Un journal tunisien pro-Ennahdha (né après la révolution), dirigé par un ancien propagandiste de Ben Ali converti au nouveau système, a tenu des propos racistes, qui font des gorges chaudes sur le web.


Il s’agit de l’hebdomadaire arabophone ‘‘Al Massa’’ (n° 45, p.8) qui a publié, dans sa livraison du 25 avril au 1er mai, un article traitant de tous les noms la militante et présidente du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt) Néjiba Hamrouni. Il ne s’est pas privé de s’attarder sur la couleur de sa peau et sur sa vie privée.

Ce même journal, dont le patron, Nadhir Azzouz, était un zélé serviteur de Ben Ali (et qui se faisait une spécialité de diffamer ses opposants, y compris, bien sûr, les islamistes), a viré de bord et est en train de multiplier les attaques contre tous ceux qui ne s’alignent pas au gouvernement dominé par Ennahdha. On appelle ça retourner la veste. C’est assez fréquent dans ce pays et ailleurs, mais tout de même, de là à commettre les mêmes abus d’hier, avec la même impunité. Mercredi dernier, un collectif d’avocats a pris l’affaire en main pour défendre Emna Menif, militante et présidente du mouvement Kolna Tounes. Elle aussi a été traitée de tous les noms par 2 journalistes connus pour avoir servi avec zèle l’ancien régime. L’un d’eux, qui dirige ‘‘Les Annonces’’, publié par son père, et qui a été, 23 ans durant, le porte-voix de Ben Ali, et qui, à ce titre, avait publié un article diffamant l’actuel ministre de l’Intérieur Ali Lârayedh, alors en prison, lui attribuant des faits d’homosexualité, en se basant sur des vidéos trafiquées par les services de Ben Ali.

Vendredi, le Tout Tunis s’est étonné de la présence de Nadhir Azouz, patron des ‘‘Annonces’’, aujourd’hui à la tête de l’hebdomadaire ‘‘Al Massa’’, aux premiers rangs des invités lors de la conférence nationale pour la réforme de l’information, organisé par le gouvernement Jebali. De nombreux invités, de grands professionnels du secteur, choqués par sa présence, ont déserté la salle et crié au scandale. Ce qui a contribué grandement au fiasco de cette conférence.

Le gouvernement, pour asseoir son pouvoir, a-t-il senti le besoin d'utiliser les méthodes de l'ancien régime en faisant appel aux professionnels de la diffamation pour mieux contrôler le secteur (et souiller l’image de ses adversaires politiques)? Pour un tel travail, Ennahdha ne trouvera pas mieux, il est vrai, que les anciens propagandistes de Ben Ali.

Qui a prétendu que le gouvernement dominé par le parti islamiste veut réformer l’information? On peut avoir de sérieux doutes là-dessus…

I. B.

 

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