Opposition

Le passage des élections à la dictature n'est pas une vue de l'esprit. Si la nouvelle équipe que Ghannouchi met en place est validée... c'en serait fini des élections et de leur transparence comme de leur honnêteté.

Par Rachid Barnat

 Chokri Belaïd est assassiné et les faucons d'Ennahdha sortent victorieux de l'épreuve provoquée par ce crime crapuleux! Mieux (ou pis): ils persistent et signent pour maintenir la même ligne politique qui a pourtant échoué et conduit à la démission du chef de gouvernement Hamadi Jebali.

M. Jebali a été très clair et reconnaît l'échec de l'actuel pouvoir. Certes il a essayé, dans son discours télévisé aux Tunisiens, jeudi soir, de diluer les responsabilités, en associant l'opposition et le peuple à son échec, mais comment l'admettre d'un pouvoir qui a disposé de tous les leviers?

Les échecs successifs d'Ennahdha

A maintes reprises et devant des faits graves qui auraient dû conduire à une démission automatique des ministres responsables ou de tout le gouvernement dans les régimes démocratiques, il n'y a jamais eu ni sanction ni démission.

Pourtant les ministres et leur chef nous assuraient régulièrement en assumer la responsabilité... sans qu'aucun n'ait démissionné ni n'ait été congédié par le Premier ministre pour faute grave !

Rached Ghannouchi et ''son'' nouveau chef de gouvernement Ali Lârayedh: le succès est garanti ! 

Ce qui aurait dû être le cas de Ali Lârayedh, ministre de l'Intérieur, candidat officiel d'Ennahdha à la succession de M. Jebali, et de Noureddine Bhiri, ministre de la Justice...

Faut-il rappeler que les violences à répétition et le degré de gravité crescendo qu'elles connurent, sont dues au laxisme, voire aux encouragements directs ou indirects, de la part de ces deux ministres, qui sont à l'origine de la chute du gouvernement de Jebali !
Or qu'a proposé le Conseil de la Choura, le saint des saints d'Ennahdha dominé par ses faucons, véritable gouvernement de l'ombre de la Tunisie, qui chapeaute par ailleurs l'Assemblée nationale constituante (Anc)?

De nommer au poste de Premier ministre Noureddine Bhiri... celui-là même qui a scandalisé à plusieurs reprises les Tunisiens par sa pratique partisane... cumulant les abus en tous genres et instrumentalisant honteusement la justice qui poursuit avec célérité des peccadilles et ne bouge pas du tout devant des crimes, des appels au meurtre...

Pire encore, il a proposé également Mohamed Ben Salem, l'un des purs et durs du sérail islamiste, choquant par son arrogance les Tunisiens à chacune de ses interventions télévisées...

Ali Lârayedh et l'escalade de la violence

Ou encore, Ali Lârayedh, qui a finalement tenu la corde et dont la candidature à la primature a été présentée officiellement vendredi au président provisoire de la république. En tant que ministre de l'Intérieur, ce dernier a clairement utilisé la police à des fins partisanes. On a vu l'attitude de la police lors des manifestations de l'opposition et face à celles des Nahdhaouis: le contraste est extraordinaire. C'est ce qui a d'ailleurs poussé l'opposition à exiger la «neutralité» du ministère de l'Intérieur et des autres ministères de souveraineté, en en faisant même la première de ses exigences!

Ainsi tous les symboles de l'échec d'Ennahdha à gérer la Tunisie, seront maintenus au pouvoir!

Ali Lârayedh chef du gouvernement, c'est un véritable de pied de nez aux Tunisiens de la part des plus durs d'Ennahdha avec à leur tête Rached Ghannouchi!

Devant un comportement qui augure d'un régime théocratique que Ghannouchi met en place par petite touche, les Tunisiens ont eu maintes occasions de dégager les intrus qui se sont emparés de leur révolution pour la détourner de ses objectifs en révélant leur incompétence à gérer l'Etat, et qui constituent désormais un grand danger pour la démocratie. A chaque fois, les Tunisiens ont espéré que l'opposition prenne l'initiative pour mettre fin à la légitimité de ces faux démocrates! En vain!!

Pire encore, chaque fois que les Tunisiens ont voulu lancer un DÉGAGE franc et massif à ces gouvernants de l'apocalypse, l'opposition leur a mis les bâtons dans les roues en tempérant leur ardeur ou en déviant leur motivation vers d'autres plus accessoires !

Ainsi tout le monde s'apprêtait à demander un DÉGAGE, le 23 octobre dernier, suite au premier assassinat politique depuis le 14 janvier 2011, pour marquer, par la même occasion, la fin d'une légitimité arrivée à son terme... l'opposition lui a coupé l'herbe sous les pieds en appelant à une manifestation le 22 octobre pour demander juste de mettre fin aux violences qui ont conduit à l'assassinat de Lotfi Nagdh!

Les dirigeants nahdhaouis Fathi Jelassi et Rached Ghannouchi reçus par Moncef Marzouki, qui avalera une nouvelle couleuvre appelée Ali Lârayedh.

Suite aux incidents graves survenus au siège de l'Ugtt, et suite à l'appel à une grève générale, les Tunisiens ont espéré mettre fin à la légitimité d'un gouvernement qui continue de laisser la violence s'installer dans toute la Tunisie! Légitimité qu'une opposition molle et inconsciente a laissé proroger sans prendre de garanties!

Grève qui a été annulée contre la promesse d'une enquête pour savoir «qui a commencé» des hommes des Ligues de protection de la révolution (LPR) ou de ceux de l'Ugtt. Grotesque!

L'opposition et l'Ugtt se sont couchées à cette occasion et n'ont strictement rien obtenu.

Puis il y eu les graves incidents de Siliana...

Et le paroxysme a été atteint par l'assassinat de Chokri Belaïd!

La manifestation lors de ses funérailles était l'occasion ultime de DÉGAGER un gouvernement et une Assemblée nationale constituante (Anc) devenus à nouveau illégitimes pour avoir permis toutes les violences qui ont culminé avec ce meurtre ...

Une opposition qui se couche

Et que fait l'opposition? Elle transforme la manifestation en une énième manifestation contre la violence!!

Ennahdha, pris de panique, a organisé comme il sait le faire, une diversion pour éviter l'effusion de sang comme l'avouera plus tard Jebali: en tenant en haleine, durant 3 semaines depuis l'accélération des événements, les Tunisiens dans un psychodrame de remaniement de gouvernement... tragi-comédie qui dure en réalité depuis 8 mois!

Et l'opposition, une fois de plus, tombe dans le panneau et reprend ses errements... et ses palabres avec Ennahdha qui, sûre désormais de sa domination, la narguera plus que jamais; puisqu'elle maintient sa ligne politique bien qu'ayant échoué; et maintient tous les symboles de son échec comme d'un pied de nez à une opposition qu'elle découvre de crise en crise, bonne «parlante» mais point courageuse !

Pourquoi Ghannouchi s'arrêterait-il en si bon chemin?! Au bluff et en coup de force, il parvient à imposer son projet politico-religieux pour la Tunisie que les Tunisiens découvrent à 180° de celui pour lequel il a fait sa campagne électorale pour la constituante... puisque d'un Etat civil il veut un Etat théocratique !

Au moment où j'écris ces lignes, le candidat Premier ministre Ali Lârayedh était reçu par le président provisoire de la république!

On croit rêver. Voilà, en effet quelqu'un qui a parfaitement réussi dans son rôle et qui a rendu le pays très sûr! Voilà quelqu'un que l'opposition voulait voir quitter le ministère de l'Intérieur en réclamant à cor et à cri sa démission. Comment celle-ci va-t-elle réagir à ce nouvel affront de Ghannouchi? Accepter qu'il soit nommé Premier ministre? S'il n'y a pas une réaction très forte de la part de l'opposition, autant dire tout de suite adieu à la démocratie et que les Tunisiens se préparent à la dictature qui arrive à grand pas; puisqu'un pas de plus vient d'être franchi avec la complicité de Moncef Marzouki, le Judas de la République, qui a trahi ses électeurs et ses principes ! Et ce, depuis le début.

L'opposition continuera à manifester, et après?

Un bulldozer nommé Ennahdha

A moins que les Tunisiens comprennent qu'ils n'ont rien à attendre de l'opposition ni de l'Ugtt... et comptent à nouveau sur eux-mêmes comme ils l'ont brillamment fait un certain 14 janvier 2011 !

Comment se fait-il que personne dans l'opposition n'insiste sur la fin de la légitimité le 23 octobre 2012; et que chacun fait comme si la Constituante était encore légitime? Supercherie que les journalistes entretiennent aussi !

Comment se fait il que l'opposition tout ensemble ne démissionne pas de cette assemblée illégitime, comme le propose le Pr Yadh Ben Achour, et continue à palabrer avec un Ghannouchi qu'elle sait autiste?

On me dira que l'opposition souhaite agir dans le droit. Mais où est le droit ici?

De qui se moque-t-on?

En réalité l'opposition est sans colonne vertébrale ! Elle se laisse mener par le bout du nez. Elle se retrouvera très vite avec une dictature face à laquelle, après ses palabres incessantes et stériles, elle ne pourra plus rien.

L'opposition va-t-elle avaler cette nouvelle couleuvre avec la nomination de Lârayedh?

Ne veut-on pas voir que seul un pouvoir qui osera taper sur la table pourra empêcher, par la force s'il le faut et il le faudra, les salafistes de mener leurs actions dans ce pays et pourra dissoudre une LPR, source de tous les problèmes dans ce pays; pour sortir la Tunisie de la très mauvaise passe dans laquelle elle se trouve. Et ce pouvoir, l'opposition doit y prendre part par l'organisation d'une conférence nationale des partis ! Pour cela, il lui faut cesser de «légitimer» des constituants dont le mandat est terminé depuis le 23 octobre 2012 !

Le passage des élections à la dictature n'est pas une vue de l'esprit; cela ne concerne pas seulement les autres. Si la nouvelle équipe que Ghannouchi met en place est validée par l'opposition, l'Ugtt et le reste de la société civile... c'en serait fini des élections et de leur transparence comme de leur honnêteté!
Chokri Belaïd serait-il mort pour rien?

Dire que je suis déçu de l'opposition et de l'Ugtt, serait un euphémisme.