Le Mouvement de l’unité populaire (Mup), créé dans les années 1970 mais interdit par Bourguiba et Ben Ali, et son secrétaire général, Ahmed Ben Salah, reprennent du service à la faveur de la révolution du 14-Janvier.


Le père du collectivisme des années 1960, longtemps marginalisé par les pouvoirs successifs en Tunisie, a présidé, samedi, une conférence de presse, à l’espace El Téatro, pour présenter le Mup, son idéologie et son programme.
Le «revenant» a aussi livré son témoignage sur les années 60, durant lesquelles l’ancien président Bourguiba l’a propulsé super-ministre (gérant quatre portefeuilles à la fois: Plan, Finances, Commerce et Industrie), et architecte de la politique collectiviste. Ceux qui attendaient une «mea culpa» ou une simple autocritique en ont eu pour leur frais…

Ahmed Ben Salah persiste et signe  
Il est communément admis que l’expérience «socialiste» de Ben Salah, qui a permis l’émergence de nombre d’activités industrielles et, surtout, du tourisme, a finalement été un échec, notamment dans le domaine agricole, et a été rejetée par la majorité des Tunisiens. Celui que les Tunisiens appelaient «Monsieur Coopératives», qui est loin de partager cet avis, continue de défendre son option socialiste, alors que le pays semble aujourd’hui engagé, de manière radicale et (presque) définitive, dans la privatisation et l’économie de marché.     
Samedi, M. Ben Salah a réaffirmé sa position: en dépit de l’idée négative qu’ont les Tunisiens de sa gestion économique durant les années 1960, le Mup continue de préconiser «le collectivisme scientifique et étudié». Traduire: les options socialisantes de M. Ben Salah étaient la panacée pour le développement économique de la Tunisie, mais elles n’ont pas été correctement mises en œuvre si elles n’ont pas été dénaturées voire sabotées par ses adversaires.
Autant dire donc que le nouveau Ben Salah ressemble à s’y méprendre à l’ancien. Reste à se demander si son option collectiviste a encore une place en Tunisie. L’ancien secrétaire général de l’Union générale tunisien du travail (Ugtt) devenu le bras droit de Bourguiba avant sa disgrâce, n’a aucun doute à ce sujet.

Etat, secteur privé et… collectivisme
Lors de cette conférence, l’ancien leader syndicaliste a affirmé que son  mouvement «continue de croire en l’édification d’une société équilibrée, non gouvernée par le système des classes et fondée sur trois principes essentiels pour un développement équilibré, qui sont l’Etat, le secteur privé et le collectivisme».
Il a ajouté que son mouvement œuvrera pour permettre au peuple d’exercer directement sa souveraineté et à instaurer une société socialiste, où prévalent justice, liberté et progrès, à édifier le Grand Maghreb arabe, prélude à l’unité arabe, et à raffermir les liens de fraternité et de solidarité entre le peuple tunisien et les peuples du monde entier.
M. Ben Salah a, en outre, appelé les cellules de son mouvement dans les régions à mettre sur pied des commissions, chargées de l’économie, du développement, de l’enseignement et de la culture, faisant remarquer que la première des priorités en cette étape est la révision totale du système d’enseignement et le succès du processus politique dans le pays. Il a, dans ce cadre, appelé à investir les fonds saisis au palais du président déchu, à Sidi Dhrif, dans des projets de développement, dans les régions défavorisées, soulignant le besoin en Tunisie de fonds propres et non étrangers pour développer le pays.
Sur le plan politique, le secrétaire général du Mup a critiqué l’émergence d’un grand nombre de partis politiques sur la scène nationale, qui «ne sert pas le processus de transition démocratique», appelant ces mêmes partis à se regrouper en des coalitions. Il a fait part, dans ce contexte, de l’existence de contacts entre son mouvement et d’autres partis afin d’instaurer une coopération mutuelle.
Dans l’attente de l’élaboration d’une nouvelle constitution, il a également proposé la formation d’un parlement provisoire, chargé du suivi de la vie politique, afin qu’il joue le rôle du conseil de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, au sein de laquelle le Mouvement n’est pas représenté. Il a déclaré, à ce sujet: «Puisque le président de la république, le Premier ministre et le gouvernement sont provisoires, alors qu’est-ce qui empêche d’avoir un parlement provisoire, représentatif des régions, qui assurera le suivi des projets urgents de développement et veillera à l’élaboration de la constitution».

Un soutien inattendu aux anciens du Rcd
Evoquant les mesures prises par la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, notamment celles relatives à l’exclusion du Rassemblement constitutionnel démocratique (Rcd) dissous de la participation aux élections de l’assemblée nationale constituante, et à l’institution de la parité dans les listes des candidates à ces élections, l’ancien leader syndicaliste a exprimé son refus de la politique de règlement de compte exercée contre ce parti, en faisant observer que cette question est du ressort exclusif de l’appareil judiciaire.
«S’il le Rcd dissous doit être sanctionné, il suffirait de geler ses activités pour une période bien déterminée et non pas l’exclure carrément du paysage politique, qui est une chose inacceptable», a dit M. Ben Salah.
Il a également émis des réserves sur le principe de la parité, indiquant que son adoption «est en contradiction avec le principe de la liberté individuelle, de même qu’il incite à un conflit entre hommes et femmes, que nous pouvons éviter».

Imed Bahri (avec Tap).