Qui a tué Chokri Belaid

C'est désormais un rituel: tous les mercredis, un rassemblement se tient à Tunis, à l'Avenue Habib Bourguiba, en face du ministère de l'Intérieur, pour exiger l'accélération de l'enquête relative à l'assassinat de Chokri Belaid.

Par Yüsra N. M'hiri

Le temps est gris, aujourd'hui, sur Tunis, semblable à l'état d'âme des gens venus de partout en mémoire du dirigeant de gauche, assassiné le 6 février dernier, et dont le tueur présumé, Kamel Kadhgadhi, est toujours en cavale.

Parce que la vérité sur cet assassinat politique, le premier dans l'histoire du pays, tarde à être révélée, et que l'enquête piétine et fait du surplace, les militants du Front populaire, mais pas seulement, se rassemblent, tous les mercredi matin, devant le bâtiment gris du ministère de l'Intérieur, pour exiger la vérité sur un crime qui ne devrait pas rester impuni.

Qui a tué Chokri Belaïd Tunisie

«Qui a tué Chokri?», «Man qatala Chokri?», «Who killed Chokri?».

Qui a tué Chokri ?

Une militante du Front populaire, debout à côté du père de Chokri Belaïd, est la première à s'exprimer, criant que le martyr a été victime de sa franchise et de son combat pour une Tunisie qui, depuis la révolution, recule au lieu d'avancer. Des slogans sont ensuite scandés en chœur, comme autant de cris du cœur, promettant à «Chokri» de ne jamais lâcher prise et que ses droits seront revendiqués jusqu'au dernier souffle de chacun.

Les manifestants entonnent l'hymne national, en y ajoutant cette strophe: «Oui nous mourrons, mais après avoir déraciné la misère de nos terres». Ils applaudissent et brandissent les pancartes sur lesquelles nous lisons dans les trois langues : «Qui a tué Chokri?», «Man qatala Chokri?», «Who killed Chokri?».

Les Tunisiens veulent la vérité sur le meurtre de Chokri Belaid

«Qu'attendez-vous pour arrêter l'assassin de Chokri?»

Des passants se mêlent à la foule, s'emparent des pancartes et se mettent à crier, eux aussi, à l'unisson, s'impliquant plus que jamais dans un combat qui est celui de tout un peuple.

«Qu'attendez-vous pour arrêter l'assassin de Chokri?», lance un manifestant en direction des policiers en faction devant le ministère de l'Intérieur. Il tient des menottes à la main et un pistolet qu'il agite, comme pour imager le drame qui mobilise tous ses camarades.

La vérité sur l'assassinat de Chokri Belaid

Au palmarès de la détestation populaire, le gouvernement actuel vient en bonne place, mais c'est le chef du parti Ennahdha Rached Ghannouchi qui a la palme.

Tous feux, tout flamme

Les manifestants se mettent soudain à crier: «Le gouvernement est de papier, et les jeunes finissent par s'immoler», comme une petite pensée aux dizaines de jeunes qui se sont immolés par le feu depuis le début de la révolution. Tout le monde est encore sous le choc du drame du jeune Adel Khedhiri, qui s'est immolé hier matin, à l'Avenue Habib Bourguiba, avant de décéder ce matin, suite à ses brûlures.

Au palmarès de la détestation populaire, le gouvernement actuel vient en bonne place, mais c'est le chef du parti Ennahdha Rached Ghannouchi qui a la palme. C'est à lui, en tout cas, que sont adressés les slogans les moins amènes: «Ghanouchi le rat, toi aussi tu t'enfuiras», dit l'un de ces slogans où transparait un fort sentiment de désenchantement.