Le gouvernement étudie les moyens de libérer le potentiel de la microfinance, pour lutter contre l'exclusion financière, développer les régions intérieures et consolider le tissu économique.Le gouvernement étudie les moyens de libérer le potentiel de la microfinance, pour lutter contre l'exclusion financière, développer les régions intérieures et consolider le tissu économique.

Par Maya L.

 

Suite au changement politique entrainé par le soulèvement populaire de janvier 2011, la Tunisie a découvert une pauvreté et un chômage bien plus importants que ce que les médias officiels sous l'influence de l'ancien régime laissaient entendre. La révolution de janvier a mis au jour le désespoir de milliers de jeunes et l'incapacité du marché du travail à créer les emplois nécessaires.

A ces problèmes structurels s'ajoutent les problèmes conjoncturels liés aux dommages collatéraux de la révolution et de la guerre civile en Libye, à savoir: la désertion des touristes européens, les sit-in interminables et assez récurrents, la fermeture temporaire ou définitive d'entreprises tunisiennes et/ou étrangères, l'afflux de réfugiés de Libye, et la frilosité des investisseurs locaux et étrangers.

Dans ce cadre, la microfinance peut être un outil intéressant, tant pour lutter contre l'exclusion que pour le développement d'un tissu économique dynamique. Car elle ouvre l'accès aux services financiers pour des ménages et des entreprises exclus du système financier traditionnel. Cet accès permet aux ménages de lisser leur consommation, de se doter d'actifs et de se protéger des chocs externes. Il permet aussi aux très petites entreprises de maintenir, voire de développer leur activité et créer de l'emploi.

La microfinance reste toutefois un instrument et non une solution en elle-même. Pour qu'elle soit efficace, elle doit s'insérer dans un environnement porteur. Cependant, force est de constater qu'elle n'est pas souvent l'outil le plus approprié, notamment dans le cas des plus démunis pour lesquels d'autres types de soutien seront nécessaires.

La demande potentielle de microfiance

La demande pour des services de microfinance provient de la population exclue du système financier traditionnel. Cette population souhaite avoir accès à une gamme de produits financiers adaptés à ses besoins, comprenant l'épargne, l'assurance, les transferts d'argent et les moyens de paiement, et parfois les crédits. Ces crédits seront principalement d'ordre productif.

Il n'y a pas aujourd'hui de données précises sur l'exclusion financière. Ce manque d'informations est déjà une information en soi, reflétant une vision sous-estimant les besoins et qui a conduit à l'implémentation d'un cadre relativement restrictif. Un diagnostic, basé sur des sources d'information secondaires, a identifié une clientèle potentielle pour des services de microfinance de 2,5 à 3 millions de personnes et ou entreprises, dont 1,2 à 1,4 millions pour le microcrédit.

Diagnostic de l'offre existante

Le secteur bancaire et financier est aujourd'hui loin de répondre à cette demande. Grâce à un réseau bancaire et surtout postal relativement étendu, les personnes à bas revenus peuvent avoir accès à des services d'épargne en vue de constituer un capital.

En revanche, l'épargne courante et les moyens de paiement restent l'apanage des populations plus aisées, et les populations à bas revenus ont tendance à conserver leur épargne en nature, avec les risques que cela comporte.

La couverture sociale, bien que plus développée que dans l'ensemble des pays en voie de développement, est loin d'être universelle, et les compagnies d'assurance ne compensent pas ce manque.

L'offre de services de microfinance peine à se développer à cause d'une infrastructure de marché défaillante: les structures de marché nécessaires au bon développement de la microfinance ne sont pas encore aboutis.

Nécessité de réviser le cadre réglementaire

Il est notamment important d'accompagner la croissance du secteur par la mise en place d'une centrale de risques et de formations appropriées, et d'assurer la transparence du secteur et la protection des consommateurs. En effet, le cadre réglementaire, existant depuis 1999, constitue une base solide pour une partie de l'activité de microcrédit, mais restreint fortement le développement de la microfinance, ce qu'il limite de facto la gamme de services financiers au crédit, ainsi que les populations cibles et n'autorise donc que les associations à but non lucratif à pouvoir en jouir. Il n'incite pas non plus à l'application des bonnes pratiques, dans la mesure où aucune norme en termes de gouvernance, contrôle interne, système d'information et protection des consommateurs n'est édictée.

Ainsi, pour développer la microfinance, le cadre réglementaire doit donc être revu et une capacité de supervision, indépendante et efficace, doit être mise en place.
Des pistes d'avenir

Partant de ces constats et pour libérer le potentiel de la microfinance, une vision a été dégagée, fruit de la concertation des ministères concernés, prestataires de services et bailleurs de fonds impliqués dans le secteur de la microfinance, sous la supervision et la coordination du ministère des Finances.

Cette vision se résume comme suit: une microfinance socialement responsable et pérenne qui, à travers l'accès pour le plus grand nombre de personnes à des services financiers de qualité, contribue à la lutte contre l'exclusion financière, au développement harmonieux des régions et à la consolidation du tissu économique.

Parmi les axes stratégiques qui seront pris en considération sur la période allant jusqu'à l'horizon 2014, on peut citer: la mise en place d'un cadre réglementaire et une supervision encourageant l'évolution du secteur, une contribution via la microfinance au développement des régions et segments prioritaires, la structuration du secteur pour inscrire son impact dans la durée et la promotion et l'accompagnement d'une croissance responsable du secteur.