Le président du parti islamiste Ennahdha sort de sa réserve pour communiquer, expliquer, justifier… les ratés d’un gouvernement qui navigue à vue et voit des ennemis partout.


Après avoir rencontré les journalistes, le 26 mars, pour essayer de rétablir les ponts du dialogue entre Ennahdha et cette corporation qui subit, outre les agressions des éléments salafistes, les critiques des membres du gouvernement, le président du parti islamiste tunisien s’apprête à rencontrer 400 hommes d’affaires pour les rassurer sur les intentions du gouvernement et les convaincre de mettre la main à la poche pour relancer l’investissement et l’emploi en cette période de transition pleine d’incertitude.

Le thème fédérateur de la Palestine

En attendant, M. Ghannouchi a tenu à célébrer, dimanche, la Journée de la Terre, à Jendouba (nord-ouest), région qui a subi il y a quelques semaines de graves inondations qui ont causé des morts et d’importants dégâts matériels.

«La révolution du 14 Janvier s’est déclenchée pour combattre l’injustice, la tyrannie et la corruption», mais aussi pour lutter contre les «relations suspectes» notamment avec «l’entité sioniste», a affirmé Rached Ghannouchi.

«La Palestine demeure au cœur du monde islamique et tout ce qui la menace est une menace pour l’ensemble de la nation islamique», a-t-il encore déclaré, estimant «inadmissible de normaliser aujourd’hui les relations avec l’entité sioniste».

Rached Ghannouchi avait souligné, la veille, à Béja, au cours d’une rencontre organisée par les jeunes d’Ennahdha pour célébrer également la Journée de la terre, qu’il ne peut y avoir de normalisation avec Israël, estimant que «le problème des musulmans est avec le sionisme et non pas avec le judaïsme».

La voie pour la libération d’El Qods passe irrémédiablement par l’unité nationale et arabe ainsi que la réalisation du développement dans les domaines économiques, scientifiques et sociaux, a soutenu le chef du parti Ennahdha, appelant les jeunes tunisiens à préserver l’unité nationale et maghrébine.

«La victoire des régimes démocratiques dans le monde arabe est le seul moyen qui permettra aux Palestiniens de recouvrer la terre de Palestine», a-t-il dit.

«L’ex-président n’a pas respecté la lutte et les sacrifices des Tunisiens et des Palestiniens à Borj Cedria et à Oued Zargua (Béja)», a indiqué M. Ghannouchi. «Il a trahi la cause palestinienne et il était un collaborateur des sionistes», a-t-il dit.

Qui veut évincer Ennahdha ?

A Jendouba, dimanche, le président d’Ennahdha s’est, par ailleurs, félicité des pas importants franchis par la Tunisie sur la voie de la réalisation des objectifs de la révolution, faisant remarquer que «l’exercice de la liberté conduit parfois à violer la loi, ce qui menace la stabilité du pays et le place devant deux alternatives : la liberté, l’ordre, le développement et le progrès ou l’incompatibilité entre ces facteurs avec le chaos et l’anarchie qu’elle risque de provoquer».

Evoquant les dynamiques politiques actuellement à l’œuvre dans certains partis qui cherchent à fusionner pour créer des forces ou de pôles, M. Ghannouchi a estimé que la scène politique a tendance à atteindre «la maturité», faisant état de la possibilité, pour son parti, d’opérer une fusion avec certains partis appartenant au courant islamique. Il a, dans le même contexte, noté que les fusions entre les partis doivent être réalisées pour «consolider le processus d’édification», prévenant que «toute tentative visant à évincer Ennahdha plongera le pays dans le chaos», car, selon lui, pareille tentative «ne sert nullement l’intérêt national».

Le leader islamiste n’a pas désigné la ou les parties qui auraient le projet d’«évincer Ennahdha», mais l’allusion aux forces démocratiques et progressistes, qui cherchent à se réorganiser pour faire face à l’hégémonie d’Ennahdha, est on ne peut plus limpide.

M. Ghannouchi ne parle pas ouvertement de «complot», comme le fait depuis quelques semaines l’un des proches collaborateurs, Adel Zitoun, bombardé ministre conseiller auprès du chef de gouvernement, mais c’est tout comme.

En propulsant ainsi son chef historique sur les devants de la scène, alors que le gouvernement conduit par leur parti se montre complètement dépassé par l’ampleur de la tâche, les Nahdhaouis semblent surestimer les qualités de communicateur et les capacités de persuasion de son chef.

Le danger serait de voir ce dernier s’exposer inutilement à la critique et endosser les mauvaises performances de la «troïka» au pouvoir ou de créer ainsi une confusion dans l’esprit des Tunisiens entre le gouvernement Jebali et le parti de M. Ghannouchi, au moment où des voix s’élèvent pour critiquer le retour de la confusion entre le parti au pouvoir et l’Etat, après la nomination de cadres d’Ennahdha à la tête de plusieurs gouvernorats.

Imed Bahri (avec Tap).