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Un ancien agent de la sûreté de l'Etat, Oussama Boujah, et une mystérieuse «Unité 11» déclarent la guerre à Rached Ghannouchi et au parti islamiste Ennahdha, qui chercherent à imposer une nouvelle dictature et de nouveaux modes de vie aux Tunisiens. Vidéo. 

Par Imed Bahri

Dans une vidéo circulant sur le web, un certain Oussama Boujah, se présentant comme un ancien agent de la sûreté de l'Etat et membre d'une «Unité 11», menace de rapporter aux Tunisiens des éléments accablants sur ce qu'il appelle les «trahisons» de Rached Ghannouchi et de son mouvement islamiste dont il aurait eu connaissance, lui et ses collègues des renseignements généraux tunisiens, sous le règne de l'ex-président Zine El Abidine Ben Ali.

Les relations Ben Ali-Ghannouchi

Oussama Boujah évoque, en guise de mise en bouche, un épisode assez méconnu de l'opinion publique et des historiens en Tunisie, et qui mérite d'être mieux clarifiées : celui de la fuite de Ghannouchi en Algérie.

Selon l'ancien agent, c'est le président Ben Ali en personne qui a remis son passeport à Rached Ghannouchi, un jour de mai 1989, après qu'un accord ait été conclu entre les deux hommes en vertu duquel le leader islamiste accepte de quitter le territoire tunisien.

L'ancien agent précise, à ce propos, qu'une voiture des «marassem» (services officiels de la présidence) a conduit Rached Ghannouchi du palais de Carthage, siège de la présidence de la république, à l'hôtel El-Hana International, situé à l'avenue Habib Bourguiba, au centre-ville de Tunis, où ce dernier a passé la nuit, avant que la même voiture ne revienne le chercher, le lendemain matin, pour le ramener jusqu'aux frontières de l'Algérie où il a trouvé refuge quelque temps avant de partir à Londres, son exil doré pendant une vingtaine d'années.

Oussama Boujah évoque un autre épisode non moins surprenant: l'interrogatoire auquel a été soumis Rached Ghannouchi, en mars 1987, au deuxième étage du ministère de l'Intérieur. Selon lui, le leader islamiste a commencé par lancer aux enquêteurs: «Ne me touchez pas, ne m'humiliez-pas, vous posez vos questions et je répondrai à tout!» Et Boujah d'ajouter, en s'adressant au chef islamiste : «En effet, vous avez répondu à toutes les questions», laissant entendre que M. Ghannouchi a balancé, à cette occasion, bon nombre de ses camarades qui ont été arrêtés, jugés et condamnés à des peines de prison.

Les enfants de Dieu vs les enfants du diable

L'ancien agent rappelle également à Rached Ghannouchi le contenu des tracts que son mouvement distribuait, dans le milieu des années 1980, et qui divisaient les Tunisiens en deux camps : celui des «Aoulia Arrahmane» (les enfants de Dieu), que sont les membres de son mouvement islamiste, et celui des «Aoulia Achaytane» (les enfants du diable), sac dans lequel il met tous les Tunisiens qui ne sont pas membres du mouvement islamiste et qui sont tous qualifiés de «Âda Eddine» (ennemis de la religion), ajoutant que la violence est le seul moyen pour «purifier le pays» (sic !) de ces derniers.

L'agent ajoute, dans la même vidéo, que les dirigeants du mouvement islamiste disposaient de très importants financements, qu'ils se sont enrichis grâce à ces aides provenant de l'intérieur et de l'extérieur et qu'ils ne sont pas fondés, aujourd'hui, à demander des réparations pour les années de prison ou d'exil et à se servir sur les frais du contribuable tunisien.
Reste à s'interroger sur la valeur de ce témoignage, la crédibilité de son auteur et les motivations de ce dernier et/ou ses commanditaires.

Oussama Boujah, qui s'adresse aux Tunisiens et surtout à ses collègues des corps de sécurité, pour les inciter à résister au mouvement Ennahdha et à ses tentatives d'imposer aux Tunisiens une nouvelle dictature et de nouveaux modes de vie, ne dit pas s'il a tourné la vidéo en Tunisie ou à l'étranger et ce qu'il fait aujourd'hui, puisqu'il semble s'être enfoui au lendemain de la chute de Ben Ali, du moins le laisse-t-il entendre.

L'Unité 11, qu'il affirme avoir créée avec pour mission de combattre Ennahdha, serait-elle une cellule clandestine dont la mission consisterait à mener des actions contre ce parti. Auquel cas, on pourrait se demander quel type d'action cette soi-disant unité s'apprêterait-elle à mener et si cela ne risquerait pas de créer de nouvelles tensions dont le pays se passerait volontiers.

Une autre question mérite d'être posée : l'Unité 11 dispose-t-elle de relais à l'intérieur des forces de sécurité, au sein de la société, des partis, de l'administration, etc., et a-t-elle des soutiens à l'étranger? Et si celle-ci était une officine mise en place par l'ex-président Ben Ali ou quelques uns de ses partisans pour faire pression sur les dirigeants d'Ennahdha en menaçant de livrer à l'opinion publique certains secrets jusque là bien gardés du mouvement islamiste?

On ne peut rien affirmer pour le moment à propos d'Oussama Boujah et de son Unité 11. On attendra d'en connaître davantage sur l'homme, ses soutiens à l'intérieur et à l'extérieur et ses réelles motivations, étant entendu qu'il pourrait être aussi un simple agitateur au service d'une partie quelconque.

Vidéo.