ounaies alliot marie
En couvrant d’éloge son homologue française Michèle Alliot-Marie, lors du point de presse, vendredi, au Quai d’Orsay, le nouveau ministre des Affaires étrangères, Ahmed Abderraouf Ounaies, a réussi à... nous énerver.
Ridha Kéfi


La diplomatie, on le sait, a ses lois, mais tout de même! Passer ainsi l’éponge, et avec une telle légèreté, sur les positions du gouvernement français, et de Mme Alliot-Marie particulièrement, favorables à l’ancien dictateur jusqu’au dernier jour de son règne, dénote une certaine irresponsabilité de la part d’un responsable d’un gouvernement issu d’une révolution populaire.
Libre à M. Ounaies, qui parlait à l’issue de sa première rencontre à Paris avec son homologue française, de goûter, jusqu’à la délectation, sa brusque promotion – il n’osait même pas en rêver il y a encore quelques semaines –, mais de là à oublier, avec une telle désinvolture, le sang des martyrs de la révolution qui l’a porté à son poste actuel, il y a un pas qu’il aurait été dû éviter de faire.

"Majnoun" Alliot-Marie
«Parler à côté de Michèle Alliot-Marie, c’est pour moi un honneur, c’était peut-être un petit rêve que je faisais, et que l’histoire ou l’accélération de l’histoire m’a permis de réaliser», a dit M. Ounaies en introduction de son intervention. Et de s’emballer: «J’aime écouter Michèle Alliot-Marie en toutes circonstances et dans toutes les tribunes»...
Non content de réserver sa première visite à l’étranger dans son nouveau poste à la France, alors que les Tunisiens (et pas seulement) continuent de critiquer ce pays pour sa réaction tardive et timide lors de la révolution tunisienne, M. Ounaies pousse l’outrecuidance jusqu’à lancer à Mme Alliot-Marie, tel un amoureux transi: «Je sais que vous êtes avant tout une amie de la Tunisie, parce que la France est l’amie de la démocratie, la France est l’amie des libertés, et donc Michèle Alliot-Marie, au nom de la France, est l’amie de la Tunisie d’aujourd'hui, qui aspire à enraciner la démocratie dans ses institutions.»
Emporté par son élan, le ministre tunisien a tenu à mettre l’accent sur tout «le réconfort» que la Tunisie a trouvé «chez ses amis français», «dès l'amorce de son nouvel engagement, et d’abord chez Michèle Alliot-Marie». Il a profité aussi de l’occasion pour remercier la France d’«avoir offert un refuge et une protection aux militants de la démocratie à qui les portes de la Tunisie étaient fermées».
Non, monsieur Ounaies, ce n’est pas en étrennant votre nouveau poste avec ces courbettes vaguement diplomatiques que vous allez mériter la confiance de vos compatriotes.
Un peu de décence, un peu de fierté ! Soyez à la hauteur de l’honneur retrouvé des Tunisiens.