S’ils n’avaient rien à se reprocher, pourquoi les responsables de l’Agence tunisienne de communication extérieure (Atce) ont-ils détruit, lundi, à la va-vite, des liasses de documents officiels. De quels «crimes» cherchent-ils à effacer les traces?


Il n’est pas facile de nous faire avaler des couleuvres, nous autres journalistes, qui connaissons le système de la maison de Jean Jaurès. Mongi Zidi, qui a ordonné la destruction des documents officiels, a-t-il saisi la portée de son acte?
Interviewé par nos collègues d’Hannibal TV, le directeur général de l’Atce a affirmé, sans ciller: «Ce sont des documents qui ne servent à rien. Il s’agit tout simplement d’une paperasse encombrante et inutile. Mais l’archive est précieusement gardée. L’Atce est une institution publique qui fait vivre 150 familles». On est censé le croire sur parole…

Les gagnants et les perdants
A le prendre aussi au mot, Mongi Zidi, qui a choisi de faire le ménage dans la maison au mauvais moment, a avoué que les journaux «politiquement corrects et disciplinés» ont eu la part du lion des fonds généreusement distribués par l’agence, au détriment des autres supports qui font la tête au pouvoir ou essaient seulement d’exercer en toute indépendance.
Depuis sa création, il y a 20 ans, l’Atce faisait le bon et le mauvais temps dans nos médias. On connaît ceux dont elle a rempli les poches, et ceux qu’elle a ruinés.
Parmi les patrons de journaux les plus choyés du régime, ce sont les disciples d’Abdelwaheb Abdallah qui ont profité à fond des caisses. Ils ont bénéficié des autorisations, des licences, des aides publiques, des budgets publicitaires, etc.
Ne doit-on pas nommer, aujourd’hui, ces patrons de groupes de presse qui ont émargé sur le système Atce? Et qui, aujourd’hui, ont tourné casaque, comme si de rien n’était, avec un opportunisme crasse, qui en dit long sur leur moralité. Sont-ce les archives accusatrices du système et de ses sbires que M. Zidi a voulu faire disparaître?
L’Atce, fondée en 1990, avait la mission de faire mieux connaître la Tunisie à l’extérieur. Des focus payés en devises fortes sur des médias arabes et français, souvent consacrés à Ben Ali, sa Leïla, les Trabelsi, la Tunisie qui gagne… Le tout téléguidé par Abdelwaheb Abdallah et/ou Oussama Romdhani. Des envoyés très spéciaux profitaient du système. Les complices se reconnaîtront!
Et si on regardait un peu la liste des invités qui venaient, parfois plusieurs fois l’année, pour couvrir les anniversaires du 7 novembre, les pseudo-élections, le pèlerinage de la Ghriba, etc.? Combien cela coutait-il aux contribuables? Qu’est-ce qu’on n’apprendrait pas sur les pratiques pas très orthodoxes auxquelles s’adonnaient les propagandistes du système Ben Ali?

Un système de ristourne
Les mauvaises langues parlent d’un système de ristourne (ou rétro-commission) qui rémunère, en même temps que les journaux étrangers «achetés», les donneurs d’ordres locaux.   
La commission d’enquête sur la corruption, présidée par Abdelfattah Amor, serait bien inspiré de mettre l’Atce dans son viseur, car cette agence est au cœur du système corrupteur et corrompu mis en place par l’ex-président et géré par ses porte-voix de service.

Z. A.