altYadh Ben Achour et son groupe d’experts, qui ont conçu l’architecture juridique de la transition démocratique et rendu possible l’accession d’Ennahdha au pouvoir, sont poussés à la porte par ce parti.


«La Commission des experts renoncera définitivement à ses fonctions, à partir du 27 août», a annoncé, vendredi, Yadh Ben Achour, président de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique (Hiror), dont cette  commission est l’émanation, ajoutant que ses membres entendent s’engager dans la société civile, à travers la création d’une Association des experts de la transition démocratique.

La «troïka» prend le pouvoir et ferme la porte derrière elle

M. Ben Achour, qui parlait au cours d’une conférence de presse, au siège de la Commission à Tunis, a indiqué que la décision a été prise compte tenu du désistement de la «troïka» (la coalition tripartite au pouvoir) d’un accord pour la création d'une Commission d’experts régie par un nouveau cadre juridique. M. Ben Achour a, cependant, réfuté toute relation entre cette décision et les déclarations faites par les membres de la Commission, lors de la table-ronde organisée, mercredi, par l’Association tunisienne de droit constitutionnel, et qui étaient très critiques quant à l’avant-projet de la nouvelle constitution issu des travaux de l’Assemblée nationale constituante (Anc).

Le président du Hiror, qui a conçu l’architecture de la transition tunisienne et les règlementations ayant abouti aux élections du 23 octobre 2011, les premières vraiment libres, pluralistes et transparentes dans le pays, a, par ailleurs, souligné que la cessation des fonctions de la Commission a été décidée, le 8 août dernier, lors de sa dernière réunion, faisant savoir qu’une correspondance a été adressée, mardi, à ce sujet, au gouvernement, sans pour autant avoir une réponse. Comme si le gouvernement appelait de tous ses vœux cette autodissolution, mais n’osait pas la provoquer.

L’apport considérable de la commission à la transition démocratique

M. Ben Achour a passé en revue le travail accompli par la Hiror, ainsi que sa contribution au renouvellement du système juridique en Tunisie. «La Commission, a-t-il rappelé, était la source de conception et de réflexion de tous les décrets-lois qui avaient été élaborés, durant la première période transitoire, dont ceux relatifs aux partis politiques, aux associations, à la loi électorale et au secteur de l’information».

Il a également précisé que la Commission a poursuivi son travail après les élections du 23 octobre afin de livrer aux nouvelles autorités publiques le fruit de son expérience, indiquant que les membres de la Commission ont œuvré à soutenir l’Anc en effectuant des visites à ses différentes Commissions et en présentant un projet de Constitution et plusieurs autres projets dont celui de la création d’une commission indépendante pour les nouvelles élections.

M. Ben Achour est revenu sur le décret-loi N°6 en date du 18 février 2011 et qui stipule la création de deux structures au sein de la Hiror. La première, le Conseil de la Haute instance a un caractère représentatif et sa mission a pris fin, le 13 octobre 2011, alors que la deuxième n’est autre que la Commission des experts composée de 20 membres et qui avait pour rôle de soutenir l’action de l'Anc et les nouvelles autorités, selon son expression.

Ennahdha ne reconnaît que ses propres experts

Celles-ci, qui estiment disposer de leurs propres experts ou qui rejettent toute expertise qui ne soit pas dictée par leurs intérêts et approches, ont donc décidé de ne pas renouveler le cadre juridique de ladite Commission des experts.

En d’autres termes, le parti islamiste Ennahdha, qui domine l’Anc et la «troïka», a pris le pouvoir et n’entend pas le partager et encore moins le céder un jour. Aussi ce parti est-il pressé de rompre avec toutes les instances qui, par leur travail, lui ont permis de prendre le pouvoir. De là à penser qu’il a un nouveau projet de dictature, il y a un pas que les observateurs n’hésitent plus à faire.

I. B. (avec Tap).