Les immatriculations couleur jaune des voitures algériennes se font très rares en Tunisie en ce début de juillet. Et elles ne risquent pas de se multiplier dans les prochaines semaines.


Alors que le mois de ramadan, qui commence début août, approche à grands pas, les touristes algériens ne viendront pas passer leurs vacances cet été en Tunisie. Les rumeurs comportées par certains médias algériens sur les kidnappings et les viols d’Algériennes à Tunis, Sousse et Gafsa ont fait leur effet dévastateur. La chronique des violences dans certaines régions du pays, comme le week-end dernier à Sbeitla, ou depuis mardi à Gafsa, ont fait le reste. Les informations, non vérifiées, d’agressions contre des femmes en bikini commises par de soi disant extrémistes religieux sur les plages tunisiennes n’ont pas arrangé les choses.

La situation sécuritaire en question
A vrai dire, cette situation sécuritaire volatile et imprévisible n’encourage pas les Tunisiens eux-mêmes à aller s’éclater sur les plages de Hammamet, Sousse ou Djerba. Que dire alors des étrangers qui ont préféré cet été payer plus cher et aller voir ailleurs si le soleil est plus chaud et le sable plus fin?
Les Algériens, qui étaient un peu plus d’un millions à se rendre chaque année dans notre pays, seront donc les grands absents durant les mois de juillet et d’août. Et, peut-être, jusqu’à la fin de l’année, si la situation n’évolue pas positivement dans notre pays. Les confrères algériens le constatent eux-aussi.
L’engouement des Algériens pour les plages tunisiennes est presque passé de mode. ‘‘Le Temps de l’Algérie’’ le constate: «A chaque période estivale, le poste frontalier de Bouchebka est pris d’assaut par les milliers d’Algériens venant de presque toutes les wilayas du pays pour passer les frontières et aller vers la Tunisie. Cette année, c’est loin d’être le cas; ce lieu de passage et de transit affiche vide», note le journal. «Auparavant, il fallait compter trois heures d’attente au niveau des postes frontaliers soit de Bouchebka, de Rous Laayon où celui d’El-Méridj, qui se fait cette année en cinq minutes seulement», constate encore ‘‘Le Temps de l’Algérie’’. Qui ajoute: «Seule une dizaine de passagers est constatée et la plupart se rendent en Tunisie pour des visites médicales.» Traduire: sans cette obligation sanitaire, ces providentiels visiteurs algériens n’auraient pas couru le risque lié à la «recrudescence des agressions en Tunisie» (et l’expression est du même journal).

Chute du marché touristique maghrébin
Autres signes décourageant les touristes algériens à venir cet été en Tunisie, signalés par nos voisins de l’ouest: 1- «la diminution des barrages des polices tout le long de la route» (entre Bouchebka, Fériana, Kasserine et Gafsa), ce qui ne rassure guère les rares visiteurs étrangers qui osent faire le pas; et 2- «on s’attendait à voir le dinar tunisien baisser, mais au contraire 100 dinars tunisiens sont échangés à 7700 DA. De quoi dissuader les Algériens à faire la route vers ce pays si proche», écrit encore le journal algérien.
Si, du côté de la Libye, le mouvement des voyageurs au passage frontalier de Raj Jedir semble légèrement plus intense en direction de la Tunisie, la clientèle libyenne ne vient pas vraiment passer des vacances ou pour s’éclater. Au vu de ce qui se passe dans leur pays, où sévit une guerre atrocement destructrice, la Tunisie n’est pas pour eux un pays de vacances mais un refuge provisoire en attendant que les armes se taisent et que la situation se clarifie dans leur pays.
Autant dire qu’en l’absence des touristes algériens, ce ne sont pas les réfugiés libyens qui vont sauver le marché touristique maghrébin qui enregistrera, cette année, une très forte baisse. Celle-ci est, peut-être, plus grave que prévu par le ministère du Commerce et du Tourisme, dont le titulaire, Mehdi Houas avait pourtant promis, au moment de prendre en charge ce département, de tout faire pour sauver la saison touristique. Le doublement du budget de promotion médiatique, notamment en Europe (60 millions d’euros au lieu de 30 millions habituellement) n’a pas changé la donne. Pas plus que les interminables navettes du ministre entre Tunis et les capitales des principaux pays émetteurs de touristes, y compris l’Algérie. Ce dernier pays, qui avait promis de faire de son mieux pour aider la Tunisie, laisse aujourd’hui entendre que «l’approche du mois du Ramadan et la conjoncture économique morose, pourraient contraindre leurs ressortissants à rester chez eux», comme le note nos con frères de ‘‘Maghreb Intelligence’’. Les rumeurs d’agressions contre des Algériennes, distillés via les médias locaux (dérapages très contrôlés, en somme), ont fini par tuer chez les Algériens tout désir de vacances en Tunisie.
L’année touristique 2011 est donc presque perdue. Il va falloir préparer celle de 2012. Et d’abord, en aidant à stabiliser la situation générale dans le pays.

Imed Bahri