Djemâa Chraiti, blogueuse et écrivaine, fille du fellaga Lazhar Chraiti, vient de recevoir, à Genève, le prix “Femme exilée femme engagée”, décerné aux femmes militantes contre les injustices.
Haykel Ezzeddine, Genève.


Depuis 2001, date de sa création, le prix “Femme exilée femme engagée” a récompensé 108 femmes pour leur courage, leur lutte contre les injustices et leur militantisme. Malgré leur exil, ces femmes se sont distinguées en aidant d’autres à faire entendre leur voix et en leur montrant le chemin à suivre. Genève, sait reconnaître la valeur de ses citoyennes qui s’engagent pour défendre l’égalité.
Comme on l’a déjà annoncé précédemment, la fille du valeureux fellaga Lazhar Chraiti, la blogueuse et écrivaine Djemâa Chraiti figure parmi les sept lauréates de l’édition 2011.
Vendredi 1er avril, à l’Université de Genève, dans une salle pleine, composée en majorité d’un public féminin, la Tuniso-Suisse, très émue, a reçu une statuette et un diplôme sous les applaudissements des présents, dont quelques députées et la maire de Genève, la socialiste Sandrine Salerno.

La mémoire des laissés-pour-compte
djemaa chraitiKapitalis a posé à Djemâa Chraiti, qui milite également au sein d’Amnesty International, la question suivante: «Que vous procure cet honneur de la part de la Ville de Genève?» Voici sa réponse: «C’est une belle occasion de relayer, face aux projecteurs, des causes qui me tiennent à cœur, notamment celles des personnes sans statut légal, qui œuvrent auprès de nos personnes âgées et auprès de nos enfants, et qui sont devenues indispensables; ainsi que celle de tous les exilés qui, malgré les diplômes, malgré la langue apprise, et parfois malgré la nationalité suisse obtenue, n’ont encore jamais trouvé leur place dans cette société supposée traiter tout un chacun sur pied d’égalité. Le parcours des autres lauréates vaut aussi le détour, chacune d’entre elles mène un combat digne et courageux.  Quant à moi, ériger ma statue me gêne, il est temps de disparaître des feux de la rampe pour continuer le travail de terrain et reprendre une plume délaissée depuis quelques jours. Au-delà de la révolution tunisienne et des espoirs qu’elle a engendrés, malgré le chantier en cours, ce fut aussi le bon moment de rappeler que nous avons quitté la Tunisie suite à des circonstances dramatiques et que nous continuons de lutter pour un devoir qui nous incombe à tous, celui d’enterrer dignement nos morts et de respecter la mémoire de nos laissés-pour-compte qui sont encore dans une fosse commune dans une Tunisie du XXIe siècle».
Djemâ Chraiti fait ici allusion, on l’a compris, à tous les martyrs de la Tunisie, mais aussi, et surtout, à son propre père, Lazhar Chraïti, condamné à mort et exécuté, puis enterré dans une fosse commune, ce qui empêche ses fils et filles, devenus des hommes et des femmes adultes, de faire leur deuil et d’aller fleurir sa tombe… qui n’existe pas.

Photos de Demir SÖNMEZ

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