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L'ancien ministre de la Défense catégoriquement démenti les propos du porte-parole de la présidence provisoire de la république à propos d'un soi-disant putsch contre Moncef Marzouki, née de son imagination.

Par Marwan Chahla

 

Dans la journée d'hier, les déclarations de Adnene Mansar sur «un putsch politico-militaro-sécuritaire déjoué par la présidence provisoire de la République» ont été catégoriquement démenties par Moktar Ben Nasr et Abdelkrim Zbidi, anciens porte-parole du ministère de la Défense et ministre de la Défense.

Dimanche, sur Ettounsia TV, le responsable de la communication du Palais de Carthage a déclaré qu'au lendemain de l'assassinat du martyr Chokri Belaïd, le ministre de la Défense se serait rendu coupable de deux fautes graves: il aurait déclaré que l'armée n'a pas à recevoir d'ordres de quiconque, par allusion au président provisoire de la république Moncef Marzouki, et il aurait mis un hélicoptère de l'Armée nationale à la disposition de Nessma TV pour couvrir les funérailles du dirigeant de gauche assassiné et filmer des scènes de violence, de pillage et de saccage aux abords du cimetière d'El-Jellaz. Il y aurait eu, également, une tentative de coup d'Etat politico-militaro-sécuritaire, a encore précisé M. Mansar, tout en écartant que M. Zbidi ait pu y être associé.

Les nombreux manquements de Abdelkrim Zbidi lui ont d'ailleurs coûté la présidence du gouvernement, a ajouté Adnene Mansar.

L'effet d'une bombe

Ces déclarations du porte-parole du président provisoire de la république, faites dimanche sur Ettounsia TV, ont eu l'effet d'une bombe: notre Armée ne serait donc pas aussi républicaine que l'on pouvait croire et notre pays aurait échappé de très peu aux pires dangers, ceux d'une guerre civile et d'un bain de sang. Nous tombons de très haut, nous qui tirons «fierté» que notre 14 janvier 2011 nous ait coûté un nombre de victimes très inférieur à ceux de nos autres frères du Printemps arabe. Nous aurions aujourd'hui toutes les raisons du monde de perdre confiance et de prendre peur.

Pareilles accusations d'«insubordination» ne pouvaient que susciter la réaction de M. Zbidi et lui ont dicté de rompre le silence pour se défendre et présenter sa version des faits.

Sur cette question de l'organisation des funérailles de Chokri Belaïd, l'ancien ministre de la Défense a expliqué, sur Nessma TV, que toute cette cérémonie a été menée en étroite et directe coordination avec le président provisoire de la république lui-même. «L'idée était venue suite à une conversation téléphonique, le 7 février (2013, au lendemain de l'assassinat de Chokri Belaïd, NDLR), avec M. Chawki Tabib (l'ancien bâtonnier de l'Ordre national des avocats, NDLR) qui m'a demandé s'il était possible pour l'Armée nationale d'assurer des obsèques militaires pour le défunt. J'ai alors pris l'initiative d'en informer le président Moncef Marzouki. Et la réponse de ce dernier a été claire: ''Bien sûr, il faut tout faire'' (...) Tout cela donc s'est déroulé de bout en bout en parfaite coordination avec la présidence de la république», a déclaré M. Zbidi, insistant aussi qu'il n'y a eu dans cette cérémonie funéraire ni ordre présidentiel, ni autre initiative ou directive du Palais de Carthage. «Il n'est donc permis à personne de tenter de tirer avantage politique du travail accompli par l'Armée», a averti l'ancien ministre de la Défense.

M. Zbidi a également balayé d'un revers de main l'accusation d'insubordination: «A la fin du mandat du gouvernement de Béji Caïd Essebsi, j'aurais pu partir. J'allais quitter. Mais plusieurs parties – et Moncef Marzouki, en particulier – ont insisté pour que je reste à la tête du ministère de la Défense. Comment peut-on demander à une personne avec laquelle on ne s'entend pas de rester (au gouvernement, NDLR)?», s'interroge-t-il. «A plusieurs reprises, j'ai voulu m'en aller et c'est lui qui, à chaque fois, a insisté pour que je reste. Je n'avais donc aucun problème personnel avec M. Marzouki», a-t-il également lancé.

Des déclarations dangereuses

M. Zbidi a également rejeté l'idée selon laquelle la chaîne privée Nessma TV aurait bénéficié d'un traitement de faveur de la part du ministère de la Défense en ayant été choisie pour filmer, à bord d'un hélicoptère de l'Armée nationale, les funérailles de Chokri Belaïd: les images de la cérémonie funéraire de Jbel Jloud à El-Jellaz sont l'œuvre d'une équipe de tournage du Service Information et Documentation de l'Armé nationale, «et les télévisions (Nessma TV, Hannibal TV et Watania 1, NDLR) qui ont exprimé le souhait d'obtenir ces images les ont eues», a rappelé l'ancien ministre de la Défense.

Par contre, seule Nessma TV a demandé et obtenu la permission d'installer des caméras sur le toit de l'Hôpital militaire de Bab Alioua, qui jouxte El-Jellaz, pour pouvoir filmer l'arrivée de la procession funéraire et l'entrée du cimetière. «C'est ainsi que Nessma TV a eu l'exclusivité de filmer les scènes de pillage et de violence, sur le parking d'El-Jellaz et tout à l'entour», a rappelé M. Zbidi, qui s'est dégagé de toute responsabilité dans ce tournage de Nessma, expliquant que «le ministère n'a rien à voir avec ces images qui auraient pu, selon certains (Adnene Mansar, par exemple, NDLR), pousser à encore plus de désordre, à la réaction violente et au soulèvement».

M. Zbidi ne s'est pas senti concerné par «la tentative de putsch politico-militaro-sécuritaire» que Adnene Mansar a évoquée, lors de l'émission ''Pour qui ose seulement'' de Samir El-Wafi, «mais, en tant citoyen tunisien, des déclarations de ce genre sont dangereuses et font peur», a-t-il reconnu.

Voilà, donc, où en sont aujourd'hui la Tunisie et son 14 janvier: le destin de notre pays, par le malheureux hasard du 23 octobre 2011 qui a accordé à Moncef Marzouki les bulletins de vote de 7.000 électeurs et donné le pouvoir aux islamistes, ouvrant ainsi les portes du Palais de Carthage au chef du Congrès pour la république (CpR), se trouve entre les mains d'un président provisoire de la république obsédé du pouvoir et d'une équipe de conseillers incompétents, dangereux et paranoïaques.

L'homme, auquel l'Histoire a donné plus que ce dont il a le plus follement rêvé, a goûté au pouvoir (?), en est devenu un addict invétéré et semble plus que déterminé à le garder coûte-que-coûte. Cette histoire de putsch déjoué ferait, donc, partie de cette logique de la conservation du pouvoir. Que la Tunisie en paie le prix le plus cher, cela ne le dérangerait pas.

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