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Après les révélations de Taïeb Laaguili et Nizar Senoussi à propos des complicités dans l'assassinat de Belaid et Brahmi, des manifestants se rassemblent à Tunis pour crier leur colère et exiger la vérité sur ce double meurtre non élucidé.

Par Yüsra N. M'hiri

11 heures : Début de la conférence de presse de Taieb Laguili et Me Nizar Senoussi, membres de l'Initiative pour la recherche de la vérité sur l'assassinat de Chokri Belaid (IRVA). La salle est pleine. Pas assez de places pour tout le monde. Certains sont restés debout, d'autres accroupis ou encore assis à même le sol.

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La salle est pleine. Pas assez de places pour tout le monde.

L'événement rassemble, dans une même besoin de vérité, les familles des martyrs, journalistes, avocats, députés dissidents, leaders du Front du salut National (FSN), qui réunit la plupart des partis d'opposition exigeant la démission du gouvernement Larayedh, et des militants de la société civile. Tous attendent des révélations importantes. Ils ne seront pas déçus.

Un vrai cauchemar

Après une minute de silence à la mémoire de tous les martyrs, Taïeb Laaguili et Nizar Senoussi commencent à déballer le linge salle de l'institution sécuritaire et du parti islamiste Ennahdha, et leurs complicités, passives ou actives, avec les réseaux terroristes d'Ansar Charia et avec les assassins présumés de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi.

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Qui a tué Belaid? Qui a tué Brahmi?

On en apprend des vertes et des pas mûres sur les accointances entre les appareils de l'Etat, les structures du parti islamiste au pouvoir et les réseaux terroristes et leurs ramifications régionales. Un vrai cauchemar...

Une fois la conférence de presse terminée, les membres de l'IRVA quittent la salle sous une escorte impressionnante. Inutile d'expliquer pourquoi. Mais les révélations du jour, ajoutées à celles des dernières semaines, font éclater la colère de beaucoup de citoyens. Aussi la manifestation hebdomadaire, observée chaque mercredi, pour demander la vérité sur l'assassinat de Belaïd et de Brahmi s'est-elle transformée, aujourd'hui, en un acte de sédition. Tous les slogans hostiles au gouvernement, considéré comme illégitime depuis le 23 octobre 2012, sont scandés. Les manifestants demandent aux dirigeants de l'opposition de ne pas participer au dialogue national avec Ennahdha et la troïka, la coalition au pouvoir: «Pas de dialogue avec les terroristes», hurlent-ils, avant de se diriger vers le ministère de l'Intérieur (MI) en criant: «Larayedh tu n'es qu'un lâche»; «Ghannouchi, assassin!» et autres amabilités du même genre.

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Quelques jeunes chauffés à blanc essayent d'enlever le barbelé protégeant le bâtiment du ministère de l'Intérieur

Pas de dialogue avec les terroristes!

Arrivé devant le siège du ministère de l'Intérieur entourés de barbelé, les manifestants hurlent: «Ennahdha dégage! Pas de dialogue avec les terroristes». Quelques jeunes chauffés à blanc essayent même d'enlever le barbelé protégeant le bâtiment, mais les dirigeants de l'opposition parviennent à les calmer et les forces de l'ordre s'interposent rapidement. Celles-ci, présentes en masse, semblent plutôt stressées par la situation. Elles sont aux aguets. Certains agents expliquent, comme pour se justifier, qu'ils sont là pour escorter les manifestants et les protéger.

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"La partie est finie, idiots"

Comme convenu la veille, les manifestants prennent ensuite la direction de la Kasbah, où se trouve le siège du gouvernement. Les députés dissidents et les figures emblématiques de l'opposition sont présents parmi les manifestants. Les membres du mouvement Tamarod, de l'Union des diplômés chômeurs (UDC) et de l'Union générale des étudiants tunisiens (UGET) sont également nombreux dans la marche. «Plus de crainte, plus de peur, la rue appartient au peuple», crient les jeunes manifestants, qui se donnent pour ambition de «dégager le gouvernement provisoire» (pas moins !). Et, même, de faire traduire en justice les dirigeants d'Ennahdha qui seraient impliqués, à un niveau ou à autre, dans les assassinats et les attentats terroristes... «Pour que le sang des martyrs soit enfin lavé», lit-on sur l'une des pancartes.

Une autre journée de colère en somme, de cris et de hurlements, face à un gouvernement incompétent, arrogant et impassible, qui ne compte pas, en tout cas, céder le pouvoir, à moins d'en être éjecté par la force d'une mobilisation populaire... plus massive et plus décisive.