machfar zitouna
Doit-on créer, en Tunisie, une chaîne de télévision spécialisée dans les questions religieuses, une sorte de Télévision Zitouna, à l’instar de la radio homonyme lancée en 2007?


L’idée a été soutenue par un député, lors de la discussion du budget du ministère des Affaires religieuses, le mardi 30 novembre. Avant de faire sa proposition, ce dernier n’a pas manqué de saluer la grille des programmes de la Radio Zitouna pour le Saint Coran. Une manière de se dire: pourquoi pas une Télévision Zitouna? Bonne question. Et la réponse va de soi : Radio Zitouna a réussi, une chaîne de télévision montée selon le même concept a donc toutes les chances de réussir. Mieux: Radio Zitouna a acquis une grande audience tout en respectant le principal engagement contenu dans son cahier des charges, qui est de diffuser les valeurs de modération et de tolérance, caractéristiques de la société tunisienne.
Grande audience? Oui, si l’on s’en tient aux résultats de l’enquête d’audience media réalisée par Sigma Conseil pour le mois de novembre. Selon cette enquête, Radio Zitouna est la radio la plus écoutée dans l’ensemble du territoire national. Elle est créditée de 27,4% d’audience au centre-ouest, 22,1 dans le Grand Tunis. 19,1 au centre-est, 20,3 dans la région de Sfax, 18,1 au sud-est et 15,2 sud-ouest.

La religion au défi de la télévision
machfarCes valeurs, qui ont dangereusement été mises à mal par des groupes extrémistes, ne sont peut-être jamais assez défendues. Une radio seule n’y suffirait sans doute pas. Une télévision totalement consacrée à la diffusion de psalmodies du Coran, de prêches religieux voire de talk-shows animés par les imams télégéniques, pourrait aussi y contribuer précieusement.
Une telle télévision pourrait également aider à enraciner davantage la société tunisienne dans l’identité arabo-musulmane, qui est le credo de l’écrasante majorité des Tunisiens – sachant qu’il existe aussi des Tunisiens appartenant à d’autres confessions –, et à immuniser cette société contre l’extrémisme, le repli sur soi et le rejet de l’autre.
Le projet de création d’une télévision chaîne de télévision islamique en Tunisie, pour contrecarrer l’influence de chaînes similaires diffusant, à partir des Moyen-Orient, un Islam ombrageux, imprécatoire et parfois franchement rétrograde, est donc a priori très défendable.
Cependant, la religion est une affaire très sérieuse et ne saurait être considérée comme un banal produit de communication, qui plus est, destiné à faire de l’audience. C’est une affaire qui doit être considérée avec beaucoup de rigueur et de doigté. Le passage d’un support médiatique à un autre, de la radio à la télévision, n’est pas un changement purement technique. Il exige un effort d’adaptation, de recadrage et de reformatage des contenus.
On peut aussi se demander si la création d’une télévision islamique est aujourd’hui vraiment une nécessité en Tunisie, d’autant que l’Islam, en tant que foi, loi et rite, est déjà relativement bien traitée par les chaînes de télévision généralistes tunisiennes existantes. Tunis 7 et Hannibal TV présentent, en effet, des émissions religieuses de haute tenue. Ces émissions sont d’ailleurs bien encadrées par les autorités religieuses nationales. Elles mettent en avant le référentiel religieux en Tunisie, qui se caractérise par l’Ijtihad, l’esprit rationnel, le juste milieu, la modération, la tolérance et le dialogue avec l’autre.

Concurrencer les chaînes du Moyen-Orient
Dans la plupart de ces émissions, la défense des dogmes de l’Islam est toujours conjuguée à l’esprit d’ouverture, à l’exigence de modernité et à l’élan de progrès, qui sont la marque du tempérament et même de l’identité des Tunisiens.
Leurs producteurs font des efforts louables, notamment en affectant aux prêches des imams capables de rationaliser le discours religieux, de le moderniser et de le mettre au diapason des exigences des médias audiovisuels et des nouvelles technologies de la communication et de l’information.
Que pourrait donc apporter de plus une chaîne de télévision qui serait spécialisée dans ce créneau? C’est la question que devraient se poser les promoteurs d’un tel projet avant de se lancer dans l’aventure : car il ne s’agit pas de dupliquer un concept, mais de l’adopter, de le développer et de l’améliorer de manière à ce qu’il soit suffisamment crédible et attractif.
La nouvelle chaîne religieuse que l’on se promet de créer doit être capable de réellement concurrencer celles du Moyen-Orient, qui, on le sait, sont très suivies sous nos latitudes.

Y. M.