Caid Essebsi reçoit MattarellaLa Tunisie et l’Italie ont signé, hier, à Tunis, un mémorandum d'entente sur la coopération bilatérale pour la période 2014-2016.

L'émigration clandestine et le sort des Tunisiens disparus en Méditerranée ont été au centre d'un entretien, lundi 18 mai 2015, à Tunis, entre le président de la République Béji Caïd Essebsi et son homologue italien Sergio Mattarella.

Lors d'une conférence de presse conjointe, à l'issue de la rencontre, le président italien, qui avait eu des entretiens, auparavant, avec le chef du gouvernement Habib Essid, a souligné que l'objectif de sa visite en Tunisie qui constitue son premier déplacement hors de l'Union européenne (UE) depuis son élection, vient témoigner de l'appui de son pays à la Tunisie et à sa transition démocratique.

Essid accueille Mattarella à Tunis-Carthage

Habib Essid accueille Sergio Mattarella à sa descente d'avion à l'aéroport de Tunis-Carthage.

Le président italien a affirmé que son pays ne ménagera aucun effort pour connaître le sort des Tunisiens disparus en Méditerranée après la vague d'émigration clandestine qui a éclaté au lendemain de la Révolution, en 2011.

Evoquant la question du terrorisme, il a souligné que les deux pays comptent lancer «un pacte de civilisation contre le terrorisme», ajoutant qu'en se rendant au Musée du Bardo pour assister à un concert de musiciens appartenant à l'Orchestre symphonique d'Italie, il veut souligner sa solidarité avec la Tunisie et rendre hommage aux victimes, tombées dans l'attaque terroriste du Bardo, le 18 mars dernier.

Sur un autre plan, Sergio Mattarella considère que la solution à la crise libyenne ne peut qu'être politique et non militaire. L'objectif, a-t-il dit, est de parvenir à un gouvernement d'unité nationale capable d'asseoir les institutions de l'Etat.

M. Mattarella, qui a invité M. Caid Essebsi à se rendre en Italie, a, par ailleurs, exhorté les pays voisins, l'UE, les Nations Unies et le Conseil de sécurité à tout mettre en œuvre pour trouver les outils nécessaires devant permettre aux Libyens de sortir de la crise.

De son côté, M. Caid Essebsi a souligné la solidité des relations unissant les deux pays, saluant la position de l'Italie concernant le dossier des Tunisiens disparus en Méditerranée, appelant les autorités italiennes à ne ménager aucun effort pour rassurer les familles sur le sort de leurs enfants et insistant sur l'intérêt particulier que la Tunisie accorde à cette question humanitaire.

Conférence de presse conjointe Caid Essebsi - Mattarella

Conférence de presse conjointe Caid Essebsi - Mattarella au Palais de Carthage.

Mémorandum d'entente sur la coopération bilatérale

Selon un communiqué officiel tunisien, la visite du président italien en Tunisie marque une étape importante dans les relations tuniso-italiennes dans la mesure où elle va porter sur les moyens permettant de renforcer la coopération bilatérale et le soutien des efforts de développement entamés par Tunisie.

Un mémorandum d'entente sur la coopération bilatérale pour la période 2014-2016 a, d’ailleurs, été signé, à cette occasion, entre les deux pays pour soutenir les efforts de la Tunisie dans ses efforts de développement. Le document, qui a été signé, côté tunisien, par Mohamed Zine Chlaifa, secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, et pour la partie italienne, par le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères Mario Giro, porte sur des engagements financiers de l'Italie vis-à-vis de la Tunisie, estimés à 86 millions d’euros (M€), soit environ 186 millions de dinars (MD), qui se répartissent ainsi :

- conversion d'une partie de la dette de la Tunisie en projets de développement (25 M€, 54,4 MD);

- un crédit pour renforcer le budget de l'Etat (50 M€, 109 MD);

- et un don (11M€, 23,9 MD) qui sera consacré à la réalisation de projets agricoles et à caractère social.

«Cet accord reflète la solidité des relations entre la Tunisie et l'Italie particulièrement en cette conjoncture difficile que travers l'économie tunisienne», a déclaré M. Chlaifa.

Mattarella dpose une gerbe de fleurs à la mémoire des victimes de l'attentat du Bardo

Mattarella dépose une gerbe de fleurs à la mémoire des victimes de l'attentat du Bardo.

Un «Pacte civilisationnel» contre le terrorisme

Dans un discours prononcé, hier, lors d'une séance extraordinaire de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), premier discours d'un président étranger dans l'hémicycle après les dernières élections, M. Mattarella a salué le processus démocratique en Tunisie qui est, a-t-il dit, «une réussite voire un point de référence pour la Méditerranée tout entière».

Tout en louant les efforts déployés par les députés pour parachever le cadre institutionnel en Tunisie, le président italien a ajouté, que la Tunisie est à l'avant garde des pays arabes, notamment à travers l'abolition de l'esclavage dès la 1ère moitié du 19e siècle, la reconnaissance des droits individuels et l'instauration de l'égalité entre les sexes depuis la promulgation de la Constitution de 1959.

Evoquant l'attaque terroriste survenue le 18 mars dernier au Musée du Bardo, qui a fait 22 morts dont 4 touristes italiens, le président italien a estimé que les terroristes avaient visé la démocratie et la culture en allusion au siège du Parlement jouxtant le Musée du Bardo. «L'Italie se tient aux côtés de la Tunisie dans son combat contre le terrorisme», a-t-il assuré, soulignant le besoin pressant aujourd'hui de mettre en œuvre un «Pacte civilisationnel» comme cadre de coopération en matière de lutte contre le terrorisme.

Nous avons besoin aussi, a-t-il ajouté, d'une coalition civile de coopération aux niveaux national et international pour lutter contre le terrorisme et éviter que les jeunes ne tombent dans l'extrémisme.

Par ailleurs, le président italien a indiqué que la situation en Libye «est devenue préoccupante», appelant à un règlement politique de la crise dans ce pays et à la formation d'un gouvernement d'unité nationale.

Une zone de prospérité et de progrès partagés

En ce qui concerne la migration clandestine, il a souligné que la Tunisie et l'Italie traitent cette question de manière concertée et avec un esprit de coopération exemplaire. Toutefois, a-t-il ajouté, la poursuite de l'infiltration de migrants depuis les côtes libyennes constitue désormais une crise humanitaire sans précédent.

Mohamed Ennaceur, président de l’Assemblée, a indiqué, de son côté, que l'Europe, qui édifie au nord de la Méditerranée «une zone de prospérité et de progrès», ne doit pas devenir «une forteresse fermée». S'adressant au président italien, M. Ennaceur a indiqué: «Nous comptons sur vous pour régulariser la situation des migrants tunisiens en Italie restée en suspens et pour fournir des données attendues sur les cas de disparus dont les familles disposent d'informations avérées qu'ils ont atteint le nord du Bassin méditerranéen». La Tunisie, a-t-il ajouté, a besoin du soutien de ses amis en cette étape cruciale pleine de défis dont en premier lieu les défis de développement, de relance du tourisme et de l'investissement dans les régions défavorisées.

La Tunisie compte aussi sur la coopération des pays européens pour récupérer les fonds spoliés détournés à l'étranger, a-t-il dit. Et d'ajouter que l'avenir de la région demeure tributaire d'un développement solidaire fondé sur une stratégie globale tenant compte des dimensions sécuritaire, économique, sociale et culturelle.

I. B. (avec Tap).

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