L’ancien dictateur, en fuite depuis le 14 janvier, suit l’actualité de son pays où il ne reconnait plus rien, même plus sa page Facebook.
Par Marc Dormontal*


Depuis le 14 janvier, date de la fuite de Ben Ali pour l’Arabie Saoudite, les rumeurs les plus diverses se propagent concernant l’ancien dictateur. On le dit à Djeddah, on le dit plus au sud à Abha, on le pressent en Belgique. On le voit dans un hôpital victime d’un Avc ou d’une crise d’hypoglycémie...
Difficile aujourd'hui d’y voir clair, difficile de suivre la trace d’un des plus grands spécialistes en manipulation de masse. Pourtant il n’est pas nécessaire d'aller chercher bien loin car Ben Ali est sur Facebook.

De Ben Ali à Zaba
Ben Ali, grand amateur de nouvelles technologies, s’est toujours beaucoup intéressé à ce qui ce passait sur internet. Fallait-il qu’il apparaisse aussi grand sur le web que sur les murs des immeubles où son portrait rayonnait?
Jusqu’en janvier, les pages Facebook consacrées au dictateur pullulaient, affichant des nombres d’amis record. Gonflées à bloc par la machine Rcd (l’ex-parti au pouvoir), Ben Ali avait compris que rien n’était plus efficace que les réseaux sociaux pour alimenter le culte de la personnalité. L’ode à la gloire du dictateur déchu a depuis buggué et ne fait plus recette. Les sympathisants d’hier sont devenus révolutionnaires, les militants du Rcd font profils bas et il est difficile aujourd'hui d’afficher son benalisme.
Aujourd’hui, ce sont les pages contestataires qui ont pris le relais. «Wanted Ben Ali», «Ben Ali devant la cour Pénale internationale», «Pour une poursuite de Zine Al Abidine Ben Ali pour crimes contre l’humanité», «Raser Leila Ben Ali et priver Zine El Abidine de teinture capillaire», etc.
Les anti-Ben Ali s’en donnent à cœur joie et la mémoire de Ben Ali croule sous le poids des comptes les plus violents à son égard. Pourtant, depuis quelques mois, le dictateur déchu est réapparu sur la toile. Une page fait, en effet, le buzz sur Facebook en Tunisie, il s’agit de la page de Zaba Ben Ali (Zaba pour Zine Al-Abidine Ben Ali).

Une page d’utilité publique
Sur cette page, l’ancien dictateur diffuse son journal au jour le jour depuis son lieu d’exil. L’internaute aura vite fait de remarquer, au vu de la qualité de la rédaction qu’il ne s'agit bien évidemment pas du vrai Ben Ali, surnommé «bac moins 3». Mais les sarcasmes et l’ironie à la sauce harissa suscitent l’engouement croissant des Tunisiens lassés des atermoiements de cette révolution qui n’en finit pas d’accoucher. Les commentaires fusent et les internautes peuvent même chatter avec ce soit disant dictateur 2.0. Les raisons de ce succès? Selon la psychologue tunisienne Sarah Khalfaoui, «le peuple est orphelin. Malgré les horreurs dont est responsable Ben Ali, il conserve un fond de sympathie. La Tunisie est comme un enfant battu. Il pleure parce qu’il a reçu des coups mais ne peut s’empêcher d’aimer son bourreau.»
L’admin de la page de Zaba le confirme. «Les pages de ce type, au-delà du côté humoristique, est une catharsis. Les Tunisiens peuvent enfin dire ce qu’ils ont à dire, se laver de toutes les saletés de l’ancien régime, c’est un moyen de se défouler...»
A l’heure où la Tunisie se réveille d’un long sommeil, l’activité sur Facebook n’a jamais été aussi intense. Nul doute que du fin fond de son refuge, l’ancien dictateur tunisien suit l’actualité de son pays ne reconnaissant plus rien, même plus sa page Facebook.

* Journaliste indépendant - présent sur LePost.fr.