Après des années de résistance contre le blackout médiatique du régime Ben Ali (2003-2009), Al-Hiwar Ettounsi renaît de ses cendres grâce à la Révolution. Reportage

Par Thameur Mekki


Difficile de passer dix minutes sans être interrompu par la sonnerie du téléphone d’Aymen Rezgui, rédacteur en chef d’Al-Hiwar Ettounsi. Attachés de presse, syndicalistes, militants politiques et activistes de la société civile sont au bout du fil.

Six bureaux régionaux

Convertie en siège de cette chaîne tv, une villa du quartier résidentiel de Sidi Amor à la Manouba observe la naissance d’une dynamique particulière. Après une suspension de ses activités datant d’octobre 2009, Al-Hiwar Ettounsi a lancé la diffusion expérimentale de ses programmes sur le Nilesat (fréquence 11.355/ vertical) depuis septembre 2011. «Je me suis réuni avec Tahar Ben Hassine le 15 janvier 2011. La décision de reprendre notre activité était presque évidente», nous confie Aymen Rezgui.

Aymen Rezgui et Tahar Ben Hassine (à droite), le fondateur et patron de la chaîne.

Première chaîne tunisienne d’information en continu, Al-Hiwar Ettounsi dispose de six bureaux régionaux implantés à Jendouba, Gafsa, Sfax, Mahdia, Gabès et Sidi Bouzid. Son siège principal situé à Lafayette – et qui vient d’être déplacé à la Manouba – couvre l’actualité dans le Grand Tunis.

Promotion de la pensée progressiste

«Notre équipe est formée de 20 journalistes. Les techniciens, nous n’en avons qu’une quinzaine. Il nous en manque encore. Des recrutements sont en cours. C’est que nous sommes en pleine structuration», indique le jeune rédacteur en chef. Il affirme que la chaîne ne fait pas appel aux services de sous-traitance. En termes d’agences de presse, Al-Hiwar Ettounsi est uniquement abonné à l’agence Tap.

«Avant d’intégrer notre équipe, les journalistes concernés doivent signer un engagement à respecter notre charte éditoriale. La promotion de la pensée progressiste est l’un des principes fondateurs d’Al-Hiwar Ettounsi», relève Aymen Rezgui.

Tahar Ben Hassine, fondateur et directeur de cette chaîne tv, vient de sortir du studio après une heure et demie de tournage sans interruption. «Nous tenons toujours à tourner dans les conditions du direct pour s’habituer», souligne Aymen Rezgui. Il enchaîne: «C’est pour faciliter le passage de la diffusion expérimentale à la grille finale. La transition devra se faire vers la fin de 2012 ou au début de 2013».

«Citoyenne et humaniste», c’est par ces mots que Tahar Ben Hassine présente la ligne éditoriale de son bébé médiatique. Après avoir cassé sa tirelire pour créer la chaîne et la financer entre 2003 et 2009, il compte aujourd’hui assurer un retour sur ses nouveaux investissements grâce aux revenus publicitaires. «Des amis proches», selon ses termes, l’ont rejoint dans cette expérience comme actionnaires.

Logo d'Al-Hiwar TV.

Dans les villes et bourgades de la Tunisie profonde

Aymen Rezgui n’est pas du tout inquiet de cette métamorphose. «Notre motivation première n’est toujours pas matérielle, précise-t-il. Il est vrai que le modèle économique d’Al-Hiwar Ettounsi est basé sur les revenus publicitaires. Mais c’est juste pour avoir de quoi faire fonctionner la machine à long terme sans avoir à faire recours régulièrement aux portefeuilles des actionnaires».

Côté programmation, la chaîne tv produit des reportages dont la durée ne dépasse pas les 2 minutes pour les news, des reportages dont la durée varie entre 4 et 6 minutes pour les magazines, des enquêtes entre 10 et 12 minutes ainsi que des débats et des grandes interviews. «D’ici fin 2012, notre objectif est d’implanter des bureaux dans chacun des gouvernorats tunisiens et d’assurer des flash-news toutes les 30 minutes avec plus d’ouverture sur l’actualité économique et culturelle», ambitionne M. Rezgui.

Adnen Hajji, leader syndical de la révolte du Bassin minier interviewé par Aymen Rezgui sur Al Hiwar en juin 2008 avant son arrestation et son incarcération.

Devant lui, à l’écran de la télévision accrochée au mur de son bureau, les reportages d’Al-Hiwar tournés dans les villes et les bourgades de la Tunisie profonde dévoilent un pays livré à ses maux criés haut et fort par les protagonistes des mouvements sociaux et des syndicalistes acharnés contre le pouvoir.