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«Le projet loi d'immunisation de la révolution ne passera pas car il annonce le retour de la dictature et nous comptons aller jusqu'au bout pour empêcher son adoption», ont expliqué les dirigeants de l'Union pour la Tunisie (UpT).

Par Yüsra N. M'hiri

Ces derniers parlaient au cours d'une conférence de presse, mercredi, à Tunis, présidée par Béji Caïd Essebsi président du parti Nida Tounes, à laquelle ont pris part Samir Ettaieb, porte-parole de la Voie démocratique et sociale, et Jounaidi Abdeljaoued (Al Massar), Ahmed Nejib Chebbi, président du Haut comité politique du Parti républicain (Al Jomhouri), Abderrazak Hammami, secrétaire général du Parti du travail patriotique et démocratique (PTPD), et Mohamed Kilani, secrétaire général du Parti socialiste.

Un projet de loi ciblant surtout Béji Caïd Essebsi 

La salle était comble et certains ont même été contraints de rester debout, pour assister à cette conférence consacrée au projet de loi dite d'immunisation de la révolution, soutenu par le parti islamiste Ennahdha et ses alliés, tels le Congrès pour la république (CpR) et Wafa, mais totalement rejeté par les partis de l'opposition, à l'instar des 5 qui constituent l'UpT.

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Retrouvailles entre Béji Caïd essebsi et Mustapha Filali.

Ce projet de loi n'a rien à voir avec la révolution, dont les objectifs ont été délaissés depuis longtemps par Ennahdha et ses alliés au gouvernement. Il vise, surtout, à exclure de la vie politique certaines personnalités ayant exercé durant la période de règne de Ben Ali, notamment l'ex-Premier ministre Béji Caïd Essebsi. Ce dernier, qui fut président de la Chambre des députés entre 1987 et 1989, et qui s'est retiré bien avant le début de la dérive dictatoriale de Ben Ali, est assez «dérangeant», aujourd'hui, aux yeux d'Ennahdha, car, il est – avec son parti Nida Tounes – en tête de différents sondages d'opinion portant sur les intentions de vote des Tunisiens pour la prochaine présidentielle.

Ennahdha se met à l'école de Ben Ali

Cette loi, si elle venait à être adoptée, aurait donc pour seule conséquence d'écarter de la course, de manière peu honorable, des adversaires politiques... Une pratique initiée par Ben Ali, qui utilisait la loi pour disqualifier ses adversaires, et qui est reprise aujourd'hui par Ennahdha, le CpR et Wafa.

Néjb Chebbi, qui a été lui-même victime de ces manoeuvres politico-juridiques, n'a pas manqué de souligner cet air de déjà vu de cette loi inique.

Béji Caid Essebsi explique, à ce propos, que la loi d'immunisation de la révolution, qui pourrait toucher quelque 60.000 Tunisiens, est contre-productive. Car exclure par la loi autant de gens, c'est choisir à la place du peuple ou réduire drastiquement son éventail de choix. «Seules les urnes peuvent exclure ceux dont le peuple ne veut pas», lance-t-il. Il ajoute que si la loi d'immunisation passe, cela restera comme une «tâche honteuse à la face des Tunisiens».

Le président de Nida Tounes évoque aussi le bilan négatif du parti provisoirement au pouvoir, Ennahdha. «Malgré qu'ils se soient offert une année supplémentaire, il faut avouer qu'ils ont bien essayé, mais qu'au bout de deux ans, le constat d'échec est évident : nous avançons à reculons», explique-t-il avec une pointe d'ironie assassine.

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Hommes politiques et acteurs de la société civile côtoient les journalistes. 

Samir Etaieb explique, pour sa part, que la loi en question est dangereuse. Il craint l'effet tâche d'huile, car si elle passe, rien n'empêchera que d'autre lois liberticides soient promulguées, contre d'autres catégories de personnes. Selon lui, cette loi ne tient pas la route: «Ceux qui ont les mains propres et la conscience tranquille n'ont aucune raison d'être exclus», souligne-t-il, même s'ils ont adhéré, un moment, à tel ou tel parti. Quant à ceux qui ont commis des crimes contre leurs compatriotes, c'est la justice qui doit les juger.

Mustapha Filali, premier ministre de l'Agriculture après l'indépendance, en 1956, qui a eu le privilège du mot de la fin, a déclaré, pour sa part, que la dite loi est totalement en contradiction avec les lois de l'islam. Car l'islam est une religion de paix et de pardon. Et non de violence et de vengeance.

A la fin de la conférence de presse, les dirigeant de l'UpT ont réitéré leur appel à une manifestation, samedi prochain, devant le siège de l'Assemblée nationale constituante (Anc), pour s'indigner et montrer son désaccord avec le projet de loi d'immunisation de la révolution.