Samir-Ettaieb-Banniere

Le dirigeant d'Al-Massar tente de trouver des explications à son échec et celui de son parti aux législatives du 26 octobre 2014... Mais sans vraiment convaincre.

Par Marwan Chahla

M. Ettaïeb a trop simplifié le concours de circonstances qui privera, désormais, l'hémicycle du Palais du Bardo de sa verve, de sa sincérité, de ses coups de gueule et de son idéalisme auxquels une certaine opinion publique tunisienne s'est habituée.

En effet, le scrutin du 26 octobre 2014 a tourné, de manière décisive, une page de l'ère postrévolutionnaire. Le nouveau chapitre de ce qui se fera en Tunisie (ou ne se fera pas) s'écrira avec d'autres acteurs, d'autres styles, d'autres projets politiques et dans un contexte où Samir Ettaïeb et d'autres femmes et hommes de sa «race» n'auront pas de place. Ainsi, en ont décidé les électeurs.

Le «vote utile» à la place du «vote intelligent»

M. Ettaïeb en veut à mort au «vote utile» et aurait souhaité que les citoyens tunisiens aient choisi plutôt un «vote intelligent», oubliant très certainement les dégâts causés par la dispersion des voies modernistes, progressistes et laïques, lors de l'élection de l'Assemblée constituante.

Le vote utile auquel Nida Tounes a fait appel tout le long de sa campagne était un rappel à l'ordre, celui de l'impérative défaite d'Ennahdha. Le résultat lui a donné raison.

Il y avait donc, dans ce jeu-là, des risques à prendre –ou à ne pas prendre– et Al-Massar a foncé tête baissée... ignorant l'utilité du vote utile...

Il y avait également les égos surdimensionnés des uns et des autres qui ont brouillé les cartes, opacifié les lignes directrices des campagnes et rendu indiscernables les discours. Tout simplement et tout directement, Nida Tounes a utilisé «le monstre nahdhaoui» pour réaliser le score qu'il a réalisé. Certes, les Nidaïstes disposaient d'un autre atout majeur, dans ce jeu: Béji Caïd Essebsi, fédérateur, charismatique et au discours fluide et rassurant de «père protecteur», comme pourrait le décrire la sociologie de la communication.

A gauche, chez les Samir Ettaïeb et autres membres de notre «élite» qui s'essaient à la politique, il y a eu plutôt confusion et naïveté. Les changements de noms d'El-Massar et les nombreuses hésitations de ses dirigeants à arrêter, une bonne fois pour toutes, deux ou trois thèmes pour leur campagne ont eu les conséquences fatales que l'on connait. Plus rien ne les sauvera... pas même les nombreux mea culpa de M. Ettaïeb, vendredi 31 octobre 2014, sur la chaîne El-Hiwar Ettounsi.

La gauche doit faire sa révolution

Tout, chez «notre chère gauche», est à revoir, et il n'y a pas que la stratégie électorale. Il lui faut une refonte totale, une refondation radicale. Il lui faut, par exemple, accepter que la politique, aujourd'hui en Tunisie comme partout ailleurs, ne se fait plus avec de bons sentiments ou de grandes analyses. Le citoyen tunisien étant ce qu'il est et la maturité politique de l'électeur tunisien moyen étant ce qu'elle est, ceux d'entre nos concitoyens qui souhaitent retrousser leurs manches et jouer le jeu politique devront laisser aux vestiaires leur candeur et devenir calculateurs – et moins, nettement moins, idéologiques et théoriciens que M. Ettaïeb.

Al-Massar et l'Union pour la Tunisie (UpT) ont eu beau préparé «un très bon programme électoral», mais l'écrasante majorité des Tunisiens n'ont certainement pas lu cette excellence construction de l'esprit.

Al-Massar et l'UpT devront apprendre qu'il y a et qu'il y aura toujours de l'argent sale dans toutes les élections – chez nous, comme partout ailleurs – et qu'ils devront lui trouver la bonne parade légale.

Essentiellement, Al-Massar, l'UpT et toute la gauche confondue devront quelque peu se débarrasser de leur ringardise. Le pragmatisme, la réal-politique politicienne et la mondialisation sont de nouvelles règles qui déterminent la réussite ou l'échec d'un parti politique... Mais il y a une autre règle d'or: se rapprocher des petites gens, de leurs soucis, de leurs aspirations. Et aller au contact physique. Cela, Bourguiba l'avait compris depuis les années 1930...

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