Le colonel Mouamar Kadhafi s’invite malgré lui dans une campagne politique raciste dont l’enjeu est une initiative pour l’expulsion des criminels étrangers. Assistera-t-on à une nouvelle affaire libyenne en Suisse?
Haykel Ezzeddine, Genève.


L’affiche, objet du scandale, est strictement interdite de toute publication en Suisse. L’objet du délit une photo du leader libyen sur un grand poster reproduit à 450 exemplaires pour un affichage public en ville de Genève.
Le 28 novembre, le peuple suisse est appelé à se prononcer sur une initiative pour l’expulsion des criminels étrangers. La campagne politique vient de commencer avec son lot de rebondissements. Premier acte, la présentation par le parti populiste d’extrême droite le Mouvement citoyens Genevois (Mcg), troisième force électorale du canton de Genève, d’une affiche provocatrice intitulée «La vérité qu’on vous cache».

Dénigrement, racisme primaire, amalgame, provocation…
Cette affiche raciste, chargée, à la mise en page presque illisible, présente les étrangers et plus particulièrement les Africains, les ressortissants des pays balkaniques et les frontaliers (Français) comme des criminels. Pour étayer sa thèse, le Mcg reproduit non sans arrière pensée les rapports de la police en citant la nationalité de ceux qui ont commis des délits.
Dénigrement, racisme primaire, amalgame, provocation… autant de motifs qui auraient pu amener la ville de Genève à interdire cette affiche. Et c’est ce qui vient de se produire avec l’annonce faite par le Conseil d’Etat en concertation avec les autorités fédérales d’empêcher toute publication publique de cette affiche, pas pour les motifs évoqués plus haut, mais à cause de la présence de la photo du guide de la révolution libyenne Mouammar Kadhafi avec le slogan: «Il veut détruire la Suisse».
Petit retour en arrière. Pendant la crise qu’a connue la Suisse avec la Libye ces derniers mois, l’arrestation d’un des fils de Kadhafi dans un hôtel genevois suivi de l’affaire des deux otages suisses détenus par la Jamahirya, à plusieurs reprises Mouammar Kadhafi a appelé à la destruction et au démembrement de la Confédération helvétique.

Le Conseil d’Etat déplore un outrage à la Libye
Cette attention particulière de ramener le leader libyen au devant de la scène politique n’a pas plu aux autorités genevoises et fédérales, qui invoquent l’article 296 du code pénal suisse qui réprime l’outrage aux Etats étrangers. Interdiction de toute publication de cette affiche sans apporter de modification. Dénonciation du président du Mcg au ministère public de la Confédération et au parquet de Genève. Et publication d’un communiqué, jeudi 21 octobre, dans lequel le Conseil d’Etat déplore un outrage à la Libye avec laquelle il veut instaurer un climat de confiance.
L’intenable Eric Stauffer, président du Mcg, qui n’est pas à sa première provocation, ne veut pas abdiquer sans une injonction d’un tribunal dénonçant au passage une atteinte à la liberté d’expression. Entre-temps, l’intelligentsia suisse crie à la censure et s’indigne dans les médias créant un nouveau débat dont la Libye n’a pas demandé à y être invitée!

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En photo: Eric Stauffer, l'intenable président du parti d'extrême droite Mcg.