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Le futur chef de gouvernement, Mehdi Jomaâ, sera-t-il capable de faire abstraction de la campagne orchestrée contre la nomination de René Trabelsi au ministère du Tourisme et montrer ainsi, véritablement, son indépendance?

Par Marwan Chahla

Depuis trois ans, les Tunisiens font l'Histoire et la Tunisie n'a pas fini d'occuper le devant de la scène internationale et la une des médias étrangers. L'attention du monde entier demeure braquée, sans discontinuer, sur nos moindres faits et gestes. Les observateurs étrangers n'ont eu cesse de scruter et d'analyser les développements en Tunisie.

Bien évidemment, ce qui se passe dans notre pays détermine, en premier lieu, le sort des 11 millions de Tunisiens. Il n'y a pas que cela: les choix que nous faisons impactent la région et les changements qui sont en cours en Tunisie, et ceux à venir, se répercuteront à travers une bonne partie du monde. La région nord-africaine, le Moyen-Orient, le monde arabo-musulman, pour commencer...

«Le succès tunisien et l'échec égyptien»

La semaine écoulée, le quotidien israélien ''Haaretz'' a consacré un long article, intitulé «Le succès tunisien et l'échec égyptien», dans lequel il compare ces deux révolutions arabes et s'attarde surtout sur la probable nomination (désormais écartée), dans le gouvernement de Mehdi Jomaâ, du Tunisien de confession juive, René Trabelsi, célèbre voyagiste, au poste de ministre du Tourisme.

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René et son père Perez Trabelsi, président de la communauté juive de Djerba.

''Haaretz'' rappelle que, dans le cas où la rumeur de cette désignation de notre concitoyen d'obédience juive se confirmait, M. Trabelsi serait le deuxième Tunisien de confession juive à occuper une fonction ministérielle dans notre pays depuis la nomination d'André Baruch, au lendemain de l'Indépendance tunisienne. Pour l'auteur de l'article, Zvi Bar'el, «c'est la centralité de la question religieuse» qui rend cette possible nomination de M. Trabelsi très exceptionnelle.

De fait, depuis le 23 octobre 2011, les questions de l'islam en Tunisie et l'appartenance identitaire de notre peuple ont occupé amplement les débats publics et privés. Ces thèmes ont sans doute été plus débattus que d'autres problèmes plus urgents et plus cruciaux, comme ceux de nos choix socio-économiques et politiques qui ne peuvent attendre.

Que, à l'occasion de la formation d'une nouvelle équipe gouvernementale qui remplacera dans quelques jours la Troïka-2, ''Haaretz'' s'interroge sur les intentions de M. Mehdi Jomaâ et qu'il suive de très près les nominations que celui-ci fera importe peu pour nous. Par contre, il est fort intéressant de savoir si le successeur d'Ali Larayedh va vraiment opter pour le critère de la compétence en choisissant ses co-équipiers, en d'autres termes, s'il va avoir le courage de ses convictions de technocrate.

L'homme qu'il faut pour le tourisme tunisien

Si, dans la conjoncture actuelle, René Trabelsi est l'homme qu'il faut pour le tourisme tunisien, M. Jomaâ ne devrait pas se passer de ses services: jusqu'à preuve du contraire, le secteur touristique est vital à notre économie et à notre croissance.

Dans des circonstances normales, la nomination de M. Trabelsi n'aurait peut-être pas suscité de polémique ou posé de problème à n'importe quel chef de gouvernement: un portefeuille ministériel s'accorde à la personne jugée capable de s'acquitter de sa mission comme il se doit. Ni plus ni moins...

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Habib Bourguiba en discussion avec André Baruch, ministre dans son 1er gouvernement.

Sous d'autres cieux, des peuples ont surmonté comme ils ont pu d'infranchissables obstacles culturels, spirituels et ethniques pour donner raison aux compétences et aux mérites de leurs enfants. A titre d'exemple, le peuple américain a élu, en 1961, un président catholique, John F. Kennedy, dans un pays majoritairement protestant. Les mêmes Américains ont confié les clés de la Maison Blanche à Barack Hussein Obama, un Afro-américain dont le père est musulman, pour deux mandats présidentiels.

John Kennedy et Barack Obama, l'un et l'autre appartenant à une minorité, ont démontré qu'ils ont été dignes de la confiance placée en eux par la majorité de leurs concitoyens.

Plus proches de chez nous, les Français font ce qu'ils peuvent pour tourner certaines pages douloureuses de leur Histoire. En France, depuis très longtemps déjà, les origines des ministres et des hommes d'Etat ne comptent plus...

En principe, un chef de gouvernement indépendant, comme M. Mehdi Jomaâ, devrait être capable de faire abstraction de ce qui se passe autour de lui et de choisir une équipe de gagnants.