Ouerfelli-Jomaa-Ben-HammoudaMehdi Jomaa devrait savoir à quoi s’en tenir: certaines parties, qui usent et abusent du populisme, l’attendront à tous les tournants…

Dire que Mehdi Jomaa est excédé serait trahir le fond de sa pensée et l’étendue de sa frustration. L’homme du sauvetage, visiblement très irrité par cette accusation de tentative de normalisation des relations avec Israël, n’en pourrait plus. Il serait même sur le point de rendre le tablier et de plier bagages.

Que deux de ses ministres technocrates, Amel Karboul (Tourisme) et Ridha Sfar (Sûreté nationale), soient «convoqués» devant les constituants pour s’expliquer sur l’entrée en Tunisie d’une soixantaine d’Israéliens pourrait être la goutte qui ferait déborder le vase de sa patience.

«Laissons de côté, s’il vous plaît, toutes ces histoires, ces prétendues grandes causes», a-t-il répliqué hier, en marge de la préparation de la conférence économique nationale.

Pour ceux qui souhaitent pêcher en eau trouble, Mehdi Jomaa a rappelé que son équipe a pour mission de sauver la saison touristique et la réussite du pèlerinage juif d’El-Ghriba, à Djerba, fait partie de ce contrat.

Gouvernement

Mehdi Jomaa présidant, mardi, la réunion de préparation de la conférence économique nationale.

«De l’avis de tous les professionnels du secteur que nous avons consultés, la réussite du pèlerinage d’El-Ghriba est un indice qui ne trompe pas sur la bonne marche d’une saison touristique», a-t-il expliqué. «Que des membres de l’Assemblée nationale constituante (ANC) veuillent rencontrer la ministre du Tourisme et le ministre délégué chargé de la Sûreté nationale, nous l’acceptons très volontiers. Tout simplement, nous souhaitons que pareille rencontre soit constructive. Nous aimerions être franc là-dessus: l’on nous parle çà et là de ‘‘normalisation’’ (des relations avec Israël, NDLR)… De grâce, laissons de côté toutes ‘‘ces grandes causes’’», a-t-il ajouté, cachant très mal son agacement.

«Le rendez-vous du pèlerinage d’El-Ghriba, de l’avis de tous les professionnels du secteur touristique que nous avons rencontrés, reste l’indicateur le plus fiable de la réussite ou non d’une saison touristique», a-t-il encore expliqué. «Ceci est une tradition, dans notre pays, sur laquelle, et de tout temps, les gouvernements tunisiens successifs ont tablé. Tout simplement, ce que tous ces gouvernements ont fait, nous entreprenons de le faire, aujourd’hui, dans le cadre de la transparence la plus totale», a-t-il insisté.

Selon toute vraisemblance, le Premier ministre provisoire aura le plus grand mal à convaincre les 87 constituants qui ont signé une pétition dans laquelle ils réclament que Mme Karboul et M. Sfar viennent s’expliquer sur cette affaire de la soixantaine d’Israéliens qui auraient obtenu l’autorisation d’entrée en Tunisie.

L’un de ces membres de l’ANC qui exigent des explications, Mohamed Hamdi, le secrétaire général de l’Alliance démocratique, s’est montré très direct dans ses reproches. Au micro du journal du soir de Nessma TV, il a rappelé que «le pèlerinage d’El-Ghriba en lui-même ne pose aucun problème. Par contre, il y a un problème politique: celui d’Israël. La Tunisie, en tant que membre de la Ligue des Etats arabes, a des engagements qu’elle doit respecter. Il ne faut pas oublier que notre pays a ratifié des résolutions de la Ligue arabe. Par conséquent, la Tunisie est toujours en guerre contre Israël. Il ne faut donc pas que ce pèlerinage d’El-Ghriba se transforme en excuse pour une normalisation des relations avec l’entité sioniste».

M. Hamdi a ajouté une note très menaçante à son explication: «Ceci est une position populaire et j’estime qu’elle est également officielle».

Le message est donc clair et Mehdi Jomaa devrait savoir à quoi s’en tenir: certaines parties, qui usent et abusent du populisme, l’attendront à tous les tournants…

Marwan Chahla

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