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Marzouki avertit les jihadistes sur un ton très ferme, appelle la nation à soutenir la défense nationale et crie haut et fort son no pasarán présidentiel. S'il n'a pas effrayé les terroristes, le président provisoire a fait rire beaucoup de Tunisiens.

Par Marwan Chahla

Hier, le Palais de Carthage a frappé un coup médiatique double: Moncef Marzouki a escaladé le Mont Châmbi pour «remonter le moral des troupes» et, à Tunis, Adnène Mansar, son porte-parole, s'est chargé de remonter les bretelles de certaines parties qui auraient succombé à la «malsaine tentation» de tirer un profit politique des affrontements de Jebel Châmbi en insistant sur quelques insuffisances de moyens et d'équipements dont souffriraient les opérations de poursuite des maquisards terroristes. «Cette attitude est nuisible», lance M. Mansar à ces «pêcheurs en eau trouble».

Mardi soir, la présidence de la république provisoire a décroché plus de quatre bonnes minutes au 20 heures de la Watania 1 dans sa Une sur les évènements de Jebel Châmbi, qui comptait 16 ou 17 minutes. Cette prise d'assaut médiatique – plus ou moins le quart du temps imparti par la chaine nationale à ce dossier brûlant de l'opération de ratissage par l'Armée et la Garde nationales de la région du centre-ouest du pays – n'est pas «innocente». Certains y voient même une opération de communication qui, avec l'approche des élections, a pour objectif de grappiller quelques points dans les sondages d'opinion.

Le No pasarán présidentiel

En effet, M. Marzouki n'a pas lésiné sur les moyens de ce déplacement. Accompagné d'une bonne vingtaine de responsables haut placés, notamment les ministres de l'Intérieur et de la Défense et le Général Rachid Ammar, le chef d'état-major inter-armées, s'est rendu sur les lieux afin de soutenir nos troupes par les mots et les gestes, dont les caméras de notre Watania 1 n'ont raté aucun détail.

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Le chef des armée remonte le moral des troupes : si ça trouve, l'un des salafistes jihadistes que Marzouki avait reçu au Palais de Carthage se trouverait, en face, au Jebel Châmbi!

Egal à lui-même, en pareilles circonstances, le président provisoire a délivré un court speech à l'adresse de nos troupes pour remonter leur moral, avertir les jihadistes sur un ton très ferme, appeler la nation à soutenir notre défense et crier haut et fort son no pasarán présidentiel.

Aux terroristes qui, depuis quelque temps déjà, sèment panique et confusion à travers tout le pays, le locataire du Palais de Carthage a lancé le défi de cette guerre totale: «Vous, les criminels, vous êtes vaincus. Vous ne passerez pas, vous ne passerez pas, vous ne passerez pas du tout!» A ces jeunes «dévoyés» qui ont pris le maquis, et aux autres qui pourraient être tentés de leur emboîter le pas, M. Marzouki a averti sèchement: «Gardez-vous bien d'emprunter ce chemin. Faites très attention, car il s'agit d'une impasse /.../ Sachez que notre pays est un pays du juste milieu, de la démocratie, de la liberté et de l'islam modéré».

Et dans un sursaut de nouvelle conscience, le président de la république provisoire a décoché une flèche assassine aux exportateurs de l'islam wahhabite, leur rappelant cette vérité première que «notre pays ne sera jamais un émirat d'aucun autre pays» et que «nous n'accepterons jamais que quelqu'un vienne nous enseigner ce que c'est que l'islam. Au contraire, nous pouvons, à juste titre, prétendre être capables de le leur enseigner».

Répondant, plus précisément, à une actualité quotidienne très récente qui a vu défiler dans nos stades et autres lieux publics des prêcheurs moyen-orientaux, Moncef Marzouki n'a pas mâché ses mots: «Aucun prêcheur étranger n'a le droit de venir nous montrer comment nous pouvons être de bons musulmans, car notre islam a précédé le leur! Et nous sommes en position de le leur apprendre», déclara-t-il avant d'entrer en contact direct avec les troupes, prendre le pouls et leur dire son soutien. Les caméras de la Watania 1 ont immortalisé ces instants de proximité où le téléspectateur a eu droit, par gros plans, aux petits détails: treillis, tenues de combat, tenues de camouflage, cagoules, mitraillettes à viseur, etc.

Des insuffisances, mais...

A deux cents kilomètres du terrain de l'opération de ratissage de Jebel Châmbi, à Tunis, M. Mansar, le porte-parole de la présidence provisoire, a réuni une quinzaine de journalistes pour faire passer un message à peine codé aux pêcheurs en eau trouble, à savoir certaines parties qui, selon lui, souhaiteraient tirer un avantage politique de cette situation.

M. Mansar reconnaît qu'«il y a certaines insuffisances (en moyens et équipements). Mais cela n'est qu'un aspect limité du problème et le gouvernement n'a épargné aucun effort pour faire face à la situation».

Pour le porte-parole de M. Marzouki, ces insuffisances ne devraient nullement permettre à certaines parties de se laisser aller et de «céder à la malsaine tentation de saper le moral de nos troupes». Et de déplorer que «cette attitude est nuisible /.../ à un moment où nous avons besoin de placer une confiance entière en notre armée et toutes nos forces de sécurité».

S'il est tout à fait concevable que le locataire du Palais de Carthage monte au front: ses prérogatives le lui permettent, le lui dictent, et des gestes exemplaires de ce genre sont plus que nécessaires dans des circonstances aussi graves.

Cependant, plus de discrétion, moins d'emphase et moins de mise en scène hollywoodienne auraient été souhaitables.

Sans nul doute, des résultats concrets sur ce terrain de la mort – car c'est bien de cela qu'il s'agit – rassureront notre peuple et nos militaires beaucoup plus que le bras de notre président de la république provisoire autour du cou d'un de nos soldats.

Et sa colère contre les exportateurs du wahhabbisme, rappelons-lui tout simplement qu'il aurait pu l'exprimer directement aux personnes concernées, lors de ces nombreux déplacements proche-orientaux.

M. Mansar, lui, devrait savoir que la situation actuelle est grave et qu'il ne servira à rien de «monter» certains Tunisiens contre d'autres... Le peuple tunisien a déjà tiré ses conclusions, il est capable de discernement et il distingue nettement entre ceux qui pleurent sincèrement les affaiblissements de notre pays et nos autres faillites et ceux qui nous ont menés au bord du précipice.

Nous ne donnerons pas les noms de ces derniers. Ils se reconnaîtront. Ils se reconnaîtront aux prochaines élections.