L’ancienne présidente de l’Association tunisienne des mères (Atm) et propagandiste de l’ex-président Ben Ali, sort de sa tanière, attaque en justice et gagne son procès. Le «Changement II» est-il en marche? Par
Zohra Abid


Saïda Agrebi, qu’on avait annoncée en prison mais qui est en fait libre comme l’air, n’arrive pas à faire son deuil et quitter définitivement l’Atm, l’association qui, sous sa direction, n’a fait que chanter la gloire de Ben Ali et de son épouse. Elle a porté plainte contre la nouvelle direction constituée après le 14 janvier. Mieux (ou pis?): la justice indépendante de l’après-Ben Ali lui a donné raison!

Une convocation au tribunal qui arrive le jour du procès!
A la surprise de tout le monde, le président du Tribunal de première instance a prononcé samedi, à 11 heures trente, le verdict et annoncé la nomination d’un administrateur judiciaire à la tête de l’Atm, devenue l’Otm depuis le congrès, tenu le 9 avril sous la houlette de l’actuelle présidente Fatma Khouini, Rcdiste notoire et ex-collaboratrice de Agrebi.
Renvoyant dos-à-dos les deux femmes, le juge a placé une troisième en tant qu’administrateur judiciaire. C’est donc Elhem Soufi qui va désormais gérer les affaires de l’association et remettre de l’ordre et de la transparence dans certains dossiers de la maison d’El Manar (Tunis nord).
Un membre du bureau exécutif élu le 9 avril a déclaré à Kapitalis: «Nous avons reçu la convocation du tribunal par une lettre recommandée le jour du procès, samedi 25 juin, à 11heures 30, c’est-à-dire au moment où le juge prononçait le verdict ! Sur la convocation, l’huissier de justice dit qu’il s’était présenté, le jeudi, à 8 heures du matin, au siège de l’association, et qu’il n’a trouvé personne! Il est vrai que l’administration ouvre à 8 heures 30, mais, ce jour là, à 8 heures, les femmes de ménage étaient là. Et elles affirment que personne n’est venu frapper à la porte !»

Un sit-in des femmes, lundi, à Bab Benat
Notre source ajoute que normalement l’huissier aurait dû se rendre aussitôt au poste de police pour l’informer. «Après vérification, il s’est avéré que la police n’a pas noté le passage de ce huissier. Pis : une lettre recommandée arrive à destination, si elle était postée à temps, 24 heures avant, or, nous avons reçu la convocation 48 heures après, c’est-à-dire au moment de l’audience. A la minute où le juge prononçait son verdict. Personne n’était prévenu, même pas l’avocat». La même source prévient: «Nous allons protester déjà sur ces questions de forme. Une procédure à la va-vite, sans informer la partie adverse, ne peut être que louche». «Me Amor Abdelaâl [avocat du nouveau bureau, Ndlr] n’a même pas eu le temps d’aller plaider, puisque c’était déjà fini. Il va faire appel lundi», dit notre interlocuteur.
L’affaire suivra son cours et sera donc renvoyée devant la Cour d’appel. Plusieurs membres du bureau exécutif et adhérentes de l’Otm ont décidé d’observer, lundi à la première heure, un sit-in devant le ministère de la Justice à la rue Bab Benat pour protester notamment contre l’huissier de justice qui n’a pas respecté les délais et enfreint la loi, et contre ceux et celles qui ont fait de faux témoignages pour remplir le dossier. «Tous les éléments réunis par Saïda Agrebi et ses complices sont faux et le fait de fixer de la sorte une date, nous dit qu’il y a complot», selon la même source.

La «louve» sort de la forêt!
Mme Agrebi, déguisée et sur une chaise roulante, a été, le 8 février, sur le départ à l’aéroport de Tunis-Carthage. Mais, on lui a interdit de voyager. Depuis, personne ne l’a revue, au point de laisser entendre qu’elle était en prison. Or, elle n’est qu’en résidence surveillée. Deux mois et demi après le congrès et le changement du logo et du nom, elle sort de son silence et passe à l’attaque. Elle cherche à reprendre ce qu’elle considère comme son «bien». Ce qui laisse perplexe et suscite quelques interrogations. Pourquoi Mme Agrebi, que l’on croyait «finie» et sur la défensive, a-t-elle décidé de faire de nouveau parler d’elle? A-t-elle calculé le risque de cette réapparition intempestive alors que les Tunisiens l’ont presque oubliée? Considère-t-elle, plutôt, que la situation dans le pays, marquée par le retour des caciques du système Ben Ali dans tous les rouages de l’Etat et de l’administration, est propice à son retour? Dans ce cas, l’opinion publique est en droit d’exiger du gouvernement et de la justice davantage de transparence et, surtout, de détermination à rompre avec les symboles de l’ancien régime. Et Mme Agrebi en est un parmi les plus honnis.