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Le 1er Mai, fête du travail, il n'aura pas de muguets en Tunisie, mais de la chienlit. Avec la multiplication des appels à manifester contre le gouvernement Ennahdha, émanant de partis politiques, d'organisations ou de simple coordinations citoyennes.

Par Yüsra N. M'hiri

Le Front populaire, qui a du mal à admettre la lenteur de l'instruction dans le procès de l'assassinat de son leader Chokri Belaïd, appelle à manifester à l'avenue Habib Bourguiba pour exiger la vérité sur cet assassinat, et revendiquer l'inclusion, dans le texte de la constituante, des droits syndicaux, notamment celui de faire la grève et de manifester librement, ainsi que le gel des prix dont la hausse continue de rogner le pouvoir d'achat des travailleurs (le taux d'inflation réel est estimé à 10% par les économistes).

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Houcine Abassi et ses camarades ont de bonnes raisons de craindre pour les droits syndicaux, menacés par le projet de constitution estampillé Ennahdha.

Les droits syndicaux sont menacés

L'Union générale tunisienne du travail (Ugtt) appelle, de son côté, à célébrer le 1er Mai à la place Mohamed Ali, au centre-ville de Tunis, où se trouve son siège. Après les discours d'usage, le cortège des travailleurs quittera la place Mohamed Ali pour une marche sur l'avenue Habib Bourguiba. Il sera aussi question de dire non à la troisième mouture de la constitution, rendue publique cette semaine, et qui délimite les droits syndicaux, en limitant notamment le droit de grève, ce qui est une régression par rapport à l'ancienne constitution dissoute et une aberration, eu égard aux engagements internationaux de la Tunisie. Les travailleurs vont aussi protester contre les tentatives de marginalisation de leur organisation par l'actuel pouvoir et les agressions dont elle a été l'objet, le 4 décembre dernier, de la part des Ligues de protection de la révolution (LPR), des milices violentes au service du parti islamiste Ennahdha.

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Qui veut cacher la vérité sur les commanditaires de l'assassinat de Chokri belaïd?

La trahison des élus

L'évènement qui circule le plus sur les réseaux sociaux et semble prendre de l'ampleur au fil des jours, c'est la manifestation qui sera organisée par des groupes de citoyens devant le siège de l'Assemblée nationale constituante (Anc) au Bardo. Cette manifestation intitulée «Mouvement populaire pour le renvoi des députés et pour la mise en place d'un groupe d'experts afin d'écrire la constituante», compte déjà plus de 10.000 participants potentiels.

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«Front populaire, marche du 1er Mai, Fête mondiale du travail, pour le gel des prix et la constitutionnalisation du droit syndical et du droit de grève.» 

Ce mouvement exprime le mépris – et le mot n'est pas fort – dans lequel beaucoup de Tunisiens tiennent aujourd'hui leurs représentants. Et pour cause: élus pour une année avec pour mission d'écrire une constitution, ces derniers ont prolongé illégalement leur mandat (qui s'est achevé le 23 octobre dernier) et se plaisent à légiférer pour changer les fondamentaux socio-culturels, tout renvoyant aux calendes grecques les prochaines élections. Pire encore : alors que le pays passe par une grave crise économique et que les citoyens souffrent de l'effritement de leur pouvoir d'achat, ces «sangsues» trouvent le moyen de s'accorder des augmentations de salaires et d'indemnités.

En règle générale, le 1er Mai est une journée de commémoration ou de manifestation des travailleurs. Elle tient son origine des combats du mouvement ouvrier au 19e siècle pour obtenir une réduction de nombre d'heures sur la journée de travail. Elle est par ailleurs célébrée de la sorte partout dans le monde.

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1er Mai 2013, à 10h, devant l'Aassemblée nationale constituante, mouvemement populaire pour renvoyer les constituants et constituer une commission d'experts pour écrire la constitution. 

Une «fête» éminemment politique

Aujourd'hui, en Tunisie, cette «fête» prend une tournure éminemment politique, parce que les citoyens ne font plus confiance au gouvernement actuel, dominé par le parti islamiste Ennahdha.

Ils soupçonnent ce gouvernement, et à juste titre, de tourner le dos aux objectifs de la révolution et de vouloir mettre en place une nouvelle dictature, théocratique cette fois, avec son lot de limitation des libertés individuelles et d'imposition de nouvelles règles socio-politiques, en opposition l'histoire, la culture et le modèle social tunisiens.