Les relations suisses avec la Tunisie de Ben Ali n’étaient pas bonnes. S’amélioreront-elles avec la Tunisie post-Ben Ali? La Suisse voudrait aider le pays du jasmin à s’en sortir avec (ou sans) l’argent du dictateur qui dort dans les banques helvétiques. Par
Zohra Abid


Depuis son arrivée à Tunis en septembre 2010, l’ambassadeur suisse, Pierre Combernous, n’a rencontré les médias que le jeudi 30 juin. C’était l’occasion pour que les journalistes découvrent le nouveau siège de la chancellerie helvétique aux Jardins du Lac II, inauguré le 21 mars dernier.
L’occasion: l’ouverture d’un consulat suisse à l’île de Djerba où une petite communauté de près de 400 Helvétiques ont choisi de résider. Et pour un consulat, il faut bien un consul. Ce dernier devait se dépêcher, prendre le vol de Djerba trois ou quatre petites heures après pour occuper ses bureaux à Houmet Essouk. L’heureux consul honoraire n’est autre que Rachid Abdelkébir, un professionnel du tourisme et qui, à partir de l’île, va tenter de faire son possible pour faire venir des Suisses en Tunisie. Lui connaît bien ce que veulent les Suisses. Il les a côtoyés et les connaît très bien, puisqu’il est déjà marié à une Suissesse allemande.

Et l’argent des Tunisiens pillé par Ben Ali?
Outre l’annonce de cet événement, l’ambassadeur de Suisse avait d’autres choses à communiquer: les relations suisso-tunisiennes, l’appui de son gouvernement à la Tunisie dans une phase déterminante de son histoire, ainsi que les perspectives touristiques bilatérales. Mais il devait s’attendre à être interrogé surtout sur le sort des avoirs de la famille Ben Ali-Trabelsi. Il a donc dû se préparer à y répondre. «Le montant de 60 millions de francs suisses annoncé a été seulement effectué sur la base des numéros de comptes portant le  nom de Ben Ali et de sa famille. Or, ces avoirs pourraient être revus à la hausse. Cela dépend de la volonté des autorités tunisiennes qui devraient communiquer au plus vite d’autres numéros de comptes», a expliqué M. Combernous. Selon lui, il s’agit d’un travail de titans et qui demande du temps! Et si on se dépêchait un petit peu... «Tout dépend du rythme des enquêtes», a-t-il répliqué.


Michel Combernous et Rachid Abdelkebir.

«Entre la Banque centrale de Tunisie (Bct) et son homologue suisse, il y a coopération. Au total, 600 millions de francs suisses sont hébergés dans les banques suisses dont une grande partie appartient à des sociétés ou à des particuliers qui n’ont aucun lien avec l’ancien régime», a tenu à préciser le numéro un de l’ambassade suisse. Et de rassurer que les avoirs gelés seront restitués tôt ou tard au peuple tunisien. Et il y aura des agios en sus. Et d’annoncer qu’un expert suisse sera en mission pour une dizaine de jour pour travailler avec Mustapha Kamel Nabli, gouverneur de la Bct. Souhaitons qu’ils avanceront sur le dossier. On est un peu sceptique, mais bon, positivons...

L’eau synonyme de santé
«Une aide de 60 millions de dinars sera accordée à la Tunisie sur une période de 5 ans», c’est ce qu’a avancé Pierre Combernous tout en mettant l’accent sur ce programme tourné vers les régions les plus reculées du pays dont celles du centre-ouest. Comme Feriana et Thala où il y a des problèmes sanitaires. «Il y a des cas d’hépatite dans la région. C’est dû à la contamination de la nappe phréatique par les eaux usées et non recyclées», a-t-il déclaré.  
Selon le diplomate, ces fonds vont financer une somme de projets liés à la gestion d’eau. Comme la mise en place de stations d’épuration et de recyclage des eaux usagées pour deux gouvernorats : Kasserine et Siliana. Et d’expliquer que les eaux recyclées seront exploitées dans l’irrigation des domaines agricoles et permettront de sauvegarder la nappe phréatique. «Grâce à ce projet, les problèmes sanitaires (et de santé) que connaît la région vont être éradiqués définitivement», a-t-il ajouté.
L’ambassadeur suisse a profité aussi de l’occasion pour parler du soutien des Ong suisses aux régions. «C’est comme La Fondation hirondelle, spécialiste dans l’assistance des médias francophones de l’Afrique. Elle vient de  proposer 1,5 millions de dollars pour aider les radios régionales. En mars dernier, il y a eu des contacts avec radio Gafsa et ce projet de coopération suit son cours», a-t-il précisé.

Touristes, investisseurs et aides aux réfugiés
La promotion du tourisme en Tunisie reste une priorité. Le secteur, on le sait, fait déjà travailler 400.000 personnes. Et là où en est la Tunisie, un coup de pousse ne lui fera que du bien. Que peuvent faire dans ce cas nos amis suisses? Selon le chef de la diplomatie helvétique en Tunisie, il y a une mesure qui va permettre de stimuler l’afflux de touristes suisses vers l’île de Djerba, à raison de 60.000 touristes par an, sur un total de 120.000 qui visitent la Tunisie, chaque année. Le reste va dépendre du savoir-faire du consul honoraire.
Sur le drapeau suisse, la Croix rouge brillant de symboles. Que fait donc Genève dans le domaine humanitaire? «La Suisse vient d’octroyer aux réfugiés fuyant la guerre en Libye une aide de 5 millions de dinars», a-t-il signalé tout en rappelant que son pays a assuré l’assistance technique et financière à différentes organisations humanitaires opérant dans le sud tunisien, notamment à Ben Guerdane.
Pour revenir à l’économie, M. Combernous a rappelé que les investissements suisses en Tunisie avoisinent les 160 millions de dinars, répartis entre 100 sociétés suisses et Pme actives dans divers secteurs, tels que le textile, les industries électriques et mécaniques, pour un total de 14.000 emplois directs. Et d’ajouter qu’après 1a chute du régime de Ben Ali, plusieurs sociétés helvétiques souhaitent investir prochainement dans le pays. Elles sont actives dans des secteurs comme le consulting, la recherche électronique, les technologies avancées et les énergies renouvelables (panneaux et fours solaires...). Il va falloir que les intentions soient traduites rapidement en actes. Et là, la balle est aussi dans le camp des Tunisiens.