La responsabilité sociétale des entreprises (Rse) a fait l’objet d’un déjeuner-débat organisé, jeudi à Tunis, par la Chambre de commerce et d’industrie tuniso-suisse nouvellement créée.

Par Mourad Teyeb


Se référant à des actes fondateurs de la société et de la législation de son pays, Pierre Combernous, ambassadeur de Suisse en Tunisie, a souligné l’importance du rôle que doit jouer la société civile et des instances de réflexion (think tanks) dans l’élaboration des fondements de la société et de l’économie tunisiennes de demain.

Quant à Mohamed Ennaceur, ancien ministre tunisien des Affaires sociales et experts mondial en la matière, il pense que la responsabilité sociétale des entreprises est «un thème d’actualité» en Tunisie et dans le monde. Selon lui, l’entreprise est aujourd’hui «de plus en plus sujet de préoccupation».

«Resituer» l’entreprise dans son environnement

L’ancien ministre explique que la paix sociale étant étroitement liée à la gestion (saine ou malsaine) de l’entreprise, la Rse est un concept qui «resitue» l’entreprise dans son environnement, à savoir les actionnaires, les employés, les syndicats, l’Etat, la société, etc., qui sont les «parties prenantes » qu’une entreprise doit prendre en considération.

Utilisant le terme anglais «social accountability», qui est selon lui plus pertinent, M. Ennaceur souligne que responsabilité sous-entend aussi «reddition de comptes» envers toutes ces parties prenantes.

Il considère par ailleurs que le développement des technologies de l’information et de la communication et de la société civile a fait que les comportements malsains (dans la gestion des entreprises) sont de plus en plus révélés.

La pérennité de l’entreprise tunisienne en jeu

Mohamed Ennaceur pense aussi que ce que nous avons vécu lors des premiers mois de la révolution tunisienne a démontré l’ampleur de l’importance de la notion Rse.

Des entreprises ont été brûlées et saccagées, des routes coupées, des sit-in un peu partout mais il y avait aussi des entreprises protégées et sauvées par leurs employées et les populations où elles se trouvaient. «L’environnement, la localité et la sécurité des gens ont des répercussions sur l’entreprise», a-t-il souligné.

Sachant que 85% des échanges commerciaux tunisiens se font avec l’Europe, la Rse devient ainsi indispensable pour obéir aux normes et aux règles exigées en Europe et dans le monde. Mais pour M. Ennaceur, les raisons du respect des responsabilités sociétales et sociales sont beaucoup plus profondes. Elle y va de la pérennité même des entreprises tunisiennes.

Tahar Ktari, vice-président de la Ccits et Dga de Sgs Tunisie, a analysé, pour sa part, les outils utilisés dans le monde et en Tunisie pour matérialiser l’engagement social. Il a évoqué quatre grands axes, à savoir l’environnement (Iso 14001, BS 16001, biomasse, etc.), la santé et la sécurité au travail (un large éventail de référentiels d’audit et de certification dont l’Ohsas 18001), l’engagement social des entreprises et la bonne gouvernance telle que mesurée et réglementée par Transparency International, le code de l’intégrité et autres certification Sgs.

Le cas de Leoni

Fadhel Draoui, cadre et psychologue à Leoni Tunisie, a quant à lui parlé de l’expérience de cette entreprise allemande durant la révolution.

Il a relaté le développement de Leoni d’une entreprise qui honore sa responsabilité sociale (clubs et activités socio-culturelles au sein des unités de production à Messadine et Mateur) à une entreprise consciente et efficace au niveau de sa responsabilité sociétale (implication de la population et des localités dans les décisions tel que le recrutement).

Ce dévouement pour la Rse a permis à Leoni Tunisie non seulement d’enregistrer une hausse de bénéfices en 2010 (année de crise mondiale où les projections étaient initialement vues à la baisse) mais d’être à l’abri des escalades sociales et sécuritaires de la Révolution.

En effet, l’usine de Messadine de Leoni est aujourd’hui célèbre pour être sauvegardée et sauvée par la population locale durant les premiers mois de la Révolution.

Fadhel Draoui n’a pas évoqué les problèmes enregistrés par l’usine de Leoni à Mateur, qui a connu il y a quelques mois une forte agitation syndicale et a failli fermer ses portes, mais là aussi, la négociation avec les syndicalistes et les travailleurs a permis finalement d’éviter la fermeture, pourtant agitée un moment par la direction comme une issue irréversible.

«Agir local, penser global»

Mais qu’est-ce que la Rse?

Wikipedia définit la responsabilité sociétale des entreprises (Rse) comme un concept dans lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales, et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes sur une base volontaire.

La Rse résulte de demandes de la société civile (associations écologiques et humanitaires) d’une meilleure prise en compte des impacts environnementaux et sociaux des activités des entreprises.

La Rse est donc la déclinaison pour l’entreprise des concepts de développement durable, qui intègrent les trois piliers environnementaux, sociaux, et économiques.

La Rse tend à définir les responsabilités des entreprises vis-à-vis de ses parties prenantes, dans la philosophie «agir local, penser global».

 

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