zitouna-bank
L’énergie dépensée pour le sauvetage d’une banque qui n’aurait pas dû naître ne pourrait-elle pas servir d’autres projets plus utiles pour la Tunisie de demain?
On pourrait en débattre, car les avis sont partagés. Par Charrad Dhafer*


Depuis quelques années, une étude de Standard & Poor’s, qui publie des analyses financières et constitue l’une des principales sociétés de notation financière dans le monde, a déclaré que les banques tunisiennes étaient faiblement capitalisées et disposaient d’une qualité d’actifs médiocre et que le pays était sur-bancarisé, compte tenu de sa population qui ne dépasse guère les 10,4 millions d’habitants.

Un "génie" des affaires !
En deux mots, tout entrepreneur sensé, raisonnable, rationnel, bon gestionnaire, voulant investir et gagner un argent propre devait, compte tenu de cette situation, penser à tous les projets imaginables sauf à la création d’une nouvelle banque.
Bizarrement et contre tout bon sens, Sakher El Materi, qu’on nous présentait à 30 ans comme un génie des affaires, a eu la géniale idée de créer une nouvelle banque. Le comble c’est qu’il a réussi à convaincre et à entrainer dans son sillage la crème de nos hommes d’affaires réputés être parmi nos meilleurs et plus intelligents entrepreneurs et promoteurs.
En effet, le capital initial de cette banque est de $ 30 millions, dont 51% sont détenus par le groupe Princesse El Materi Holding et le reste par des hommes d'affaires dirigeant les principaux groupes privés tunisiens (Poulina, TTS, Bouchamaoui, Délice-Danone et Ulysse Trading & Industrial Companies), soit les moteurs privés de notre économie.
La banque Zitouna, lancée en mai 2010, vient récemment d’être placée par la Banque centrale de Tunisie (Bct) sous l’administration provisoire de Slaheddine Kanoun et perdrait de l'argent depuis la fuite de l’ancien président tunisien.
Donc, en résumé, il s’agit d’une banque dont l'utilité est sujette à débat (même si la finance islamique a une place à prendre dans le système financier tunisien), que certains destinaient à l’échec dès sa création, dont l'avenir semble incertain suite à la fuite de son fondateur, gendre du dictateur, seul capable, grâce à des pouvoirs occultes, de transformer en or tout ce qu’il touchait.
Ce dernier est en train de se payer du bon temps dans les palaces qataries et, entre-temps, cette banque qui n’a pas crée autant d’emplois que prévu – ayant débauché ses employés auprès des autres banques de la place – perd et perdra peut-être de l’argent avant un hypothétique redressement.
D’autant plus que la crise de confiance des acteurs économiques, qui craignent pour leurs dépôts auprès de cette banque, ne disparaitra pas de sitôt.

Arrêtons immédiatement les dégâts
Certains pensent, à tort ou à raison, qu'il ne sert à rien de consacrer trop d’énergie à redresser cette banque qui n'aurait pas dû exister et de s’ingénier à faire, pendant des années, des efforts financiers et des acrobaties pour essayer de la rendre viable et rentable. D'autres appellent purement et simplement à sa liquidation. Mais cette solution extrême n'en est certainement pas une, puisqu'elle pourrait avoir des conséquences tout aussi néfastes. Car cette banque a drainé des fonds et employé des centaines de salariés. 
Cela dit, il faut tirer une bonne leçon de ce flop, en concentrant à l'avenir toutes nos énergies positives à d’autres projets beaucoup plus utiles au pays en cette période importante de son histoire.
A bon entendeur…

* Diplômé en sciences économiques et planification.