alt«La Tunisie est comme une mère qui a eu beaucoup de bonheur à la naissance de son enfant et qui vit sa phase de dépression après l’accouchement», note Vincent Geisser dans un entretien à Afrik.com.


Le chercheur français (Institut français du Proche-Orient de Beyrouth) estime que les Tunisiens sont dans une phase de dépression postrévolutionnaire et que la transition en cours dans le pays souffre d’un grave manque de communication dont le gouvernement et toutes les autres parties assument la responsabilité. Extraits…

La transition n’a pas produit l’effet escompté

«Il y a un très grand pessimisme chez les Tunisiens, même s’ils sont heureux d’avoir chassé Ben Ali du pouvoir. Certains se demandent si la révolution a servi à quelque chose. L’inégalité régionale est l’une des grandes impasses des questions économiques du pays. Et la révolution a été motivée par cette situation de fracture économique entre les populations des différentes régions. Pour ceux qui sont originaires des régions qui avaient été abandonnées par le régime, rien n’a changé. La transition n’a pas produit l’effet escompté. La Tunisie est comme une mère qui a eu beaucoup de bonheur à la naissance de son enfant et qui vit sa phase de dépression après l’accouchement. Cette métaphore décrit bien ce que le pays vit actuellement. A sa naissance, le soulèvement a procuré une joie immense au peuple. Mais désormais la Tunisie vit une dépression après la révolution.

Un manque de pratique démocratique

«(…) Ce qui manque à la Tunisie, ce n’est pas la culture démocratique mais la pratique démocratique. Culturellement, la démocratie était ancrée dans le pays même avant l’ère Ben Ali. Ce qui explique d’ailleurs que la Tunisie soit le premier pays arabe à avoir fait la révolution. Désormais, elle doit concrétiser cette culture démocratique. Il y a un manque de dialogue social et politique dans le pays. Et c’est valable aussi bien pour le pouvoir que chez les manifestants. Le gouvernement a des difficultés à écouter son peuple. Et les citoyens, eux, ont tendance à tout dramatiser. Tout devient blanc ou noir. Ils ont une façon de penser très tranchée et manichéenne. C’est comme s’ils rattrapaient des années de privation de liberté d’expression sous Ben Ali. Pourtant, on est dans une situation où tous les moyens démocratiques sont là, mais il n’y a pas de dialogue entre les différents partis. Du côté du gouvernement, il y a un manque total d’expérience du dialogue. Cela va dans tous les sens. On assiste à un dialogue de sourds qui domine la sphère publique. Il y a donc un sérieux manque de communication. Résultat, c’est une impasse dans la capacité à construire les lignes entre les Tunisiens

Source: Afrik.com.