Les jardins d’enfants financés par des associations islamiques – où la violation de l’innocence de l’enfance est flagrante –, poussent comme des champignons. Le gouvernement fait semblant de ne rien voir et laisse faire. A quel dessein?

Par Zohra Abid


Alerté à plusieurs reprises par des responsables du ministère de la Femme, le gouvernement fait jusque-là, la sourde oreille. Il ne voit rien, ne réagit surtout pas et le temps ne joue pas en faveur des petits.

On sait comment le drame de l’Afghanistan a commencé: avec la multiplication des médersas soi-disant islamiques, qui se sont transformées en fabriques de terroristes à la solde de l’internationale wahhabite. Qu’attendent les autorités tunisiennes pour prendre conscience de l’ampleur du danger et prendre les mesures qui s’imposent?

Les associations islamiques imposent leur enseignement

«Nous avons contacté le ministère de l’Intérieur pour qu’il procède à la fermeture immédiate de ces jardins d’enfants soi-disant islamiques dont le nombre commence à nous impressionner et le contenu de leur programme religieux non fondé nous inquiète au plus haut point. Et le risque est vraiment grand. Car il ne faut pas badiner avec l’enfance. Ces jardins d’enfants fondés par des associations religieuses se moquent royalement de la pédagogie et refusent de se soumettre à la loi. Nous avons été alertés et à notre tour, nous avons pris acte et alerté qui de droit», a déclaré à Kapitalis Faouzia Jabeur.

La responsable au ministère de la Femme ajoute, sur un ton mitigé, d’espoir et de désespoir à la fois, que ces jardins d’enfants ne disposent même pas de cahier des charges et que rien que pour cela, les gouverneurs devraient faire appliquer la loi, sans qu’ils aient à revenir à leurs supérieurs,. «C’est comme un café, un restaurant ou n’importe quel autre commerce, car ces jardins font au final du commerce, qui ouvrent leurs portes au public sans avoir rempli au moins un cahier des charges… Mais, là, il n’y a rien», a-t-elle précisé.

Le 5 avril dernier à la Kasbah, Mohamed Ali Khaldi, représentant du ministère de la Femme, n’a pas nié lors d’un point de presse, le danger qu’encourent ces petits. Il a déclaré que son département «a reçu un rapport à ce sujet et il est en train de coopérer avec le ministère des Affaires religieuses pour trouver au plus tôt une solution». Rien n’a été fait depuis. Nourddine El Khademi, ministre des Affaires religieuses, a-t-il trouvé un accord à l’amiable avec les extrémistes religieux? Auquel cas, quel est son contenu?


Imposer le voile aux fillettes en bas âge.

A quand une intervention du gouvernement?

Le ministère de l’Intérieur, selon notre interlocutrice du ministère de la Femme, a préféré ne pas trop se mêler de cette affaire très sensible (s’agissant d’associations à connotation islamiste et idéologique) et a renvoyé la balle dans un autre camp.

Depuis qu’Ennhadha est au pouvoir, une pluie d’autorisations a été accordée à des associations islamiques par le Premier ministère. Que répond donc ce ministère ?

Selon la responsable, il faut dresser une liste de ces jardins d’enfants et d’ici la rentrée scolaire prochaine, il va falloir trouver une solution pour assurer qu’ils se soumettent aux procédures légales et aux programmes pédagogiques officiels. «Inchallah. Le Premier ministère nous a promis de mettre de l’ordre dans ces jardins d’enfants qui commencent à nuire à tout le monde», rassure Faouzia Jabeur.

Depuis le début d’été, les jardins d’enfants classiques ont fermé leurs portes. Et ce sont les jardins d’enfants dits islamiques qui en profitent, prennent la relève et rendent service aux parents en gardant leurs petit (e)s. «Habituellement, il y a dans tous les quartiers des kottab (écoles coraniques), qui se chargent d’enseigner le Coran selon les instructions du ministère de tutelle. Mais aujourd’hui, ce sont ces jardins d’enfants qui drainent les petits et à n’importe quel prix», raconte un habitant dans la région de l’Ariana. Le mur de sa maison est mitoyen à celui d’un jardin d’enfants (une sorte de garage) géré par une association islamiste. «Aujourd’hui, on les compte par centaines et le fléau est déjà là en train de miner tout le système éducatif».


Embrigadement des enfants en bas âge.

En attendant la prochaine rentrée scolaire, beaucoup d’eau coulera sous les ponts et beaucoup d’enfants seront déjà marqués à jamais par les enseignements moyenâgeux qu’ils auront reçus.

Ici, tête baissée et tout est «haram»

Ces jardins d’enfants, qui enseignent souvent la religion selon le dogme wahhabite, complètement étranger à la Tunisie malékite et hanbalite, sont hors la loi. Ils disposent de bâtiments luxueux, de studios ou de garages aménagés avec le strict minimum. Pas de jouets, c’est «haram» (licite), pas de mixité, c’est «haram», pas de chant et de musique, c’est «haram», pas de danse et de jeu, c’est satanique…

«Ici, les fillettes sont voilées de la tête aux pieds et à fond le bourrage du crâne en compagnie d’un personnel qui écorche même les versets du Coran et qui leur raconte n’importe quoi», raconte un autre habitant du côté de Montfleury à Tunis.

La Tunisie, selon les données de 2011, dispose de 3.843 jardins d’enfants dans tout le territoire et 1.200 écoles coraniques. «Tous ces établissements sont soumis au contrôle systématique des responsables et respectent à la lettre le cahier des charges», précise Mme Jabeur. Et d’ajouter que des centaines de petites filles sont actuellement soumises à un sérieux embrigadement religieux bien orchestré.

La sonnette d’alarme est tirée et le gouvernement prévenu

Selon une enquête menée par nos confrères d’Echourouq, les animatrices sont arrivées à faire peur aux petit(e)s en leur racontant des histoires noires. Du genre: «Si leur maman ne porte pas le voile, elle va avoir des serpents à la place des cheveux». On peut imaginer ce qui peut se passer dans la tête d’un enfant en entendant des sornettes pareilles. Psychiatres et sociologues sont ulcérés de voir des petits traumatisés, qui ne cessent de faire des cauchemars et qui exigent de leur maman de couvrir la tête. Ceci se passe aujourd’hui en Tunisie, et dans plusieurs quartiers, surtout populaires.

Au Maroc, ce fléau s’est répandu aussi. Il y a à peine une semaine, le Centre pour l’égalité des femmes marocain, œuvrant dans les domaines social, politique, économique et juridique, a lancé une campagne de sensibilisation contre le port du voile par les fillettes.

Ce centre juge que le port du voile est une «forme majeure de violence envers les enfants» et a tiré la sonnette d’alarme pour que les organisations des droits de l’homme interviennent et sauvent l’enfance.

Qu’attendent alors nos responsables pour faire pareil? S’il ne va pas y a avoir une intervention rapide pour éradiquer ce mal, nos filles seront éternellement condamnées à vivre sous leur voile dans les ténèbres de l’ignorance. Et c’est toute la société qui en pâtira.