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Les prochaines élections vont-elles se tenir sous l'influence d'un esprit d'exclusion ou de punition en masse, au prétexte d'«immunisation de la révolution».

Par Moncef Dhambri

Loin des lumières de l'actualité, de l'intérêt des médias et, très certainement aussi, de l'attention de l'opinion publique, le dossier constitutionnel de la feuille de route semble suivre son cours et occuper amplement nos représentants à l'Assemblée nationale constituante (ANC).

Nos constituants travaillent, nous disent-ils, d'arrache-pied à confectionner le dispositif légal et institutionnel qui encadrera les prochaines échéances électorales et assurera leur succès. Les enjeux politiques et personnels sont, de toute évidence, de taille. Il y va de l'avancement du Dialogue national, de l'avenir de bon nombre de formations politiques et des égos surdimensionnés de certains membres de l'ANC.

Nervosités au Palais du Bardo

Jouant, depuis plus d'une année et demie, les prolongations coûteuses, les représentants du peuple planchent, ces jours-ci, sur la touche finale à apporter à la nouvelle loi électorale, un texte très complexe où chaque article, chaque alinéa, chaque paragraphe et chacune de ses phrases comportent des implications décisives.

En outre, l'organisation de notre système électoral, le choix des mécanismes électoraux et l'esprit qui devra régir nos premières élections générales libres peuvent déterminer l'issue des prochains scrutins et ceux qui s'organiseront à l'avenir.

L'on peut, donc, imaginer la fébrilité, la susceptibilité, l'appréhension et même la panique qui ont élu domicile au Palais du Bardo.

Toutes ces nervosités à fleur de peau auxquelles cèdent la majorité de nos représentants traduisent indéniablement leur manque de confiance quant à leurs chances de pouvoir retrouver leurs sièges dans ce qui ne sera plus l'ANC, mais un parlement... en bonne et due forme.

De loin, de très loin, l'idée de «la protection (l'immunisation) de la Révolution» focalise tous les intérêts et semble avoir le plus grand mal à recueillir le consensus nécessaire à son passage. Son adoption, selon le souhait de certains constituants, fermera, une bonne fois pour toutes, l'accès des ex-dirigeants du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, ancien parti au pouvoir dissous) au prochain parlement et leur retour au pouvoir «par la fenêtre». Toute une révolution, pour çà. Trois longues années pour qu'en définitive l'ancien régime, sous une peau neuve, reprenne les choses là où il les a laissées. «Pourquoi, dans ce cas-là, ne pas présenter ses excuses à Ben Ali et lui demander tout simplement de revenir?»

Sur ce terrain, étrangement, Ennahdha et Nida Tounes, les formations créditées par les sondages des rôles premiers dans les prochaines élections, se trouvent dans le même camp.

A mots à peine couverts, Ameur Laârayedh, chef de file des Nahdhaouis à l'ANC, menace ceux qui souhaitent l'insertion de cet article anti-Rcdistes et bloquent l'adoption de la loi électorale, et les accuse de mener le pays tout droit vers la crise politique et économique.

«Si l'on n'active pas cette adoption (de la nouvelle loi électorale, NDLR) et si l'on ne fixe pas, dans les plus brefs délais, une date pour la tenue des prochaines élections, nous nous (tous les constituants, NDLR) trouverons dans la position de premiers transgresseurs de la Constitution (...) Il y a un manque de conscience, de la part de certains de nos collègues, de la gravité de la situation dans notre pays et les défis politiques et économiques auxquels la Tunisie est confrontée. Je vous invite tous à adopter cette loi, le plus vite possible», dit-il.

Seules voies acceptables: la justice ou les urnes

Khemaïes Ksila, député et porte-parole de Nida Tounes, principal parti d'opposition à Ennahdha, abonde dans la même direction: «La nouvelle loi électorale devra garantir la stabilité du pays, au lendemain des prochaines élections. Et ceux qui entendent inclure une clause d'exclusion dans le prochain code électoral seront les premiers responsables de l'échec du scrutin», dit-il. Il ajoute: «Ce n'est pas une menace, c'est un appel à la raison: les prochaines élections ne devront jamais se tenir sous l'influence d'un esprit d'exclusion ou de punition en masse. Il n'y a que deux voies possibles et acceptables: la justice ou le verdict des urnes».

Le pays, pendant trois longues années, a subi les pires déchirures, les pires divisions... Dans cette ligne droite, courte et longue à la fois, supporterait-il encore d'autres tiraillements? Surtout lorsque ces «questionnements» cachent des visées populistes et électoralistes de parties qui ont démontré les limites de leurs théories, de leurs programmes et des compétences de leurs dirigeants.

Parce que leur faillite politique (et autres) est totale, certaines formations ne craignent pas de traîner tout le pays avec elles dans ce qui risque d'être une perte totale.