L’intervention du ministre de l’Intérieur, Farhat Rajhi, hier soir sur la chaîne Hannibal TV, a autant rassuré les Tunisiens qu’elle a laissé planer des doutes sur la cohésion des services de sécurité.


Qui sont les assaillants qui ont saccagé, le 31 janvier dans l’après-midi, le bureau du ministre de l’Intérieur? Dans l’attaque, ce dernier aurait été physiquement pris à partie et aurait dû s’éclipser par une sortie de secours. A Hannibal TV, il a affirmé, sans perdre le sourire, et pour l’anecdote, s’être fait voler, dans l’attaque, ses lunettes de vue, son téléphone portable et son manteau.

Qui dirige les bandes armées?
M. Rajhi a parlé de 2.000 à 3.000 individus, des membres des services de sécurité restés loyaux à l’ancien régime. Il les décrit comme des personnes capables de tout. Ils étaient ivres, drogués et armés. Après avoir semé la pagaille au ministère, ils se sont évaporés dans la nature. Ce sont, d’ailleurs, ces éléments déchaînés, qui, selon lui, ont terrorisé la population au cours des journées de lundi et mardi.
Le limogeage, hier, de 42 hauts responsables du ministère de l’Intérieur, soupçonnés de complicité avec les forces contre-révolutionnaires, et leur remplacement à pied levé par des éléments jugés plus sûrs vont-ils mettre fin à  cette insurrection au sein des forces de sécurité?
Les simples agents de police, qui ont déserté leurs postes, en exigeant le départ des véritables symboles de la répression sous l’ancien régime, vont-ils tous reprendre leur travail au service de la population?
Les mesures sociales annoncées en faveur de ces «prolétaires» de la police, qui ont manifesté dans les rues, se disant tout aussi brimés et réprimés que le reste de leurs compatriotes, vont-elles les convaincre de reprendre du service?
C’est ce que tous les Tunisiens souhaitent. Car les désordres, qui continuent d’être provoquées par des éléments incontrôlables, ne visent qu’à faire avorter la révolution dont le programme est aujourd’hui porté à bout de bras par le gouvernement de transition.

Le «grand nettoyage»
Selon divers sources, le «grand nettoyage» au sein du ministère de l’Intérieur a concerné, depuis la fuite de l’ex-président, le 14 janvier, les éléments les plus proches de Ben Ali et de son épouse. Il s’agit, bien sûr, d’Ali Seriati, l’ex-patron de la Garde présidentielle. On avance aussi les noms de Jalel Boudrigua, le directeur général des Brigades de l’ordre public (Bop), de Sadok Aouini, le financier de l'ex- couple présidentiel, mais aussi de Taoufik Debbabi, ancien directeur de l’Administration générale des prisons et de la rééducation dans les années 90, appelé à la rescousse au lendemain de la chute de Ben Ali pour prendre la tête de la Direction générale de la sûreté nationale (Dgsn). M. Debbabi, que M. Rajhi a ouvertement accusé dans son intervention sur Hannibal TV de n’avoir pas fait le nécessaire à l’encontre des assaillants, est-il resté fidèle à l’ex-président et à ses proches collaborateurs, notamment l’ex-ministre de l’Intérieur Rafik Belhaj Kacem, arrêté hier, et l’ex-secrétaire d’Etat à la Sûreté Mohamed Ali Ganzoui?
Quoi qu’il en soit, la Tunisie a besoin aujourd’hui de retrouver son calme et les Tunisiens de reprendre leur travail. Les éléments qui jouent le pourrissement feraient mieux d’admettre qu’il ne sert à rien de nager à contre-courant. L’Histoire est en marche. Le changement, le vrai, est en cours. Plus rien ne sera comme avant. Ce peuple, qui a payé le lourd tribut du sang pour recouvrer sa liberté, n’acceptera plus de retour en arrière. Le «benalisme» est mort, les «benalistes» feraient mieux de faire amende honorable. Et de laisser ce peuple tracer sa voie vers la démocratie.

Ridha Kéfi