tunisiens immigres 4 30Dans le communiqué reproduit ci-dessous, les associations des Tunisiens de l'immigration rejettent le projet de constitution réalisé par «les obscurantistes d'Ennahdha», qui a tourné le dos à «l'ensemble des revendications légitimes des Tunisiens résidents à l'étranger.»

Les Tunisiens résidents à l'étranger ont toujours lutté pour la reconnaissance de leurs droits : droit à l'égalité avec nos concitoyens de «l'intérieur»; droit de vote et d'éligibilité aux élections présidentielles mais aussi législatives; bref, le droit de participer, sur un même pied d'égalité, aux délibérations et aux prises de décision concernant les affaires d'intérêt public et commun... autrement dit, le droit d'être reconnus en tant que citoyens Tunisiens à part entière.

Après les promesses fallacieuses...

Cette lutte a connu des moments forts, notamment après la révolution, qui se sont traduits à travers «la dynamique citoyenne des Tunisiens à l'étranger» et «les assises de l'immigration».

Une des revendications révolutionnaires formulées par les Tunisiens résidents à l'étranger portait sur la création d'un Haut conseil des Tunisiens à l'étranger (Hcte). Instance représentative démocratique qui serait chargée de veiller à la préservation des intérêts spécifiques des communautés tunisiennes vivant à l'étranger, et d'assurer leur participation active dans l'élaboration des décisions les concernant, à la fois dans leur pays d'origine et dans les pays d'accueil. La constitutionnalisation d'une telle instance s'est peu à peu imposée comme «la voie royale» de la «réintégration», de la pérennisation et de l'institutionnalisation du rôle de «l'immigration» dans la vie publique tunisienne et dans la reconstruction post-dictatoriale.

Le nouveau projet de constitution élaboré par l'Assemblée nationale constituante (Anc), dominée par les obscurantistes d'Ennahdha, a tout bonnement opposé une fin de non-recevoir à l'ensemble des revendications légitimes des Tunisiens résidents à l'étranger, en tête desquelles la création du Hcte.

Les plus de 10% de la population tunisienne résidant à l'étranger (avec tout ce qu'ils représentent comme apport notamment économique...) ont été purement et simplement évincés du nouveau projet de constitution. Exit, donc, les promesses fallacieuses faites, par le secrétaire d'État à l'Emigration, à certaines associations tunisiennes qui ont pris pour de l'argent comptant ce qui n'était que monnaie de singe. Pas le moindre mot, non pas uniquement à propos du Hcte, mais pire encore un silence «négationniste» assourdissant au sujet de l'immigration en tant que telle... si ce n'est la prohibition faite aux binationaux de se présenter aux élections présidentielles... logés, désormais, à la même enseigne que nos chers concitoyens non-musulmans.

Les prémices d'une dictature religieuse

Outre le fait que ce projet de constitution indigeste tourne le dos à la Déclaration universelle des droits de l'homme en prétextant des «spécificités tunisiennes»; outre le fait qu'il introduit des restrictions inadmissibles au droit de grève, tout en méconnaissant la primauté des droits économiques et sociaux qui ont constitué les vrais ressorts de la révolution; outre le fait qu'il dépouille l'institution de la présidence de la République de la moindre compétence lui permettant de préserver l'équilibre au sein de l'exécutif; ce projet de constitution contient les prémices d'une dictature religieuse qui se profile derrière les allusions faites à la «chariâ» (les intentions du législateur musulman, le conseil des sages musulmans, pour finir par rattacher l'islam à l'État Tunisien: article 136 «l'Islam en tant que religion de l'État», etc.)

En conséquence de quoi, nous, Tunisien(ne)s résidents à l'étranger, signataires du présent appel :

- rejetons intégralement la dernière mouture du projet de constitution tunisienne, en ce qu'elle tourne dédaigneusement le dos à nos aspirations à la démocratie, à l'égalité et à la justice sociale;

- rappelons aux membres de l'Assemblée nationale constituante que nous sommes des Tunisiens à part entière et exigeons, en conséquence, l'application du principe d'égalité citoyenne;

- interpellons les élus de l'immigration au sein de l'Anc pour qu'ils dénoncent publiquement la méconnaissance, dans ce lamentable projet de constitution, de nos droits les plus élémentaires à l'élection, à l'éligibilité, et à la structuration autonome au sein d'une institution pérenne;

- invitons, avec insistance, les associations de l'immigration qui ont été leurrées par les promesses mensongères du secrétaire d'État à l'immigration, à prendre clairement le parti des Tunisiens résidents à l'étranger, et à se défaire de toute tergiversation servant, in fine, l'agenda politicien liberticide d'Ennahdha;

- lançons un appel à toutes les associations, tous les partis politiques démocratiques et progressistes, ainsi qu'à toutes les Tunisiennes et Tunisiens résidents en France pour qu'ils/elles manifestent publiquement, le 1er mai, leur ferme rejet de ce projet de constitution éminemment rétrograde.

Paris le 28 avril 2013.

* Les intertitres sont de la rédaction.

Les premières associations signataires:
- Association de Coopération économique entre la France et la Tunisie (Aceft);
- Unies-Vers-Elles;
- Immigration-Droit-Santé;
- Filigranes;
- Vérité et Justice pour Farhat Hached;
- Dynamique Citoyenne des Tunisiens à l'Etranger;
- Tunisiens Contre le Fascisme;
- Cercle des Tunisiens des Deux Rives/Marseille.