Chokri Belaid Banniere 4

Pour célébrer le 2e anniversaire de l'assassinat du dirigeant de gauche Chokri Belaïd, Kapitalis publie la traduction de ses dernières interventions médiatiques.

Traduit de l'arabe tunisien par Abdellatif Ben Salem

Interrogé sur Nessma Tv, le mercredi 5 février 2013, sur les circonstances de l'attaque contre le congrès régional du Watad (unifié) au Kef, Chokri Bélaïd répond. Ce seront ses derniers mots. Il sera assassiné moins de 11 heures plus tard devant son domicile:

* * * 

Nessma TV : Peux-tu nous rappeler ce qui s'est réellement passé le samedi 2 février au Kef ?
Chokri Belaid : «Pour résumer, le Watad (unifié) a organisé un grand meeting populaire au Kef à l'occasion de la tenue du congrès régional du parti. Couverte par de nombreux médias écrits et audiovisuels, cette assemblée a connu une forte affluence. Toutes les composantes de la société civile au Kef avaient pris la parole. Moi-même, je suis longuement intervenu pour clôturer la manifestation. C'est au moment ou j'allais commencer à adresser les salutations, qu'une bande de nervis a fait irruption dans la salle et s'est mise à brutaliser l'assistance.

D'une façon générale nous ne nous attendions pas à une telle audace de leur part, d'autant dans une ville comme le Kef. Les jeunes du parti s'y sont frottés et ont réussi à les repousser dehors. Les forces de l'ordre présentes se sont abstenues d'intervenir. Une fois à l'extérieur, ces nervis se sont mis à nous caillasser au point que la façade de la maison de la culture fut entièrement dévastée. Nos jeunes ont tenté d'en interpeller quelques uns pour les livrer aux forces de l'ordre. Des camarades ont été blessés par le jet des pierres. C'est quand ces bandes se sont dispersées que la police a enfin décidé d'agir.

En réalité on n'a pas pris ces choses très au sérieux, pourtant, la veille, quelques éléments appartenant à al-Nahda ont contactés certains de nos militants et militantes pour les prévenir qu'ils ne nous laisserons pas tenir notre assemblée. Pourtant le meeting a eu bien lieu et ses travaux se sont déroulés normalement.

Enterrement de Chokri Belaid

Enterrement de Chokri Belaïd dans le carré des martyrs au cimetière du Jellaz.

C'est au cours de ce même samedi que le siège de Radio Oasis Fm où maître Ahmed Néjib Chebbi s'apprêtait à donner une interview, a été encerclé. La veille, vendredi, il y au eu l'attaque du meeting d'al-Joumhouri où intervenait madame Maya Jribi. Le samedi, la tentative d'incendier le siège de Nidaa Tounes dans le quartier du Berges du Lac. dimanche, une deuxième tentative d'incendier le siège du même parti ainsi que l'attaque contre le siège de l'Union nationale de la femme tunisienne (UNFT).

Chokri Bélaïd, on a l'impression que parfois les choses se tassent pendant une semaine, où on n'enregistre aucun acte de violence ni aucune attaque contre des meetings, puis d'un tout d'un coup les choses se gâtent la semaine d'après?

«En effet, l'accalmie peut parfois durer un mois voire plus, où on ne relève aucun incident, aucun acte de violence, aucun mouvement de milices. C'est là effectivement où réside le danger. Nous avons signalé à maintes reprises qu'il ne s'agit nullement d'actes isolés perpétrés par des groupuscules incontrôlés, mais que nous avons affaire à une véritable planification centralisé à l'échelle des différents gouvernorats, ciblant des forces politique et c'est ce qui explique la recrudescence des actions violentes au cours de cette semaine.

Enterrement de Chokri Belaid Sa fille fait le signe de la victoire

A l'enterrement de son père, la fille ainée de Chokri Belaid fait le signe de la victoire et porte un tee-shirt sur lequel elle s'interroge: "Qui a tué mon père?". Deux ans après, le mystère entourant cet assassinat est entier. 

Chokri Bélaïd as-tu lu la dernière déclaration du Majliss al-Choura du mouvement islamiste ?

«Il s'agit d'un communiqué clair, édifiant, où le Majliss revendique les actes de ces bandes criminelles qui ont lynché à mort monsieur Lotfi Nagdh.

Au moment où ces individus sont perçus comme des bandes criminelles par l'ensemble des Tunisiens, y compris par Rached Ghannouchi, qui a même tenté, nous le savions, de présenter ses condoléances à la famille Nagdh qui les lui a refusées. Comment expliquer que ces mêmes assassins deviennent soudain aux yeux des islamistes des victimes. C'est scandaleux!

Premièrement, cela signifie donner le feu vert à la poursuite de ces attaques, deuxièmement ces actes ont un lien avec la crise et les difficultés que traverse le gouvernement, d'où il se déduit que toutes les fois que ce dernier s'apprête à prendre des mesures impopulaires telles que l'augmentation des prix, ou que le mouvement al-Nahda est secoué par des crises internes comme on peut le constater en ce moment même ou l'affrontement en son sein atteint son comble, et où des factions s'affrontent et s'opposent au vu et au su de tous, les islamistes font appel à la violence. Quoi qu'il en soit la question est de savoir qui se cache derrière cette violence? A mon avis, il existe un segment déterminé au sein d'al-Nahda qui pousse vers l'usage de la violence...»

 

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Hommage à Chokri Belaïd: Les dernières paroles d'un juste (1 sur 3)

Hommage à Chokri Belaïd: Les dernières paroles d'un juste (2 sur 3)

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