunisie et sur les vraies fausses agressions à l’encontre de touristes algériennes participe de cette même volonté de déstabiliser la Tunisie et de noircir davantage l’idée que l’opinion algérienne se fait de la situation dans le pays. L’objectif visé: dissuader les Algériens de passer leurs vacances en Tunisie, comme ils ont l’habitude de le faire, et aggraver ainsi la situation économique dans notre pays.
On peut parier que la Tunisie, qui a toujours eu une place dans le cœur des Algériens, restera toujours, pour ces derniers, un havre de paix, chaleureux et accueillants. Les régimes passent, les peuples restent: et ce sont eux qui forgent leur histoire.

Imed Bahri