Marzouki-Ben-Ali-Banniere

Pour Moncef Marzouki, le Xe recensement général de la population et de l’habitat va révéler les vérités longtemps cachées par l’ancien régime. Il risque d'être très déçu...

Par Zohra Abid

Plus de 3 ans après la chute de l’ancien régime, celui qui occupe le Palais de Carthage depuis plus de 2 ans, le président provisoire de la république Moncef Marzouki continue de se comporter comme un opposant à Ben Ali. Et de manière si pitoyablement maladroite qu’il en devient risible.

Après avoir reçu, hier, à Carthage, l’un des 18.500 agents qui vont être sillonner le pays, pendant un mois, pour collecter des informations diverses sur le vécu des citoyens, M. Marzouki a posté, aujourd’hui, une vidéo sur sa page Facebook officielle, où il appelle les Tunisiens à répondre aux questions des agents «honnêtes», comme si leurs prédécesseurs, qui avaient effectué le recensement de 2004, ne l’étaient pas tout-à-fait! Les employés de l'Institut national de la statistique (INS) apprécieront!

«Il est temps et important, pour vous citoyens et pour nous décideurs, de connaître l’héritage lamentable que nous a légué l’ancien régime, le nombre exact de la population et des familles, le nombre des pauvres et des chômeurs..., ce qui va nous permettre de bâtir le pays sur des bases solides», a-t-il déclaré, comme s’il se destine à rester encore une éternité au Palais de Carthage.

Et en Don Quichotte poursuivant aveuglément sa guéguerre contre des moulins à vents, Moncef Marzouki a cru devoir puiser dans son expérience professionnelle antérieure des arguments pour enfoncer encore davantage l’ancien régime, un bien commode punching ball, mais pour combien de temps encore?

«Je me souviens, il y a 20 ans, lorsque j’étais professeur à la faculté de médecine de Sousse, j’ai voulu avoir une idée sur le nombre d’enfants qui décèdent avant d’atteindre un an», a raconté M. Marzouki. Et d’ajouter avec l’air de celui à qui on ne la fait pas: «Selon le ministère de la Santé, le nombre était de 40.000 décès. J’ai eu tout de suite des doutes et, avec l’aide d’un collègue, j’ai mené ma propre enquête pour découvrir que le nombre était bien supérieur et que tous les chiffres dans tous les domaines étaient faux», a-t-il raconté.

En d’autres termes: l’ancien régime trompaient les Tunisiens avec des statistiques inexactes ou manipulées. Ce qui n’est pas totalement faux. Ni totalement vrai d’ailleurs. Et pour cause: l’INS, qui produisait les chiffres, faisait plus ou moins honnêtement son travail. Les chiffres n’étaient pas faux, mais c’est leur interprétation politique qui permettait au régime d’exagérer ses réalisations. Ou de passer sous silence ses échecs.

Les statistiques n’y étaient donc pour rien... Mais cela, M. Marzouki est incapable de le comprendre et, encore moins de l’admettre.

Reste une chose: les chiffres que va produire le nouveau recensement ne vont pas manquer de démontrer que les Tunisiens vivent plus mal aujourd’hui qu’il ne vivaient, hier, sous Ben Ali, que leur situation économique et sociale s’est beaucoup détériorée depuis 2011 et qu’ils sont désormais engagés dans un processus de paupérisation avancée.

Ces «vérités», M. Marzouki devrait se préparer à y faire face au lieu de pérorer et de faire le coq. Et elles seront d’autant plus douloureuses pour lui qu’elles prouveront, chiffres à l’appui, que, finalement, l’arrivée de Marzouki au Palais de Carthage n’a pas apporté la prospérité aux Tunisiens, mais qu’elle est la principale cause de leur descente dans l’enfer de la crise. 

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