Le 12e Forum de Carthage sur l’investissement s’est ouvert, jeudi soir, à l’hôtel Ramada Plaza à Gammarth, dans la banlieue nord de Tunisie, en présence de plusieurs centaines d’experts, représentants d’agences internationales et hommes d’affaires en provenance des quatre coins du monde. «En cette période crise, nous devons resserrer nos rangs pour mieux exploiter nos avantages comparatifs. La Tunisie est un relais de croissance pour vos pays», a lancé le Premier ministre, M. Mohamed Ghannouchi, aux participants étrangers.



Cette année, le site Tunisie a décliné ses atouts: ouverture tout azimut, bonne résilience face à la crise et volonté de monter en gamme en développant son potentiel d’innovation technologique.
«Dans un contexte de crise économique, et peut-être en raison même de ce contexte, il a été mis en évidence que le choix d’ouverture et de partenariat a permis à la Tunisie de gagner des points de croissance», a déclaré M. Mohamed Nouri Jouini, ministre du Développement économique et de la Coopération internationale.

L’ouverture est un choix irréversible
«Malgré un contexte de crise, d’exacerbation de la concurrence, de montée en puissance de groupements régionaux et d’ouverture de nouveaux marchés, l’économie tunisienne a su se maintenir dans une courbe de croissance, grâce notamment au Plan d’ajustement structurel, lancé à la fin des années 1980, aux réformes économiques successives et au programme de mise à niveau de l’outil industriel», a renchéri M. Hédi Djilani, président de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica).
«La crise économique n’a en aucune façon entamé notre choix d’ouverture. Au contraire, elle conforte ce choix», a expliqué, pour sa part, M. Ghannouchi. Car, a-t-il ajouté, «la réhabilitation de l’initiative privée et l’amélioration du climat des affaires ont permis à notre économie de s’inscrire dans une dynamique de croissance soutenue d’environ 5% par an au cours des 20 dernières années. Le PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat a atteint 9.000 DTN. Les finances publiques sont équilibrées et l’endettement extérieur maintenu au-dessous de 40% du PIB.»
Ces performances, malgré la crise, ont valu à la Tunisie d’être classée 40e sur 133 pays en matière de compétitivité économique. «Ce classement nous incite à faire davantage d’effort pour renforcer les atouts de la Tunisie dans un monde très compétitif où il n’y a plus de place que pour les plus performants», a ajouté M. Ghannouchi.

Pour M. Jouini, la Tunisie va poursuivre ses efforts d’intégration dans l’économie mondiale, de diversification de sa production et d’amélioration du rendement global de son économie. Elle a, pour cela, une stratégie à trois axes qui consiste à privilégier la technologie et l’innovation, à maintenir et consolider le rythme de croissance et à s’orienter vers une économie à forte valeur ajoutée technologique et un développement respectueux de l’environnement.

Le silence de l’administration vaut acceptation
«Nous sommes réunis ce soir pour vous présenter les atouts, perspectives et opportunités de l’économie tunisienne. Et pour vous assurer que le gouvernement tunisien, sous l’impulsion du Président de la République, est déterminé à amplifier le processus de réforme, à approfondir l’intégration à l’économie mondiale et à favoriser les partenariats avec les entreprises des pays frères et amis», a encore expliqué M. Ghannouchi.
Ainsi, dès l’apparition des premiers signes de la crise, les responsables tunisiens ont considéré qu’en plus des mesures d’aides conjoncturelles aux entreprises, notamment exportatrices, le meilleur moyen pour faire face à la crise consiste à accélérer les réformes et à améliorer l’environnement des affaires.
«Désormais une société à responsabilité limitée peut être créée en une heure dans les guichets de l’API à Tunis, Sousse et Sfax. Passé un certain délai, le silence de l’administration équivaut à une acceptation. Le nouveau code des douanes a facilité de nombreuses procédures administratives», a assuré le Premier ministre.
Pour faire face à la crise, le gouvernement a relancé le programme d’infrastructures et les investissements publics. Résultat: le chômage s’est accru d’un faible taux de 0,7% en 2009. Il a pu ainsi être maintenu à 13,7% de la population active. L’inflation a été maintenue à 3,5% et la dette publique, interne et externe, à moins de 50% du PIB. «Cela veut dire que nous avons préservé notre marge de manœuvre pour poursuivre notre programme de développement», a expliqué M. Ghannouchi.
Si le gouvernement tunisien se montre vigilant, cherchant à maintenir un équilibre entre le renforcement de la compétitivité économique et la préservation d’un modèle social visant à améliorer constamment les conditions de vie des citoyens, il n’en est pas moins déterminé à aller de l’avant sur la voie de la modernisation économique.

Pour une croissance tirée par l’innovation
«La croissance a été tirée jusque là par l’efficience du programme de mise à niveau. Demain notre croissance devra être tirée par l’innovation technologique et les secteurs à haute valeur ajoutée», a affirmé le Premier ministre. «Cela est possible grâce à la qualité de nos ressources humaines, de nos infrastructures et des pôles technologiques que nous avons mis en place. Grâce aussi à l’installation d’un nombre croissant de groupes innovants dans les domaines des télécoms, de l’informatique, de la pharmacie, etc. Grâce enfin à la politique de soutien du gouvernement à la recherche scientifique et à la technologie, dont la part dans le budget de l’Etat a atteint 1,25% du PIB en 2009», a ajouté M. Ghannouchi. Mieux: ce taux atteindra 1,3 en 2010 et 1,5 en 2014.
Cette «montée en gamme» est possible et nécessaire. Elle revêt même, selon le Premier ministre, un «caractère contraignant», eu égard au nombre croissant de diplômés de l’enseignement supérieur, qui représentent désormais 60% de la demande additionnelle d’emplois.
Conséquence du baby boom des années 1970-1990, 65.000 nouveaux diplômés viennent chaque année sur le marché de l’emploi. Cette «explosion» du nombre de diplômés pourrait être une chance pour la Tunisie. Le pays est de moins en moins compétitif sur les créneaux à faible contenu technologique. Et de plus en plus compétitif sur ceux utilisant l’ingénierie et fabriquant des produits à haute valeur ajoutée. C’est là, sans doute, la voie royale pour accélérer la croissance et répondre à la demande additionnelle d’emplois.

Selon M. Ghannouchi, quatre axes guideraient aujourd’hui l’action du gouvernement dans ce domaine: «1- investir dans le capital humain: qualité de la formation, maîtrise des langues étrangères, alliances avec les universités partenaires, co-diplomation, certification des compétences par des organismes indépendants… 2- développer les infrastructures technologiques connectées à toutes les zones industrielles: fibre optique, réseau Internet haut débit, pôles technologiques, 200.000 m2 de bâtiment en cours de construction pour être loués à des groupes opérant dans le cadre de l’offshoring et autres activités… 3- adapter la politique fiscale pour encourager les activités dédiées à la technologie…4- accélérer et amplifier l’intégration dans l’économie mondiale, et dans l’espace Euro-Med en particulier, avec la finalisation des négociations sur les services et l’agriculture et l’obtention du statut avancé…»