Le réseau indépendant Doustourna part déjà avec un projet de constitution. De quoi avoir des détracteurs, dont certains n’ont que des slogans et de costauds comptes en banque !

Par Thameur Mekki


Vigilance citoyenne, décentralisation et démocratie locale, tels sont les valeurs prônées par Thouraya Sethom dans son allocution d’ouverture de la conférence de presse du réseau des listes électorales indépendantes Doustourna, tenu lundi matin à El Teatro. A l’investiture de cette rencontre avec les médias, la candidate de la liste Doustourna à la circonscription Nabeul 1 a déclaré l’engagement des membres du réseau à n’occuper aucune responsabilité gouvernementale. «Nous sommes tous issus de la société civile. Et nous croyons fermement que notre place est à l’Assemblée pour écrire la constitution et non pas au pouvoir exécutif», a indiqué Mme Sethom.

«Doustourna, c’est la référence !»


Thouraya Sethom

La candidate de Doustourna insiste sur la transparence comme l’une des valeurs fondamentales de ce réseau indépendant. «Doustourna tient absolument à ce que les séances de travail de l’Assemblée constituante soient diffusées intégralement et d’une manière ininterrompue à la télé», lance-t-elle aux journalistes présents au Carré d’Art d’El Teatro. «Nous défendons un référendum d’adoption de la constitution, le 17 décembre 2012, date significative du début de la révolution. Et nous tenons au 14 janvier 2013 comme date de la tenue des élections législatives et présidentielles», révèle Mme Sethom avant de céder la parole à Jawhar Ben Mbarek, professeur de droit constitutionnel et tête de la liste Tunis 2 du même réseau.

Tunis 2, Nabeul 1, Nabeul 2, Bizerte, l’Ariana, Sfax 1, Sfax 2, Béja et France Nord sont les circonscriptions couvertes par les listes électorales de Doustourna. «Il y a plusieurs autres listes indépendantes amies qui n’appartiennent pas à notre réseau mais qui ont adopté le projet de constitution que nous portons», précise M. Ben Mbarek.


jawhar ben mbarek

Après avoir insisté sur l’écart pris par ce collectif de toutes sortes de litiges politiques et son investissement dans l’élaboration d’une nouvelle constitution plutôt qu’une course au pouvoir, M. Ben Mbarek sort l’artillerie lourde. «Il n’y a aucun projet qui pourrait concurrencer Doustourna. C’est la base, l’origine, la référence. Il s’agit simplement du seul et unique projet de constitution. Tous les partis politiques portent des slogans et non pas des projets de constitution. Ils n’ont pas de vision globale et complète», explique-t-il. Avant d’ajouter, sans ironie aucune : «Nous avons déjà gagné. Toutes les forces démocratiques et progressistes en Tunisie se sont inspirées de Doustourna. Et c’est déjà un grand acquis pour nous !».

La Constitution enjeu du contre-pouvoir

Le droit du libre accès à l’information pour tous les Tunisiens est l’un des principaux points pour la consolidation de la citoyenneté active défendue par Jawhar Ben Mbarek lors de cette conférence de presse. De sa part, Jalel Ben Abdallah, tête de liste Doustourna à la circonscription Nabeul 1, a répondu à l’interrogation : «Pourquoi vous présentez-vous en tant qu’indépendants ?», une question qu’on lui pose fréquemment. «Quand il s’agit d’écrire la Constitution, c’est surtout la société civile plutôt que les partis politiques trop impliqués dans les enjeux de la course au pouvoir.

Etre un candidat indépendant, c’est exercer le rôle de la société civile comme contre-pouvoir», explique M. Ben Abdallah.

A ce stade, les différentes têtes de listes du réseau «Doustourna» ont rappelé qu’ils ont commencé à réfléchir et travailler sur un projet de constitution depuis le 20 mars, date de la création de l’association «Le Manifeste». «Nous avons publié un premier draft de notre projet de constitution depuis le 20 juillet sur internet et nous avons commencé à recueillir les réactions d’une manière interactive».

La démocratie 2.0 fait-elle peur ?

«Dans certaines régions, nous sommes la cible de menaces et d’agressions. Nous faisons peurs à nos adversaires. Notre projet est tellement moderne et porteur d’une garantie de la souveraineté du peuple qu’il provoque la psychose de certaines forces politiques», assure le cinéaste et universitaire Jamel Mokni, tête de liste Nabeul 2 de Doustourna. Il poursuit : «Ce n’est pas propre à la Tunisie, le blackout médiatique dont on a souffert : l’expérience nouvelle-zélandaise à l’échelle internationale prouve que la démocratie participative fait peur aux lobbys politiques».

En effet, après quelques concertations sur Facebook et dans des meetings associatifs, Doustourna a publié son projet dans son site web. Les articles de cette constitution peuvent être évalués par les internautes avec des clics sur «J’aime» ou «Je n’aime pas», noté sur une échelle à quatre niveaux ou commentés. «Nous avons voulu le faire depuis des mois mais les différentes agences nous ont donné des tarifs trop lourds. Et donc, un collectif de nos militants s'est réuni et l’a fait. ‘‘Doustourna.org’’ a été mis en ligne aujourd’hui même».

Le proxénétisme politique, la publicité et l’influence des partis sur les médias, autant de facteurs évalués par les journalistes présents comme défavorables à la réussite de Doustourna aux scrutins.

De leur côté, les candidats de ce réseau indépendant ont tous opposé le même argument, imparable : «Nous, nous avons déjà une constitution». Traduire : ils sont prêts pour la bataille… des textes.